84 .../... 30 août 1903. « Hélas, non, mon pauvre Paul : pour une fois, savez-vous, ma paresse n’est pas la seule raison de mon dégoût naturel pour l’écriture. Mais l’état de nos affaires est tel que je ne sens nul enthousiasme à la pensée de vous en informer. Il m’inspirerait plutôt la brusque décision de me foutre par la fenêtre d’un rez-de-chaussée qui donnerait sur un fleuve ». État détaillé et alarmant des finances de leur communauté… « J’en suis réduit présentement à chercher des moyens d’existence. Le manque d’habitude, la rigueur de la saison et l’absence de tout le monde me rendent ce sport très pénible. Nouvelles diverses sur Liane de Pougy et Henri Albert ; « il paraîtrait que le Mariage de Don Quichotte s’est vendu à 1200 (au moins)»… – 22 octobre. « Injurieux ami ! (comme eut dit la dame qui confondait l’apostrophe et l’opposition) Vous n’avez donc pas senti combien il était imprudent d’envoyer deux termes à un malheureux criblé de dettes. […] Voici le système que j’ai adopté (sans vous le conseiller). Tous les jours à midi on me monte mon déjeuner que je mange au lit tandis que Jean fait le bureau. Après quoi, je prends mon tub, puis je m’installe dans le susdit bureau et je bricole jusqu’à cinq heures ½ sans ouvrir à aucun coup de sonnette, sauf pour quelque éventuelle et rare Caroline en mal de confidences. Cinq heures ½ : visite aux journaux (Rire et Presse, 30 francs par semaine en tout). 7 heures Weber. 8 heures : beuglant théâtre. Minuit retour et littérature jusqu’à cinq heures. Je continue de ne trouver aucun moyen de gagner ma vie»… [1904]. «Je ne vous cacherai pas plus longtemps que votre conduite m’indigne et me désespère. À quoi tendent ces habitudes de boire quand tout le monde travaille dort, baise, ou ne fait rien. Et croyez vous trouver l’oubli de notre double Détresse, comme dirait Régnier dans le fond de ces verres qui ne riment à rien ? Vous semblez ignorer que l’alcool est le pire des Poisons. Le mélange que vous désignez sous le nom de wisky soda contient 2.497.863.201.379.868.904 de bactéries par kilomètre carré. Si vous étiez rentré comme moi à dix heures, vous auriez comme moi écrit 47 lignes – et vous auriez eu envie de dormir à trois heures, après en avoir passé cinq à travailler d’arrache-pied (pied n’est pas trop dire). Je suis un type dans le genre de Sapho qui s’était couchée lasse d’attendre et dormait en plein sous la lampe»… [Octobre 1905] : « Willy est disparu, complètement depuis dimanche ! J’envoie lettres, télégrammes, etc., tout ce que justifie mon manque absolu d’argent. Aucune réponse – rien. […] Je considère Willy comme enterré. Il va falloir se dégrouiller. Je vous ai attendu pour signer vous-même ce qui vaut mieux les amies Nane »… – Nuit de Noël. « Tout va mal… la maison W a suspendu ses commandes… Il y a de beaux projets en l’air, mais rien d’immédiat. Jusqu’à nouvel ordre je n’ai donc plus que la V.P. [Vie Parisienne] pour vivre. […] L’urgent, qui ne fait pas le bonheur, c’est que j’attends votre part de Perdiccas pour vendredi »… – Jeudi [29.XII]. « Ce ½ Perdiccas m’agrée infiniment, encore que, par hasard, il n’y soit pas question de flagellation, puisque vous inventez des façons nouvelles d’éviter un sujet que nos plus jeunes lectrices mêmes seraient fondées, si je puis dire, à trouver brûlant. […] Il faut soigner ces Perdiccas… d’autant plus que nous pourrions bien rester d’ici quelques semaines, seuls avec l’honneur à soutenir d’une illustre maison et le privilège exclusif de Semainiers (les seuls qui blanchissent). […] La revue de Ba Ta Clan sera le vivant commentaire d’un livre qui eut son heure de vogue et je ne parle point du Génie du Christianisme non plus que du Monde comme Volonté et comme Représentation. On répète sous l’œil et les conseils de Curnonsky et une centaine de mollets tout roses de froid se trémoussent selon des rythmes éternels, puisque d’Offenbach : il y en a douze adorables »… 9 janvier 1906. « J’ai touché ce matin le Perdiccas tout entier, c.a.d. exactement cent francs, dont il vous revient 58. […] Toujours aucune commande de la maison W. Nous avons deux romans tout prêts qui ne sont pas encore parus et il faut attendre. Mais il paraitrait que Chaussettes pour Dames continue de se vendre»…. – 20 février. « La maison centrale en est réduite à de tels expédients qu’il serait cruel de leur demander la moindre avance et je crois bien que sans les cachets que touche Colette aux Mathurins… Elle y est d’ailleurs délicieuse et mime son rôle de petit faune avec une perversité androgyne […] Elle y paraît vêtue d’une simple peau de bête et les jambes nues jusqu’au délire… Mais ce n’est rien auprès d’une petite Écossaise qui danse en ce moment à l’Étoile polaire et dont on peut voir sous le kilt tout ce que Mme d’Entrejoye montre sans le vouloir au parvis de St Exupère»… – Samedi [8 septembre]. « Willy est venu me voir tantôt : il se sépare de Colette – c’est la grande nouvelle parisienne »… Dieppe 17 août 1907. « Parmi les raisons qui vont me décider à rester quelques jours encore à Dieppe, la première est blonde, comme ne dit pas le chansonnier poète Gabriel Montoya, et la troisième est que je m’amuse avec les cabots en qui je découvre cette qualité insoupçonnée de ne jamais parler de leur métier. Entre eux et tels de nos confrères je n’hésiterai jamais : je vivrai parmi des électriciens hilares, et des instituteurs sans humanités. […] Je travaille toute l’après-midi avec Baret, qui est un brave et gentil camarade et qui me berce d’anecdotes à révolutionner tout Cabotinville. Je ne pourrai donc aller voir Claude Achille [Debussy] que vers lundi »…. [28 novembre 1909] : « ça me fait plaisir, tout de même, mon vieux Toulet, de penser que nous n’avons pas mis nos mères dans le commerce… et que nous avons noblement mérité de rester inconnus et pauvres dans cette démagogie de putains, de maquereaux, de tapettes, de youtres et de plagiaires»… – [1910]. « Pour ne pas vous retarder encore, pour notre biplan lisez-le attentivement. La fin n’est pas assez fournie : il faut que cela rende 250 pages. Willy ne croit pas aux romans en 150 pages ; les éditeurs non plus ; le public non plus. Vous me direz qu’il y a Carmen, et la Femme et le Pantin, et Boule de suif… […] Le silence de Willy rappelle celui des Espaces infinis »… 16 novembre [1912]. « Tout de même, je reste étonné (au sens le plus latin du mot !) que vous me jugiez capable d’avoir touché sans vous en aviser – et sans les partager avec vous – des argents sur Demi-Veuve. Il faut vraiment que la distance ou le temps vous aient fait oublier combien ce procédé répugnerait à ce que je n’ose appeler : mon caractère (!?) »…
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