de Villèle, la considération qu’il inspire aux souverains et leurs ministres, « et je crois qu’il est persuadé. […] il est très bien disposé, mais je vois un nouveau dégoût qui se prépare pour Adrien, pauvre Adrien, qu’il est tripotier ! On lui a surement défendu de me parler de vos amours à l’Abbaye [Mme RÉCAMIER], mais il tourne de mille manières pour y arriver, et à présent ce sont vos amours en Angleterre dont il vient m’entretenir, en vérité je suis tout près que cela me soit égal, fidélité, confiance, franchise, dévouement je ne crois plus à tout cela et je ne souhaite que de vous imiter et de m’en corriger entièrement »… 2 juillet. Elle a vu Joseph JOUBERT pour la première fois depuis sept ans : « il m’est quelque chose parce qu’il est votre ami, mais il est trop affecté pour moi »… 10 juillet. Si elle avait un peu de fierté, c’en serait fini de leur amitié et de cette correspondance. « Depuis quinze ans j’ai été dévouée à vous comme il est rare de l’être, et vous, avez-vous jamais pensé à moi, ou à ce qui pouvoit m’être agréable quinze heures dans toute votre vie ? A présent que vous êtes dans la prosperité et que je vous suis inutile, ne semblet-il pas que je vous suis importune ? »… 15 juillet. Nouvelles de TALLEYRAND, ennuyé et affaibli, et du duc de RAGUSE, qui se fait une fortune avec ses établissements… « Tout le monde s’est mis à faire des romans entr’autres la Duchesse d’Aumont, cela me dégoûte des miens. – Savez vous que je suis en train d’un certain sujet [Olivier] dont vous étiez tenté, vous souvenez-vous que vous vouliez faire l’histoire d’un pauvre homme, d’un certain paria, à sa manière, un abbé de St Gildas ; c’est encore un isolement je ne fais que cela, enfin j’ai essayé, cela m’a amusée d’abord mais à présent, je ne puis plus finir. Me voilà arrêtée tout court. Et ce qui est étrange c’est que je ne puis écrire une ligne à la campagne. Mon pauvre homme est donc resté à moitié chemin, vous savez l’histoire de ce pauvre M. de Simiane qui se tua de désespoir ce sera dans ce genre là. J’ai écrit en lettres car dans ce sujet tout est voilé, tout est mystère, je ne prononcerai jamais le mot, et cela s’appellera Le Secret, devine qui voudra »… 25 juillet. VITROLLES, bien informé, prétend que le Congrès aura lieu début septembre à Vérone ; elle s’inquiète de la prétention d’Adrien de s’y rendre, et du « rival dangereux » que Chateaubriand a en BLACAS, « un degré de plus entre vous et le ministère. Quant à redevenir favori, je n’en crois rien […], c’est un événement qui occupe beaucoup les esprits, et qui met en campagne tous les intrigans »… Elle compte dédier à Chateaubriand le roman qu’elle a en cours, et qu’elle ne montrera à personne ; elle évoque aussi le magnifique présent de livres que lui a fait le duc de WELLINGTON. 1er août. « J’ai encore entendu soutenir que Mathieu iroit au congrès »… Réflexions sur son roman Olivier, « entreprise audacieuse » : il y a « une sorte de ridicule attaché à ce malheur que rien ne peut effacer même le talent voyez Abailard. Vous seul peut-être pouviez faire supporter cela, mais moi je n’en ai pas la force, d’ailleurs il y a un autre intérêt dans les sentimens cachés et mystérieux, voyez René »… 5 août. Longue conversation confidentielle avec VILLÈLE, où il n’a été question que de Chateaubriand et du Congrès… 21 octobre. Elle est impatiente de recevoir de ses nouvelles [Chateaubriand est arrivé à Vérone le 14 octobre], et fait part de la satisfaction de VILLÈLE à son égard. Il y a « une telle fermentation dans le midi en faveur des Royalistes espagnols qu’on ne sait comment l’arrêter »… « Depuis quelques jours tout le monde vous fait ministre ». Corbière [ministre de l’Intérieur] est très souffrant, peut-être d’un cancer à l’estomac… La duchesse lit « ce gossip d’Omeara» [Napoléon en exil, ou l’Écho de Sainte-Hélène], des « niaiseries »… Elle a lu Olivier à Mme SWETCHINE : « elle a été noyée dans les larmes, et moi toute étonnée »… 4 novembre. « Tout le monde annonce la guerre et croit à la guerre. Nous attendons une déclaration du Congrès […] On dit aussi que les anglois ont acheté Cuba des Espagnols, qu’ils leur donnent pour cela 200 millions »… Olivier a un grand succès : « c’est une mode que de l’entendre et on ne s’en soucie que parce que je ne veux pas le montrer »… 11 novembre. Elle déplore les négociations en vue des élections législatives, et craint le triomphe des libéraux, que le Congrès eût dû éviter : « il ne falloit pas causer tant de plaisir à ses ennemis. On en est donc réduit à déclarer qu’on fait la guerre pour sauver la personne de Ferdinand VII »... En France personne ne veut donner son sang ni un écu pour Ferdinand VII: «On dit qu’on enverra M. le Duc d’ANGOULÊME (tout à fait contre la guerre) à l’armée, avec Macdonald et Bellune. S’il en est encore tems, rappelez toute votre éloquence, brûlez tous vos livres et demandez à votre génie un moyen de nous tirer de là sans guerre, souvenez-vous de ma prédiction, elle sera fatale. […] Dites à l’empereur de Russie que s’il veut du bien à la France, il ne la pousse pas à cette guerre, eh mon Dieu ! La révolution d’Espagne aura sa marche quelque chose qu’on fasse, les espagnols en sortiront libres, et ils feront bien de se dérober à l’arbitraire de Ferd. VII – et si c’est pour la vie de ce Roi, que l’on craint, on ne fera qu’accélérer sa perte en faisant entrer des troupes étrangères en Espagne »… 2 décembre. L’opinion publique ne croit pas à la belle indépendance de la France dans les résolutions de Vérone, « mais lorsqu’on verra que réellement notre position est si honorable, il faut croire qu’on vous rendra justice. J’entendois hier des calculs qui font frémir. Nous n’avons pas plus de 50 ou 55 mille hommes réels pour entrer en Espagne, voyez si nous pouvons faire la guerre »… Elle presse Chateaubriand de revenir « après avoir expédié la Grèce et l’Italie », et termine sur une note plus littéraire, en se moquant du discours de réception à l’Académie du pauvre DACIER, et d’un mot bête de FRAYSSINOUS… Etc. Chateaubriand, Delphine de Custine, Claire de Duras, L’Amante et l’Amie. Lettres inédites 1804-1828 (éd. B. Degout, M.-B. Diethelm, Gallimard 2017). 5 000 - 6 000 € PROVENANCE La Duchesse de Duras et ses amis, Chateaubriand (vente 24 octobre 2013, n° 186). Autographes & Manuscrits - Livres • 5 décembre 2025 37
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