Livres du XIXe siècle 95 sifflements ; avec le départ de nos antiques forêts sont disparus ces nombreux enfants de la nature, dont la fuite a terni le primitif éclat de la création ; les Naïades de nos pères sont desséchées ; les ruisseaux ne s’écoulent qu’avec langueur ; les rivières sont, dans leur triste nudité, accompagnées de flétrissantes langes marécageuses ; les urnes de nos vieux fleuves ne versent plus leurs belles eaux que par intermittences, et nos canaux nautiques, menacés de s’éteindre, sont forcés de ravir les eaux nécessaires à nos cultures ; des vents, naguère inconnus, à qui les déboisements de nos montagnes ont donné une existence moderne, ravagent aujourd’hui les plus riches bassins de la république ; l’inclémence croissante des températures et des saisons, arrête partout la volonté libérale de la nature ; la terre perd tous les jours un élément de plus de sa fécondité ; de son sein, dénaturé par nos continuels outrages, sortent les cohortes de maladies qui viennent flétrir le brillant songe de la vie… » Ce texte visionnaire est illustré, dans la présente édition, de deux frontispices gravés par Tardieu et Dupréel d’après un dessin de C. Monnet. Le premier « représente le physicien montrant, au premier Consul, nos montagnes couronnées de cèdres, de pins, de mélèzes, de sapins, entremêlés avec nos arbres forestiers, ranimant une cascade éteinte ; des champs abrités et un paysage tel que tous les points de la France pourraient par des travaux bien dirigés, en présenter la douce image » (p. vij). Le second frontispice est légendé : « Elisée. Solemnité des Tombeaux. » Ces deux gravures ne seront pas reprises dabs la seconde édition de 1818. Bon exemplaire en cartonnage postérieur, bien conservé malgré quelques rares traces de mouillures claires sans gravité. 85 RAUCH (François Antoine). Régénération de la nature végétale, ou recherches sur les moyens de recréer, dans tous les climats, les anciennes températures et l’ordre primitif des saisons, par des plantations raisonnées, appuyées de quelques vues sur le ministère que la puissance végétale semble avoir à remplir dans l’harmonie des éléments. Paris : imprimerie de P. Didot l’aîné, 1818. — 2 volumes in-8, 213 x 166 : xxxi pp., (2 ff.), 502 pp., couverture illustrée ; 398 pp., couverture illustrée. Broché, non rogné. 500 / 700 € Seconde édition entièrement revue et augmentée grâce à des observations nouvelles, de l’Harmonie hydro-végétale et météorologique que l’auteur publia pour la première fois en 1802. François Antoine Rauch (1762-1837), ingénieur des Ponts-et-Chaussées, est considéré comme le père fondateur de la pensée écologique en France. Dès 1802, il dénonçait déjà les effets néfastes du déboisement en Asie, en Afrique et en Europe ; dans cette édition de 1818, il inclut également l’Amérique. Il met en garde contre les défrichements imprudents en France, qui provoquent des éboulements, des ravinements et la désertification. Il loue les forêts protectrices de la Suisse, ainsi que les campagnes arborées d’Allemagne et d’Angleterre, insistant sur la nécessité de restaurer les forêts de montagne :« Puisque le temps est si lent à reproduire ce que l’homme a détruit dans un instant (...) soyons dociles à la voix du malheur qui nous crie de replanter avec célérité nos antiques montagnes. » S’intéressant aux progrès de l’agriculture, il admire l’équilibre naturel dans lequel chaque être vivant joue un rôle essentiel : selon lui, les oiseaux et les fourmiliers sont plus efficaces et plus sains que les « drogues » contre les insectes, tandis que les loups et les oiseaux de proie débarrassent la terre des charognes. Il est convaincu que le respect de la nature peut générer des bénéfices économiques, mais déplore qu’aucune des nombreuses écoles existantes ne soit consacrée à « tout ce qui concerne la végétation ». Enfin, il implore la bienveillance du monarque pour « relever et rajeunir cette antique France, mutilée dans son climat, ses attraits et ses productions. » (II, page 364). Exemplaire broché, tel que paru, à toutes marges et en grand partie non coupé. Les plats de couverture comportent un joli encadrement typographique. Rousseurs éparses. Quelques mouillures claires sans gravité dans le second volume.
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