90 6 septembre 1811, lors du voyage de Charles avec Caroline Bonaparte à Paris. « Je te l’avoue, mon cher Charles, la seule chose que je désire c’est que tu ne reviennes qu’avec la Reine, tu es partie avec elle, tu dois revenir avec elle [...]. Ma position ici n’est pas gaie, mais je suis consolée par l’idée que tu es auprès de la Reine, que tu peux lui être utile, et c’est pour moi beaucoup, que tu puisses lui montrer notre attachement ; tout mon désir est qu’elle me continue ses bontés et me fasse venir près de toi [...]. Le maréchal Pérignon est arrivé hier matin, il a été au désespoir de n’avoir point vu la Reine, tu sais combien il lui est attaché, il est toujours bon comme à son ordinaire. Le Roi l’a très bien reçu, comment serait-il possible d’accueillir mal un si brave homme ? [...] J’envoie à la Reine plusieurs éventails, il n’en reste plus que trois pour que tous ceux qu’elle m’a dit de faire faire soient terminés ; je lui ferai passer par une autre occasion, il y en a toujours. [...] Je ne puis trop te le répéter, c’est ta conduite à Paris qui peut tout faire sur notre avenir ; tu diras ma femme est une rabâcheuse, mais je te connais tu es si bon [...]. Caroline et Achillina [leurs filles] se portent à merveille ; Caroline est gentille à croquer, elle louche beaucoup moins depuis ton départ [...]. Dis à Mme Exelmans que son époux est l’exemple des maris, il ne pense qu’à elle, et c’est bien naturel, il est tous les soirs couché à onze heures, il ne va jamais au spectacle, il vient quelques fois nous voir le soir ; hier maman et moi nous avons été à la Villa Reale où il faisait un beau clair de lune, nous avons bien parlé d’Amélie. Le Roi la traite fort bien »... 28 décembre 1813, sur l’éruption du Vésuve. « Je te dirai que le Vésuve nous donne depuis deux jours un spectacle beau, mais vraiment effrayant ; le jour de Noël à six heures du soir, l’éruption a commencé, le vent de tramontane avait régné toute la journée et le Vésuve avait été couvert d’un nuage noir et épais ; lorsque la nuit est arrivée, ce nuage s’est changé en feu, et s’étendit par la force du vent à une hauteur prodigieuse ; ajoute à cela les détonations qui faisaient tout trembler ; cette belle horreur a duré environ deux heures, le vent s’est calmé, la lave coulait toujours mais sans fréquentes éruptions ; la nuit a été fort tranquille. Le lendemain, le tems était très beau lorsque je me suis levée ; j’ai déjeuné à dix heures et je me suis mise à lire ; il y avait à peu près une demie heure que je lisais lorsque je crus entendre un coup de canon, je me levai et j’allai sur ma terrasse pour savoir si ce n’était pas un bâtiment qui entrait dans le port ; il n’y avait rien ; mais en me retournant du côté du Vésuve, je vis dans le même moment s’élever un nuage qui s’étendit avec une telle rapidité qu’en un quart d’heure il est venu nous jeter des petites pierres jusqu’à Ste Lucie. Le beau soleil a été obscurci en entier, les détonations qui nous avaient paru fortes la veille n’étaient rien en comparaison de celles du lendemain ; les vitres du gai Domon ont été cassées et dans nôtre palais noms avons eu l’idée de ce que peut être un tremblement de terre. Je t’assure que c’était très effrayant et si cela eut duré un peu plus, tous les habitants de Portici et de la terre arrivaient à Naples. Le Roi a été obligé d’y aller pour calmer les esprits ; il n’y avait rien de plus singulier que de voir la route de Portici couverte de ces malheureux, qui portoient leurs chaudrons, leurs marmites, leurs couvertures, leurs matelas, et leurs enfants de l’autre côté »... 12 et 22 janvier 1814, après la trahison de Murat, qui s’est allié à l’Autriche : « le Roi a conservé son royaume en traitant avec les ennemis ; le comte de Mier est arrivé hier soir et le maréchal Pérignon part dans vingt quatre heures. Je suis femme, mon ami, je n’ai donc d’autres conseils à te donner que de te dire, de lire ta patente. C’est ce que le maréchal a répondu aux personnes qui l’ont consulté. Je pensé qu’il est bien dur pour un bon français de se trouver en face des ennemis de son pays, et d’être presqu’obligé de les traiter en amis ; je dis presque car je te connais pour croire que tu ne démentiras jamais assez ton honneur. Fais ce que tu dois, advienne ce qu’il pourra, c’est bien là le cas de le dire. J’attends une réponse de toi pour me préparer à ce que je dois faire »... Elle espère « que S.M. le Roi allait te rappeler ici ; c’est une bonté du Roi de te rendre justice et de penser que tu ne pourrais sans te déshonorer porter les armes contre tes compatriotes. S.M. y a apparemment ses intérêts attachés et certes je suis loin de blâmer ce qu’elle fait, cela ne doit regarder personne, et elle doit être assez juste pour croire que nous faisons un grand sacrifice en la quittant »... Les dernières lettres de 1815 sont écrites de Capo di Monte, lorsque le baron était prisonnier des Autrichiens et incarcéré en Hongrie. On joint : 12 L.A.S. au baron, écrites de France durant son voyage à Bordeaux (1816), et 2 L.A.S. à sa mère (Naples, 1808-1809) ; plus une belle L.A.S. du baron d’Arlincourt à son épouse après la trahison de Murat, renouvelant son soutien sans faille au Prince. 15 mars 1814 : « Jamais une loi aussi tiranique qu’absurde, rendue par un homme que je n’ai jamais aimé, et auquel je ne dois rien, me forcera à quitter un prince pour lequel j’ai toujours eu le plus parfait dévouement ; en recevant de lui le titre d’aide de camp lors de la campagne de Russie, je sentais déjà à quels sacrifices pouvaient un jour me mener le rang honorable où il m’élevait : et j’étais déjà disposé à lui en donner dans tous les tems les preuves les plus réelles, et qui sont telles que si jamais des événements qui j’espère sont impossibles le forçaient à quitter son royaume, je le suivrais encore avec la même fermeté que j’ai pu mettre à embrasser sa cause en ce moment. Je ne puis croire que tu ayes pu penser un seul instant ce que tu mets dans ta lettre, en disant que nous pourrions un jour être chassés [...]. Quelle injure tu fais au cœur du Roi ! »…. .../...
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