ADER Nordmann. . LETTRES & MANUSCRITS AUTOGRAPHES

113 212. Jean LORRAIN (1855-1906). 3 L.A.S., 1885 et s.d., à son éditeur E. Giraud ; 6 pages in-8, une à la devise Divina belluis. 150 / 200 € Correspondance avec son éditeur. 29 juillet. Il envoie directement à Giraud les dernières épreuves envoyées par M. Décembre : « Tout est intertexté, les titres changés, jusqu’à l’ordre des nouvelles, et le tout plus constellé de fautes que lors de la dernière correction de Juin, car j’ai eu tout le livre composé entre les mains. Je ne sais quelle espèce d’homme est ce Décembre […], si vous n’extirpez pas de cet imbécile ou de cette canaille la forte somme, auquel nous avons tous deux droit, c’est nous deux qui sommes les imbéciles. Voyez et agissez, moi je ne veux plus avoir à faire avec cette crapule »… Hennequin a promis de parler de Viviane… Fécamp 31 juillet. Nouvelles plaintes contre Décembre « qui non seulement change les titres et intervertit l’ordre des paragraphes, mais égare les manuscrits […] on n’a pas de recours contre un tel homme »… Il faut envoyer une dizaine de Modernités aux dames Quittard à Étretat, où il n’a trouvé hier aucun de ses volumes et où la vente est meilleure qu’à Fécamp, en leur demandant si elles ont encore des Forêt Bleue et Sang des Dieux… Devant corriger Les Lepillier, et son père étant malade, il ne sera pas rentré à temps pour la mise en vente le 20, mais il charge Giraud de faire « le service avec hommage de l’auteur et mon nom signé pour moi, aux bibliographes, mais laissez faire moi-même le service du Figaro, Gaulois, Gil-Blas, Événement, Voltaire, Liberté, Siècle et celui des Revues également ; rien aux confrères également, je me réserve de choisir mon monde». Il faut mettre en dépôt partout, surtout chez Marpon et à la Librairie Nouvelle, « c’est là le grand débouché […] Surtout n’envoyez rien aux confrères, il y en a bon nombre que j’élimine, les hostiles et les inutiles, Maupassant, Mendès, Maizeroy »… 213. Jean LORRAIN. 12 L.A.S. et 1 L.S., [vers 1884-1886], à Rachilde ; 37 pages in-8 ou in-12, 3 à en-tête Divina belluis, 5 sur papier deuil, une adresse. 1 000 / 1 500 € Très belle correspondance, spirituelle et galante, à la jeune romancière, auteur de Monsieur Vénus. Nous ne pouvons en donner ici que quelques extraits. « Rachilde, o pitre exquis dont les boniments fous et les maillots chastement hermétiques font de votre personne un des plus rouges-enragés piments, qui aient jamais flambé sous les gencives molles d’un vieux banquier à court d’arguments... poétiques, en train de se lester l’... ? estomac de renforts. (Vous remarquerez que je vous écris en vers blancs, la prose harmonieuse de Chateaubriand était seule capable de s’appliquer en s’y moulant à l’harmonie cadencée de vos formes) Rachilde, toi qui veux bien me déclarer trop beau pour plaire aux hommes et pas assez pour plaire aux femmes, ce qui est une erreur dans la première assertion. […] voudrez-vous pour cette fois seulement me prêter votre place en tete du Zig Zag, en belle page, monsieur, mademoiselle ou... madame ? cela pour présenter cuit à la maitre d’hôtel, saupoudré de persil (ce qui serait déjà un cas de mort pour lui, le persil étant aux perroquets fatal) ce délicieux ichtyausorien de Félicien Champsaur. [...] apprenez que je suis vierge et pas du tout martyr »... Etc. Il ne veut pas la voir à Bullier : « Mais chez vous, avec ou sans chaise de paille, tant que vous voudrez et même sur le lit... Oh sans aucune intention mauvaise, en bons camarades que nous sommes ! Rachilde et Jean Lorrain, les deux plus chastes insexués de la littérature contemporaine, bien trop voluptueux pour rien faire, bien trop roublards surtout, en donner l’idée aux autres, mais quant à eux ! ! Savez-vous, jeune monstre, que je vous aime dans le mal, comme on s’aime soi-même au fond d’un magique et fuligineux miroir. Vous êtes cérébralement néfaste et je vous adore comme la chasteté du mal : ce que nous ferons et ce que je vous propose, c’est de vous habiller en garçons branchés, la blouse bleue, la cotte et la casquette, moi idem et nous irions dîner à la Villette avec mes amis les assommeurs de bœufs, de là visiter un peu les bals de barrière... oh le succès que vous y aurez... et ce que ça vous changera... des poètes perversistes, morphinistes et à la manque en istes et en revenant vers trois heures du matin en fiacre peut-être me laisserez-vous toucher... rien qu’effleurer un peu les lèvres avec la permission partagée que vous n’êtes plus Rachilde mais le plus grisant des jeunes garçons bouchers et moi que je ne suis plus Lorrain poète décadent et suave, mais un marlou des abattoirs... mais rien qu’un baiser pour ne pas crever notre rêve […] Alors, pour peu que vous vous soyez identifié dans votre rôle, vous comprendrez peut-être et Paris et Gomorrhe ! »... Etc. « Monsieur ? J’accepte et de grand cœur et votre amitié et tout ce que voudrez y joindre, car je vous ai vue sous le masque et sans le masque et vous êtes un des plus jolis hommes que je sache... avec cela du talent, ce que vous savez, mais à quoi bon nous passer la rhubarbe et le séné... nous nous sommes compris depuis longtemps, et nous serons toujours ravis de nous comprendre ». Explication à propos de « Bas-Bleus » : « il m’était difficile de les cingler, ainsi en pleine fesses... je veux dire en pleine gorge... sous mon nom d’invité, gorgé de limonades et autres limonisités, j’ai donc pris le nom de Stick, incognito que je dévoile assez ouvertement […] je tiens à garder pour les exécutions ce nom de Jack Stick»… Etc. «Cher hermaphrodite Je serai samedi de midi à une heure au Luxembourg devant la fontaine du Cyclope, dite Médicis, à contempler Galatée qui avait votre âme un peu troublée et Acis, qui est frêle et sans hanche comme vous. Je n’aurai qu’une heure à vous donner […] J’ai de cruels ennuis d’argent et la mort de Louis II de Bavière m’emplit l’âme d’une tristesse incurable. C’était le seul être, que j’aimais. Ce chevalier du cygne a fini comme les autres, il est vrai que l’oie du Parthénon et Mr Clemenceau nous restent »... .../...

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