AGUTTES - LIVRES & MANUSCRITS

147 148 147 CHATEAUBRIAND François-René de (1768-1848) L.A., Paris 23 juin 1816, à la duchesse de DURAS ; 3 pages et quart in-4. Très belle et longue lettre sur la politique, pendant la rédaction de De la Monarchie selon la Charte. « Je ne reçois plus de lettres de vous, chère sœur ; cela me feroit encore beaucoup plus de peine, si je n’apprenois de temps en temps de vos nouvelles par M. de Duras. Il paroît que les eaux, qui peut-être à présent ne vous font pas un bien sensible, passent pourtant, et qu’elles finiront par vous rendre tout-à-fait la santé. Je m’en tiens toujours à ma prophétie : vous reviendrez à la vie, à la joie ; et vous survivrez à ceux d’entre nous qui paroissent devoir rester les derniers. Je suis revenu à Paris pour le mariage [du duc de BERRY]. Demain je retourne à ma solitude, et je n’en sors plus. L’opinion publique paroît s’améliorer et le Royalisme gagne. Si le Ministère est assez insensé, comme il l’a fait jusqu’ici, pour contrarier ce mouvement, il sera entraîné, et tombera malgré lui, en fesant beaucoup de mal à la France. L’opinion des provinces n’est plus douteuse sur la chambre des députés ; cette chambre est en vénération ; et c’est s’aveugler que de ne le pas voir : il faut donc se rapprocher d’elle, et tout ira bien. Je vais continuer mon travail ; je ne le ferai paroître que dans six semaines ou deux mois ; ainsi nous aurons le temps d’en causer. Quand quittez-vous les eaux ? Quel est votre plan, votre marche ? Revenez-vous à Paris ? On dit que les affaires de Rome vont finir ; si M. de BLACAS revenoit, et qu’on voulût bien m’envoyer à sa place, j’irois volontiers vivre et mourir en Italie. Un voyage vous feroit du bien ; Mouche [Natalie de NOAILLES] aussi pourroit venir ; et nous oublierions sous un beau soleil, au milieu des arts, la politique, les petites gens, et les trop longues inquiétudes qui nous agitent depuis tant d’années. Mouche m’a écrit ; elle me parle de ses promenades avec M[athieu] M[OLÉ]. La pauvre Mouche sera toujours légère, quoiqu’au fond excellente. Elle ne fera rien de M[olé]. Il n’y a ni fond, ni élévation chez lui. C’est une ambition commune qui parviendra comme toutes les ambitions de cette nature. Il est assez distingué pour n’être pas au dessous de l’administration, assez médiocre pour n’avoir point d’opposition violente, et assez peu délicat pour avaler tous les dégoûts et entrer par tous les moyens. Du reste il a un certain charme de caractère, et j’ai un foible marqué pour lui, quoique je ne l’estime point, pour ne rien dire de plus dur. Voilà bien des bavardages, chère sœur ; mais cela vaut encore mieux que la description des fêtes. […] nous sommes enchantés de Mde la Dsse de BERRY »… Correspondance générale, t. III, n° 761. 1 200 - 1 500 € EXPOSITION Chateaubriand (Bibliothèque nationale, 1969), n° 327. PROVENANCE La Duchesse de Duras et ses amis, Chateaubriand (vente 24 octobre 2013, n° 148 CHATEAUBRIAND François-René de (1768-1848) L.A., [Londres] 26 juillet 1822, à la duchesse de DURAS ; 4 pages in-4. Belle lettre sur le Congrès, et sur le roman Olivier de Mme de Duras. « Je vous envoie une petite robe que j’ai été acheter moi-même au fond de la Cité », et il lui enverra les Mémoires de WALPOLE… Au sujet du Congrès : « Il ne me reste de rival redoutable que Mathieu [de MONTMORENCY]. Je vous ai dit tout mon plan. Conduisez la chose avec VILLÈLE dans le plus profond silence. Je suis bien aise que M. de BLACAS soit bien pour moi ; lorsque le ministère actuel s’est arrangé, je pensois qu’il eût été bon que M. de Blacas en formât partie, pour nous défendre contre DECAZES. […] Votre Budget avance et vous en serez bientôt aux affaires étrangères. Je m’attends à quelque attaque personnelle. Cependant j’ai si bien accueilli les libéraux voyageurs, qu’ils devroient un peu me pardonner. Vos lettres sont courtes. Je vois que vous en êtes au Roman [Olivier, roman sur l’impuissance]. J’admire votre audace. Mais savez-vous que dans un pareil sujet il faut tout dire et même les mots ? Comment ferez-vous ? Si vous n’en faites qu’un mystère, votre énigme sera froide […] Enfin nous verrons bien ». Il annonce le départ de Léontine de NOAILLES « avec M. de Saluces pour l’Écosse. Je n’y entends rien. Le pays d’Ossian ne vaut pas celui du Grand-Capitaine [Gonzalve de Cordoue]. Pauvre et charmante Mouche [Natalie de Noailles] ! Le Duc, père, retourne samedi en France. Je l’ai comblé, mais qu’il est sot ! Son importance et ses cordons sont à mourir de rire ». Il suppose que Blacas a donné sa démission « à cause de la princesse mal gardée » [la princesse Esterhazy ?]. Quant à Adrien [de MONTMORENCY] : « On peut pardonner à un homme la jeunesse, ou la vieillesse, mais c’est trop que deux enfances. Je ne réponds pas à votre Abbaye [Mme RÉCAMIER]. C’est votre Dada. Radotez à votre aise. J’ai aussi mon Hobby-Horse : c’est de vous aimer ». Correspondance générale, t. IV, n° 1747. 1 000 - 1 500 € PROVENANCE La Duchesse de Duras et ses amis, Chateaubriand (vente 24 octobre 2013, n° 112). Autographes & Manuscrits - Livres • 5 décembre 2025 35

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