Histoire 234 AUBRAC Raymond (1914-2012 L.A.S. « Raymond », [28 janvier 1944], à « Merlin » [Emmanuel d’ASTIER DE LA VIGERIE] ; 5 pages in-4, sous chemise dos maroquin noir, étui bordé. Rare et importante lettre sur la Résistance et l’Armée secrète. [Raymond et Lucie Aubrac consacrèrent dès 1940 tout leur temps libre aux activités de la Dernière Colonne, mouvement résistant créé par Emmanuel d’Astier de La Vigerie alias Merlin. En mai 1941, ils aidèrent « Merlin » à fonder le journal qui marquait la naissance du mouvement Libération. Enfin, en 1943, d’Astier entra au CFLN (Comité français de Libération nationale) en tant que commissaire à l’Intérieur.] Dans cette lettre, Aubrac se montre optimiste quant au devenir du CFLN. Il apparaît, comme de Gaulle, hostile à toute forme de « politique politicienne » qui empêcherait la démocratie de fonctionner de manière optimale. Il se montre ensuite partisan de l’élimination de Pierre PUCHEU (premier membre du régime de Vichy à être exécuté avant l’Épuration) – et de Marcel PEYROUTON (ministre de l’Intérieur de Pétain), ainsi que de Pierre LAVAL. La fin de la lettre mentionne, non sans un certain humour, les primes respectives pour la capture d’Aubrac et d’Astier. « Partout, dans toutes les classes sociales dont le rassemblement réel est peut-être la caractéristique la plus importante de nos mouvements, une grande confiance, ou plutôt un grand besoin de confiance dans le CFLN. [...] Répondant à une anxiété certaine créée, il faut bien le dire, par la propagande ennemie, les positions respectives du CFLN et du parti communiste ont été heureusement et d’une manière vivante définies par le court dialogue public du Commissaire à l’Intérieur et de Fernand Grenier. [...] Le plus grand reproche que font à Alger les hommes de la résistance, et aussi tous les Français, c’est de ressusciter des personnages politiques et des préoccupations partisanes d’un autre âge. La France veut la démocratie. Mais sauf les professionnellement intéressés, personne n’admet que la démocratie consiste en dosages de partis dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au moment où la France a eu le plus grand besoin de penser, d’agir et de combattre, ils étaient absents. [...] La lenteur de la “purge” effraie mes amis et gonfle d’espoir nos adversaires. Qu’attendez-vous pour exécuter Pucheu & Peyrouton ? Est-ce que Monsieur Pierre Laval sera simplement admis à faire valoir ses droits à la retraite ? »… Quant à ses « petites affaires personnelles » et les « échos de la famille », il annonce que « Babou attend une petite sœur [...] Sa mère est tout à fait furieuse d’accoucher en plein maquis [...]. La layette du futur enfant provient tout entière de la charité de la résistance. Mes parents sont arrêtés [...] Après cette naissance, je tacherai d’installer la petite famille dans un coin tranquille. J’insisterai pour que la mère de famille (qui est très activement recherchée) ne s’occupe plus que d’élever ses gosses [...] L’A.S., qui s’est assez étendue à la base, est à la tête entre mauvaises mains. Je ne sais si la situation peut être très améliorée dans les circonstances actuelles. Il faudrait là, comme ailleurs aussi, un durcissement des cadres et un grand effort de discipline – et naturellement pousser à l’action immédiatement tous ceux qui le peuvent – peut-être imposer partout un pourcentage de transferts aux groupes francs [...] J’aurais aimé reprendre quelqu’activité avec ces gens là, mais on me dit de toutes parts que c’est peu sage, mes fiches anthropométriques ayant été répandues à de très nombreux exemplaires par la Gestapo et une prime de 2.000.000 attachée à ma prise (au fait vous en valez 5 qu’on m’a offert pour vous “donner” »… 1 000 - 1 500 € PROVENANCE Bibliothèque Dominique de VILLEPIN. Feux et flammes, II Les Porteurs de flammes (29 novembre 2013, n° 482). Autographes & Manuscrits - Livres • 5 décembre 2025 67
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