103 mariage d’Herminie avec son ami Collard, qui était aussi l’ami du général Dumas. Devenu, après la mort du général, le tuteur d’Alexandre, Collard accueillit le jeune orphelin et sa mère en son château de Villers-Hélon, près de VillersCotterêts, où, après 1815, venait, comme en famille, le duc d’Orléans (futur Louis-Philippe). Une des filles de Collard, Caroline, épousa le baron Cappelle, dont elle eut deux filles, qui furent élevées à Villers-Hélon : « Je vis ces deux enfants grandir sous mes yeux. Marie était l’ainée – elle avait dix ans de moins que moi ». La plus jeune, Antonine, se maria la première avec Félix Deviolaine, un cousin de Dumas. Après la mort de sa mère, Marie vient habiter Paris chez sa tante, Mme Garat, épouse du gérant de la Banque, qui reçoit chez elle Dumas, devenu auteur à la mode. Il y retrouve Marie, alors que Louise Garat lui a confié que Marie est une voleuse : « Marie Capelle quoique douée d’une puissante séduction n’était pas belle elle n’était que charmante. Elle ressemblait à Rachel et avait comme elle des enchantements tantôt de magiciennes antiques tantôt de bohémiennes modernes». Elle lui avoue son vol, comme une façon de provoquer une explication avec sa tante. Dumas raconte alors comment on arrangea le mariage de Marie avec un M. Lafarge, «maître de forges près de Tulle […] un industriel du plus bas étage, aux mains sales, au visage vulgaire, à l’esprit grossier, sans un sou de fortune, ne possédant pour tout bien qu’une usine interrompue dans son travail faute d’argent et sur le produit de laquelle il mentait impudemment, sans autre demeure qu’une masure qu’il qualifiait du nom de château » ; voilà à quoi on avait marié « une jeune fille, ayant cent mille francs de dot, nièce de l’ambassadrice de Portugal, de la régente de la Banque de France, et petite-nièce enfin du Roi Louis-Philippe qui en la dotant reconnaissait presque publiquement cette parenté […] On maria – imprudemment – et dans la hâte que l’on avait de la marier – Marie Capelle à un homme qui lui était inférieur sous tous les points – inférieur, comme naissance, inférieur, comme esprit, inférieur comme fortune ». Lafarge emmena Marie au Glandier, « une maison en ruines […] où les cochons entraient dans la cuisine, où les poules et les canards entraient dans son salon, où quand elle demanda une baignoire tout le monde se mit à rire […] où elle trouva un mari brutal dans les actes où les plus brutaux s’attendrissent et deviennent caressants », et qui tenta de la sodomiser. Ayant appris par Deviolaine que Lafarge était mort et qu’on accusait Marie de l’avoir empoisonné. Dumas tente d’intervenir auprès de LouisPhilippe ; mais Marie a été arrêtée. Le procès « partagea la France en deux camps, toutes les femmes étaient pour la culpabilité de Madame Capelle, tous les hommes pour son innocence». Dumas rappelle les débats des scientifiques, Orfila s’opposant à Raspail : « Plus la science s’acharnait par la bouche d’Orfila à déclarer Madame Lafarge coupable et par la bouche de Raspail à la trouver innocente, plus le doute entra profondément dans l’esprit des jurés. Alors craignant de gracier un coupable, craignant de condamner une innocente, ils employèrent le terme moyen des circonstances atténuantes »… Dumas ajoute un épilogue ; lors de son voyage en Afrique en 1846, accueilli au camp d’El-Aroush, il voit dans la chambre prêtée par un officier un portrait de Mme Lafarge ; de retour à Paris, il trouve une lettre où Marie proclame être innocente comme Calas. Il va dès lors s’employer à obtenir sa grâce, qui fut enfin signée par Crémieux : « Marie Capelle sortit de prison, me remercia, et mourut »… Il précise enfin, au sujet de ce texte : « j’ai écrit quinze heures de suite sans m’arrêter car il me semblait que le fantôme de la morte était là près de moi »…
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