ADER Nordmann. . LETTRES & MANUSCRITS AUTOGRAPHES

92 173. Richard WAGNER (1813-1883). Manuscrit musical avec envoi autographe signé, Tannhäuser und der Sängerkrieg auf der Wartburg, 1845 ; un volume oblong in-4 (23,5 x 32,5 cm) de 68 feuillets écrits rectoverso, cartonnage de papier bleu avec titre Tannhäuser sur le plat sup. (cartonnage usagé, dos abîmé) ; boîte de conservation à dos de chagrin noir (atelier Devauchelle). 20 000 / 25 000 € Précieux manuscrit de la partition vocale du rôle de Tannhäuser sur laquelle a travaillé le ténor Tichatscheck pour la création de l’opéra sous la direction de Wagner. Tannhäuser fut créé à Dresde le 19 octobre 1845, avec, dans le rôle-titre, le ténor Josef Tichatscheck (1807-1886) qui avait déjà créé Rienzi en 1842. [Wagner, très impressionné par les qualités vocales du ténor, est revenu, dans Ma vie, sur les difficultés qui ont marqué la création de Tannhäuser : « Malheureusement, il était impossible d’influencer Tichatscheck […], en lui conseillant des choses qu’il ne comprenait pas du tout, on eût risqué de le troubler et de l’intimider. Il savait qu’il possédait une belle voix métallique, qu’il chantait juste et avec rythme et prononçait très distinctement. Je ne m’aperçus de l’insuffisance de ces avantages qu’à la représentation […] Le principal défaut du personnage consistait dans le fait que le ténor était incapable de rendre la véritable expression du grand adagio du finale [de l’acte II, à partir de « Zum Heil den Sündigen »…] À la représentation, la façon monotone dont Tichatscheck le chantait, le faisait paraître d’une longueur insupportable. Ne voulant pas blesser cet acteur qui m’était si dévoué et qui, dans son genre, m’avait été si utile, je prétextai m’être aperçu que cette partie était manquée ; seulement Tichatscheck étant considéré comme mon interprète de prédilection, on supprima plus tard cette phrase musicale, si éminemment importante, toutes les fois qu’on donna Tannhäuser […] Mon ténor qui, dans la joie comme dans la douleur, manifestait toujours une énergie extrême, se retira à la fin du second acte avec la mine humble d’un pauvre pécheur et reparut au troisième dans une attitude résignée qui devait provoquer une affectueuse pitié. Il ne reprit sa vigueur de chanteur qu’en faisant connaître l’excommunication papale lancée contre lui, et sa voix devint alors si large et si puissante que ce fut une véritable jouissance de l’entendre dominer l’accompagnement des trombones ». Wagner met aussi sur le compte de son inexpérience une partie de l’insuccès de la pièce : « Dans la première version de la pièce, telle qu’on la joua alors, j’avais voulu représenter les tentatives de Vénus pour ramener à elle l’amant infidèle, comme étant une vision de Tannhäuser en démence»… «Lorsque le rideau tomba enfin, j’avais conscience de mon échec, moins par l’attitude toujours bienveillante et cordiale du public, que par ma conviction d’avoir présenté une œuvre où le manque d’expérience se faisait trop sentir. […] Cette nuit même, je pris les décisions nécessaires pour remédier en quelque sorte aux défauts de la représentation. Je voyais où se trouvait le point faible, mais je n’osais le dire, car je reculais devant la moindre tentative d’éclairer Tichatscheck sur le caractère de son rôle. J’aurais risqué de le troubler ou de le contrarier et de le pousser à refuser sous un prétexte quelconque de chanter désormais Tannhäuser. J’eus donc recours au seul moyen qui pût assurer une répétition favorable de mon opéra : je pris sur mon compte la faiblesse du rôle et j’y opérai des coupures qui réduisirent, il est vrai, sa signification dramatique, mais empêchèrent que les autres parties ne fussent gâtées par la mauvaise interprétation ». Tichatscheck étant enroué, il fallut attendre huit jours pour la seconde représentation. « Enfin, cette seconde représentation eut lieu et j’espérais avoir fait assez de changements à ma pièce pour que l’ensemble pût plaire : importante réduction des rôles principaux, désistement de mes prétentions à l’idéalisme dans certaines parties de la représentation, passages plaisants mis en relief. […] Il m’était désagréable, à cause de Tichatscheck, qu’après chaque acte on ne réclamât que moi sur la scène. Et moi, j’étais bien forcé de répondre et de saluer le public, car en refusant j’eusse provoqué une nouvelle humiliation à mon chanteur : lorsqu’il paraissait seul avec son collègue, on l’accueillait par l’appel de mon nom d’une manière presque offensante pour lui. Combien je souhaitais qu’il en fût autrement et que l’excellence de l’exécution fît oublier l’auteur !

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