AGUTTES . Vente Judiciaire, Aristophil

129 Autographes & Manuscrits • 10 juillet 2025 680 MORAND Paul (1888-1976). 46 L.A.S., 1936-1967, à Pierre BESSAND-MASSENET ; environ 60 pages formats divers dont 5 cartes, quelques en-têtes, enveloppes. Correspondance amicale et littéraire sur plus de trente ans. Elle s’adresse à l’historien Pierre Bessand-Massenet (1899-1985), qui était en même temps l’éditeur de plusieurs des livres de Paul Morand. Collaborateur de Bernard Grasset puis administrateur de la maison Plon, il avait fondé les éditions La Palatine. Paul Morand se montre attentif, confiant et, comme à son ordinaire, disert et spirituel. Si dans ces lettres il est beaucoup question des œuvres en gestation, elles renvoient également maints échos de la vie mondaine et littéraire, et des ses déplacements : Paris, Londres, Vevey, Tanger, Villefranche-sur-Mer, Les Hayes, Bucarest, Genève, Montreux… La plupart sont signées de son nom, de son prénom ou de ses initiales, mais aussi de pseudonymes en 1944. 30 août 1936. Il a envoyé un article de Salzbourg, et en propose un autre sur la chasse à courre ; en Angleterre, la chasse au renard ne date que du XIXe siècle ; « dans les chasses plus anciennes c’est la France qui enseigna l’Angleterre depuis les Normands»… – 31 décembre. On lui demande « un article sur les mémoires d’un français londonien », X.L. Boulestin. – 2 janvier 1937 : « l’Exposition intéresse beaucoup […] depuis qu’elle est finie. Je vous envoie un article sur le pavillon roumain, le mois suivant je pourrais grouper soit l’Asie, soit l’Amérique du Sud ». Il part chez Claudel dans l’Isère… 15 juillet 1941. « Je voudrais sous le titre de Pièces détachées, réunir 4 pièces de moi : 1. Le mouchard mouché […] 2. La matrone d’Éphèse […] 3. Feu ! […] 4. Le Voyageur et l’amour […] Étant donné que 2 des pièces ont paru chez Grasset, j’aimerais mieux que ce fût lui qui éditât le tout »… – Bucarest 26 décembre 1943. « Le Turc annonce la paix pour le 17 janvier. Le Suisse pour fin février. Je n’en crois rien. Les germanophobes sont messianiques par prosémitisme (ou inverst). […] J’ai lu les 4 volumes de Lacour Gayet sur Talleyrand. Mon Londres est-il prêt ? Quand nos amis anglais pulvériseront le quai de Javel [Citroën], comme ils l’ont promis pour Christmas, allez voir le lendemain matin si l’avenue Ch. Floquet est démolie […] Ici, les avions viennent, mais sans lâcher de crottes. Est-ce parce que le Danube est la dernière barrière contre les Russes et que le Danube passé, rien ne les arrêterait jusqu’à Suez ? »… 12 octobre 1944, signée Robert Dulac : « Ovide remercie Mercure »… – 4 décembre, signée PmRobert, donnant des nouvelles « d’Ovide. […] Il relit tout Balzac en vue d’une future et éventuelle conférence ; quand on est solitaire on ne saurait sortir dans un meilleur monde »… – 20 décembre, signée Ovide, demandant que la Palatine lui envoie « mes crédits ici plutôt que de m’envoyer ailleurs ce dont je n’aurais nul besoin […] J’aimerais savoir comment s’est passé mon dédouanement littéraire et qui m’a défendu ? » 25 novembre 1945. Il demande la traduction des lettres de Byron à lady Melbourne. Un reporter idiot a fait un article sur « les Français d’ici », dit qu’il demande sa naturalisation, qu’il roule sur l’or et « toutes sortes de choses stupides ». Il demande de corriger le nom de son personnage Clarissa. – 24 décembre. Il parle longuement des Suisses et de la Suisse où il séjourne. Il envisage le titre : Le Cœur et les contributions ; mais il faudrait expliquer : « les contributions directes, pour qu’on ne croie pas que c’est une contribution à l’histoire du cœur ou qq. chose d’idiot dans ce genre »… 10 juin 1946. Projet d’un livre sur Jean GIRAUDOUX : « Étant donné l’ampleur du sujet je suis d’avis de ne faire qu’un “Giraudoux jeune” suivi d’une cinquantaine de lettres inédites, soit à ma mère, soit à mon père, soit à moi. C’est un G. peu connu »… – Genève 9 décembre 1947, au sujet d’Abel BONNARD, qui voudrait rééditer son Stendhal. Demande de renseignements biographiques sur Giraudoux. – Vevey 5 octobre 1948, sur le livre de son ami : « je lis le présent à travers votre passé mieux que dans aucun journal ; l’histoire, comme la poésie, doit servir à pulvériser le Temps »… – 26 novembre, sur son « petit livre » [Dostoïevsky, annonciateur de l’Europe russe] : « le moment où l’irraison d’un homme se transforme en logique historique (tel que j’ai essayé de le fixer) est, en effet, hallucinant » ; son Proust n’a pas été réimprimé… – 24 janvier 1949. Il a emprunté à la Bibliothèque de Lausanne et perdu Le Greco ou le Secret de Tolède, et souhaite le remplacer ; Gallimard et Grasset le réclament : « Je voudrais aider ces fidèles et anciens compagnons, mais la contemplation du nombril lémanesque m’endort. Et pourquoi travailler pour le fisc ? »… – 13 mai. « Je travaille, ce qui ne m’était pas arrivé depuis 2 ans. Vous ai-je dits que je ne sais quelle commission d’épuration de l’Instruction publique a déclaré qu’il n’y avait qu’à classer mes articles de guerre ? J’aime les artistes au débit lent ; mais comme j’aime aussi les œuvres, je voudrais un débit rapide : cercle vicieux »… – 26 mars 1951, après un déjeuner au Crillon : « Hélène trouve que [Jacques] LAURENT a l’aspect extérieur d’un génie. En tout cas personne n’est plus simple, plus plaisant et il a un regard qui ravit. Nimier est un hussard rose. […] J’ai corrigé les placards du Flagellant de Séville. J’attends les épreuves ». Il reproche à Suzy Mante de mal défendre la mémoire de son oncle PROUST, « insultée et bafouée par Malaparte » et autres… – 1er juin 1952, il a demandé en vain des comptes à Plon : « La littérature n’est vraiment pas la belle industrie qu’elle fut au XIXe ; nos confrères et pères épuisèrent la veine »… – 27 décembre : « Bonne année : Vigueur, Travail, Santé, bref toutes ces statues qu’on voit sur les frontons des monuments. J’y joins le Commerce et l’Industrie, toujours utiles, et l’Amitié, dans une niche plus profonde et plus pudique »… – Tanger 24 mars 1955. Il regrette de n’avoir pas tenu régulièrement son journal : « tantôt je pensais que moins il resterait de traces de ma vie et mieux cela vaudrait ; tantôt j’espérais que le recul et l’oubli étaient nécessaires pour la reconstruction, sous forme romancée. Je n’aurai fait ni l’un, ni l’autre ». Quant à l’Académie : « Anormalement, à 40 ou 45 ans, c’était amusant. Normalement, c’est sans intérêt. Et ce n’est pas à l’âge où je cherche à m’alléger et à couper les dernières amarres, que je vais m’attacher à un vieux bateau »… – 8 octobre 1955. Il a été « réintégré dans les cadres du Quai et mis à la retraite, avec une “reconstitution” fictive de carrière qui me rétrograde en qualité de ministre. Tout cela est comique »… – Tanger 29 avril 1956. « J’ai trouvé Tristes tropiques de premier ordre. Cela sort de l’ordinaire. C’est rare qu’on lise un livre de voyages, en regardant le nombre de pages restant, et en les voyant avec regret diminuer »… – Londres 1er janvier 1960 : « Mais d’où vient cette population genre St Germain-des-Prés, dont Londres est plein ; cela parle anglais, mais avec des barbes en collier, des blue-jeans, des filles en BB. Sont-ce des étudiants ? Pas plus de 18 ans, rowdy et sales […] L’Anglais à parapluie se cantonne de plus en plus dans la cité »… – 5 novembre. Dénonciations lors de l’affaire académique. « C’est déjà difficile de vivre avec une femme mais avec 60 hommes ! […] Voilà l’Autre [De Gaulle] à la tête d’un front popu. La IVe, un piédestal qui changeait de statues ; la Ve, une statue qui change de piédestal (ou de piédestaux) ». – 31 octobre 1961. « Londres est un souci quotidien. Arrivé à pied d’œuvre, la tâche est immense. Je ne puis m’y mettre en six semaines. Un nouveau livre, vraiment ; cela ne se bâcle pas »… Etc. 5 000 - 6 000 €

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