248 129 Pourquoi ? Et tu n’as pas encore compris ce que j’ai fait en ce long travail de 2 ans de Guinoiseau. […] Naturellement et avant tout j’ai étudié ta vie, ton caractère, ta psychologie comme c’était mon droit puisque chacun appartient à tout romancier et surtout comme mon amitié fraternelle me commandait de le faire pour montrer ce que tu as été réellement, c’est-à-dire autre chose qu’un amuseur comme on croit, un grand cœur, une victime souvent de gens auxquels on est en train de créer une légende, un chic type enfin. Mais ceci dit, j’y ai mis un accessoire indispensable à ta personnalité, […] tes mots, tes aventures, ton esprit », etc. Après un éloignement, il revient aux confidences intimes : « depuis 4 mois, sans être malade du cerveau, je me détruis volontairement, sciemment, farouchement, opiniâtrement… et avec volupté »… Dans sa dernière lettre, du 2 décembre [1934], Rouff, démoralisé, renonce aux sociétés gastronomiques : « Je trouve scandaleux – et pour autant qu’il y ait une morale, immoral – que de braves Français, académiciens par surcroît bouffent dans des boîtes de snobs, au prix des ex-Américains-milliardaires le 637.000e canard pressé. Cela relève de l’industrie automobile et de la statistique. La gastronomie fout le camp et j’espère de toutes mes forces avoir fait comme elle avant Décembre 1935! Tout m’accable : soucis de santé, tortures d’argent, déceptions sentimentales, écœurement de mon temps, dégoût de mes contemporains jeunes et vieux, formes actuelles de la vie, misère imminente en famille etc. »… Etc. On joint : – le contrat pour La France gastronomique, signé par Curnonsky et Marcel et Frédéric Rouff (1921) ; – un manuscrit autographe de Curnonsky sur la gastronomie de l’Anjou et la Touraine (6 p. in-4, la fin manque), plus une note autogr. sur « les Rouffs » (Marcel et sa famille, 1 p. in-8), et une l.s. (1917) ; – 4 l.a.s de Juliette Rouff à Cur (1946-1954) et 3 cartes post. ; 5 l.a.s. ou cartes de Frédéric Rouff à Curnonsky (1922-1945) ; 18 lettres ou cartes adr. à Curnonsky, notamment par Édouard Champion (à propos de Guinoiseau), Émile Jaques-Dalcroze, des restaurateurs d’Angers et Saulieu (avec recettes) ; une cinquantaine de cartes postales concernant la famille Rouff ; des coupures de presse et doc. divers. 248. Marcel ROUFF. Tapuscrit avec corrections et additions autographes, Guinoiseau ou Le Moyen de ne pas parvenir ; 336 pages in-4 (quelques bords effrangés). 600 / 800 € Tapuscrit très corrigé du roman inspiré par le personnage de Curnonsky. Le roman a paru chez Stock en 1926. Citons le prière d’insérer (2 ex. sont joints) : « Avec Guinoiseau ou Le Moyen de ne pas parvenir, nous avons affaire à une tentative beaucoup plus ardue que celle qui conduisit Marcel Rouff à Dodin-Bouffant : au caractère naturellement olympien du Gastronome succède l’humour complexe du Bohême, et au représentant d’une volupté épurée, celui d’un siècle malade. Car ce roman d’une existence extravagante et en même temps le portrait d’une époque. Roman à clé, s’il est vrai que Guinoiseau n’est autre qu’un de nos plus célèbres humoristes (on prononce le nom de Curnonsky, et la dédicace du livre à Mon vieux Cur, n’est pas pour faire écarter cette hypothèse, quoiqu’elle y prétende) ; roman à trousseau de clés, même, si la plupart des autres personnages qu’il fait vivre d’une façon si piquante, sont en réalité les chefs de l’équipe littéraire d’entre-deuxguerres, de Verlaine à Moréas, par Toulet, La Jeunesse, Willy, etc. C’est tout cet hier, cet âge de l’absinthe, des réunions enfumées de brasserie, des filles en chaussettes et du cancan qui revit dans un récit brillant de mots, d’à peu près, et qui dévoile sous la Blague et l’Ironie, son secret désespoir de période de transition. L’auteur en fixe les aspects avec pittoresque ; il en note aussi la psychologie, faite d’élans, d’interrogations, de dépressions, de sentimentalité volontairement refoulée, de doutes intellectuels – et c’est la confession d’une génération qui s’est cherchée en vain et qui connaît seulement aujourd’hui sa misère et son déclassement. Amusant comme une rabelaisienne fantaisie, mais vrai et émouvant comme un document historique et social dont l’avenir appréciera les richesses ! » Le tapuscrit, qui compte 19 chapitres, et a servi pour l’impression, est abondamment corrigé, avec de nombreuses additions autographes, interlinéaires ou dans les marges, ou encore par des béquets collés; de longs passages sont biffés au crayon rouge. Parmi les additions autographes, citons la dédicace inscrite en haut de la première page : « J’aurais voulu te dédier ce livre, mon vieux Cur, si je n’avais craint que trop de gens ne s’obstinassent à te reconnaître. M.R. » Sur un feuillet autographe joint, Rouff a noté : « Pour la Bibliothèque d’Angers, l’histoire d’un de ses plus glorieux fils, d’ailleurs bien modifiée à l’impression ».
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