ADER Nordmann. . LETTRES & MANUSCRITS AUTOGRAPHES

193 105 195. André GIDE. L.A.S., Cuverville 13 août 1912, à « cher vieux » [Eugène Rouart] ; 2 pages in-8. 200 / 300 € Gide projette un voyage en Italie, en vue d’un livre, et serait ravi que son ami le rejoigne à Rome après le 8 septembre. « Nous irions ensemble tâcher d’atteindre ce mystérieux village Sarracinesco, non loin de Tivoli, que ne mentionne aucun guide et qui m’attire depuis nombre d’années ». Il préfère ne pas être seul pour cette expédition : « Et tant mieux si le cher Alibert t’accompagne ! » En les attendant « J’aurais pris à Rome les notes dont j’aurai besoin pour mon livre ; je passerais avec vous une dizaine de jours avec eux, puis me replongerais dans le travail ». Il se réjouit de ce petit voyage « qui j’en suis sûr pourrait être extraordinaire »… [Le voyage se fit en 1913, du 21 avril au 5 mai, avec Ghéon et Rouart, et Impressions d’Italie parut dans la foulée.] 196. André GIDE. L.S., avec 2 corrections autographes, Paris 4 septembre 1929, à Eugène Dabit ; 3 pages in-4 dactyl. 200 / 300 € Belle et longue lettre à Dabit. Ses rhumatismes l’empêchent de tenir la plume, ce qui explique cette lettre dactylographiée. Il se réjouit de renouer avec Dabit, ayant « beaucoup souffert de ce croquemitaine que votre imagination trop sensible s’était ingéniée à dresser entre nous […] Et je n’osais vous récrire, craignant par quelque nouvelle imprudence d’aggraver votre alarme… Et je mesurais la profondeur de mon affection pour vous, déjà vieille, au chagrin que je ressentais d’avoir perdu la vôtre. […] Notre amitié, d’ordre tout mystique, exige un ciel tout pur ». Gide peine à croire que sa parole « si maladroite, si insuffisante, dont je suis si peu maître dans la conversation, et qui si souvent trahit mes sentiments et ma pensée, que cette parole puisse être d’un réconfort plus grand que mes livres où je tâche de projeter ce que je sens en moi de plus important, de meilleur ». Il n’a pas la même conception du talent : il partage « votre horreur du talent factice, postiche et surajouté ; de la parure, du fard, du masque, fût-il d’or ou de pierreries », et il « repousse de plus en plus tout faire-valoir inutile, toute virtuosité », et tend « à une expression toujours plus pure, plus simple et plus dénuée d’artifices de mes sentiments et de ma pensée ». Cela exige un talent supérieur et une simplicité qui reflète « des vertus profondes, parentes de celles que nous enseigne l’Évangile. Mais fussent-ils au demeurant de parfaits catholiques (ou du moins de prétendus tels), l’orgueil de certains de nos écrivains les plus fêtés, les plus applaudis, me consterne et m’écoeure…; même dans Chateaubriand ou dans Claudel, je ne puis pas le supporter. Quant à Barrès… non, cela nous entrainerait trop loin »…

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