AGUTTES . Vente Judiciaire, Aristophil

116 653 LOUŸS Pierre (1870-1925). 9 L.A.S. « P.L. » ou « Pierre Louÿs », 1894-1898, à Claude DEBUSSY ; 35 pages la plupart in-8, enveloppes. Très belle correspondance amicale, musicale et littéraire avec Debussy. Samedi minuit [22 décembre 1894], le soir de la création du Prélude à l’après-midi d’un faune : « Ton prélude est admirable. […] Il n’était pas possible de faire une paraphrase plus délicieuse aux vers que nous aimons tous deux. C’est tout le temps le vent dans les feuilles, et si varié, si changeant »…– 19 avril 1895, au sujet de Cendrelune (projet de conte lyrique de Debussy sur un texte de Louÿs) : « Il y a moyen de faire une très belle chose avec notre petit scénario », et Louÿs transcrit les 2 actes de son nouveau scénario, sur 3 pages : « Tu vois c’est assez impie, mais impie comme Bilitis est licencieuse, c’est-à-dire avec une parfaite candeur. […] Et puis, ça n’est ni baudelairien ni franc-maçon, c’est pierrelouÿsiaque tout pur »…. – [20 juillet 1895]. « Cendrelune envoie ses respects à Mélisande »… – [23 avril 1896]. « Je viens d’avoir un entretien avec notre maître à tous (un maître cinquante) – dirait Willy – M. Massenet. [...] N’oublions pas qu’Aphrodite est, comme on le disait ce soir, le dernier triomphe du Parnasse, – à peu près comme la Damoiselle est le dernier triomphe du Conservatoire, ô 1er Prix!»… – [22.X.1896]. « Mon cher Claude, je t’ai cherché chez toi, je t’ai cherché au Criterion, une et deux fois, mais tu es aussi invisible que ton âme immortelle »… – 29 octobre 1896. « Nous avons eu dernièrement à propos de Mr Richard WAGNER, une conversation très grave. […] La musique, c’est la respiration de ton prélude du Faune, c’est le coup d’air au sortir des souterrains de Pelléas, c’est le vent de la mer au premier acte, c’est la monotonie funèbre du cinquième. Eh bien, c’est là que Wagner a été Wagner. Wagner a été l’homme qui depuis l’origine de l’art a le mieux exprimé ce qu’est le mouvement à ses divers degrés, depuis son absence jusqu’à son paroxysme », etc. – 5 mai [1898]. « J’ai eu de ces idées-là, moi, il y a quatre ans, mais à cette époque-là, personne ne m’avait jamais fait un éloge sincère. […] Toi, mon vieux, tu n’as pas l’ombre d’une excuse pour avoir de ces cauchemars ; – parce que tu es un grand homme […] Il faut que tu continues ton œuvre et que tu la fasses connaître, deux choses dont tu te dispenses également et qui devraient être tout pour toi. Ce n’est pas en donnant des leçons de musique que tu assureras ta vie, c’est en faisant tout pour que Pelléas soit joué »… – 9 juillet 1898.« La vingtième édition du Pantin est en vente. Lundi, deux mille francs, je dis 2000 f., passeront une heure dans ma poche, entre la caisse d’un libraire et celle d’un créancier. Enfin il se confirme qu’Aphrodite est convoitée par un puissant directeur et une illustre comédienne, ce qui dériverait le Pactole dans la vallée la plus riante qui est le fond de mon gousset droit. – Ça n’est pas le moment de se brouiller avec moi, vieux bougre ! - –L’hiver prochain, il faut que nous monopolisions à nous deux les colonnes Morris »… – Dimanche 31 [ juillet 1898]. «La mort de Mr de Bismarck aura eu un résultat pratique dont l’importance n’échappera point à ta précieuse matière grise. Elle m’a fait trouver le plus bel alexandrin qu’il y ait jusqu’ici dans la langue : “Marche funèbre du Crépuscule des Dieux !” […] Quand commençons-nous nos leçons d’harmonie ? J’ai vingt sept ans. Suis-je encore trop jeune ? » Debussy, Correspondance, 1894-58, 1895-38, 1895-20, 1896-14, 1896-37, 1896-38, 1898-15, 1898-27 et 1898-30. 1 500 - 2 000 € 654 LOUŸS Pierre (1870-1925). 5 L.A.S. « Pierre » (dont deux en partie de la main de son frère Georges), janvier 1889, à son « cher papa » ; 22 pages in-8. Nouvelles familiales et politiques. En ce début d’année, le jeune homme se montre très attentif à la santé de son père, donne des nouvelles de sa scolarité et de sa famille, notamment du cousin Jacques Chardon, de 5 ans son aîné, qui fera une belle carrière d’officier de marine : pour l’heure, il manque une bonne place sur un transport pour Cayenne (16 janvier), il attend l’ordre d’embarquement sur le Caravane, en rade de Toulon où il s’ennuie ; « pour tuer le temps, il apprend à monter à bicyclette (vélocipède à deux roues égales) et il fait cette réflexion philosophique que “ plus il vieillit”, plus il s’aperçoit que c’est dans la marine qu’on navigue le moins. » (20 janvier). – Le dimanche 27, jour de l’élection législative où le général BOULANGER s’est porté candidat à Paris, le lycéen évoque l’attitude de ses camarades de classe : « On a fait assez peu de politique au sujet de l’élection, et cela vaut mieux, n’est-ce pas ? Chacun gardait son opinion sans essayer de convaincre son voisin. Néanmoins, deux classes ont pris chez elles l’initiative d’une collecte dont on a envoyé le montant au comité antiboulangiste » Il reprend la rédaction de sa lettre le lendemain, pour raconter sa sortie le soir sur les boulevards : « L’enthousiasme était inouï, tout simplement. Des ouvriers, des jeunes gens, des femmes, de marchands, se pressaient autour du café Durand (où se trouvait le héros de la fête), en riant, en chantant, en criant sur l’air des lampions : “Boulan-ger ! Bou-lan-ger ! Au bal-con ! Au bal-con !” [...] Des cris de Vive Boulanger partaient des trottoirs, des cafés, des maisons voisines, de l’impériale des omnibus où tout le monde était debout, et où les conducteurs levaient leur casquette [...] Il est convenu que je ne fais pas de politique, n’est-ce pas, papa ? Mais je peux tout de même dire qu’il faut être un grand misérable pour tromper ces braves gens qui vous aiment de si bon cœur et se confient à vous si franchement »... 500 - 700 € 653 654

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