ADER Nordmann. LETTRES & MANUSCRITS AUTOGRAPHES

148 67 (Ah ! pardon, je me gourais, t’en as pour le père Hugo ? Ça va pour Victor Hugo si tu veux histoire de dire comme toi). Pour lors les Vers à Psyché, ils sont d’un homme qu’on sait qui que c’est. Je le connais pas, que tu dis ? Ben, chiche ! j’ai le beau-frère à ma sœur qui vend des abattis au tripier de la rue en face d’une maison de rapport où que m’sieu Doumic a manqué habiter. Tu vois si je le connais Pierre Louÿs ! Ben, ses vers à Psyché c’est malheureux pour la patrie, mais les quatre premiers vers ils étaient plutôt comme la lune que comme aut’ chose. Alors, comme c’est le 29 novembre 1898 que ça y a arrivé c’t’histoire là de la Pochetée, de l’Apogée, comment qu’il dit ? va y avoir vingt ans de ça demain à 6 du soir, on s’en douterait pas. Alors j’y ai refait son premier quatrain pour pas qu’on se foute de lui dans le monde. Mais, mon vieux, maintenant ça y est: Quel enfant de chameau de boche de plume qu’est pas seulement foutu d’écrire un dodécasyllabe, la poison ! ». Suit le quatrain : « Psyché, sœur de mon souffle et de l’heure qui sonne »… [1922]. Il le remercie de l’avoir contredit : «je comprends pourquoi mes lecteurs ne me comprenaient pas. Tu me connais depuis trente deux ans et tu me connais bien. Faisons une expérience en histoire littéraire ». Et il pose des questions : « I. En quelle année me suis-je fait imprimer pour la première fois ? En 1880. Le savais-tu ? […] IV. Avant de publier Bilitis et Aphrodite, j’ai collaboré au roman de quelqu’un, qui est devenu académicien depuis. Qui estce ? » Quant à sa religion, on le croit protestant ou juif. « IX. Ai-je des enfants ? et combien ? Zéro? sept? ou quinze? ou… Qui le sait?»… Et il conclut : « Ceux qui savent tout ou presque tout, où la centième partie de tout, est-ce Chapelle ? Boileau ? – Non. Personne. » Samedi soir (suite). « Entre les cyniques et les doucereux, il est certain qu’il y a aussi, et même d’abord, les stoïques » Il admire Marc-Aurèle, mais n’a jamais compris « le mot typique du stoïcisme, l’hémistiche de Vigny : Souffre et meurs sans parler. – Je ne sens pas en quoi le silence est une fonction de la vertu lorsqu’il s’agit de souffrances physiques. […] Je verrai même dans ce silence la vanité des vanités […] et je n’en estime pas moins le Christ pour avoir gémi sur la croix : “Eli ! Eli ! etc.” »… On joint une photographie originale de Paul Valéry par Pierre Louÿs (vers 1895 ; 8,2 x 5,5 cm). 149. Pierre LOUŸS. L.A., 26 avril [1919], à un ami, et manuscrit autographe ; 7 pages in-8 et 3 pages petit in-4 (rousseurs). 400 / 500 € Au sujet de Raoul Ponchon. Louÿs prépare un article sur Ponchon et s’indigne que, dans sa ville natale [La Roche-sur-Yon], le bibliothécaire n’ait jamais entendu parler de lui, ajoutant « que jamais un journal local, ni une revue, ni un bulletin, ni un annuaire ne s’est orné du nom de Ponchon». Ses recherches lui ont appris que Ponchon «est un type dans le genre de Buonaparte: il a changé une lettre à son nom » et que son père était « Capitaine trésorier d’un régiment bleu, rouge et or ». Ponchon a eu 70 ans et c’est une honte qu’on n’ait pas célébré cet anniversaire : « J’ai fait copier au hasard trente poëmes de lui (d’il y a trente ans). Plus de la moitié sont restés excellents ou plutôt ils le sont devenus. Rien n’a vieilli. Cela écrase toute la poësie burlesque du XIXe siècle, Banville compris, et autre chose itou. Cela passe tous les Scarron, et même St Amant. Ponchon est un homme immortel». Dans le manuscrit, Louÿs s’adresse à Ponchon : « à quel âge vous croirez que vous êtes immortel. Votre premier livre a quarante frères qui sont mille fois signés Ponchon. Il n’y aura jamais eu d’œuvre satyrique plus considérable que la vôtre lorsque la postérité pourra lire Ponchon en quarante volumes avec album, lexique, index, notes et bibliographies ». On joint une copie du poème L’Eau de Ponchon (1911).

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