134 692 Armand-Jean Le Bouthillier de RANCÉ (1626-1700). réformateur de la Trappe. Lettre dictée, 3 juillet 1697, à BOSSUET, évêque de Meaux ; 1 page et demie in-4, adresse avec 2 petits cachets de cire rouge aux armes. Exceptionnelle lettre de Rancé à Bossuet, en pleine querelle du quiétisme, où Rancé a pris le parti de Bossuet contre Fénelon. [En mars, Rancé avait écrit à Bossuet après la lecture de l’Explication des Maximes des Saints de Fénelon, qualifiée de « système monstrueux », et le 14 avril il avait félicité Bossuet de son Instruction sur les états d’oraison.] Rancé, ancien abbé de la Trappe, remercie Bossuet de lui avoir fait parvenir la copie de ses deux lettres qui ont été rendues publiques : « Il suffit qu’elles ne contiennent rien que vous n’aprouviez pour que je ne me repente pas de les avoir ecrittes. Dieu a permis qu’elles allassent plus loin que je ne pensois ; il est vray que le sujet me toucha d’une maniere si vive que je ne pus pas ne le point temoigner. Nous attendons ce que vous avez la bonté de vouloir nous envoyer, et je ne doute point que Dieu ne favorise de nouvelles bénédictions tout ce qu’il vous inspirera d’écrire sur cette matière. Il seroit a souhaiter que ceux qui y ont interest prissent des sentimens de paix et d’humilité, et qu’on ne se fist point un honneur de soutenir ce qu’on ne devoit pas avancer ; Dieu en tirera sa gloire, nous ne manquerons point de luy offrir nos prières avec toute l’application possible. Je n’ay pas besoin de vous dire, Monseigneur, jusqu’où va l’attachement et le respect que j’ay pour vre personne, car je m’assure que vous en estes bien persuadé. » En post-scriptum, il fait allusion à une lettre de l’abbé Bossuet, son neveu, au sujet d’une audience qu’il avait eue du Pape : « Rien ne marque mieux la disposition de Sa Sainteté pour l’affaire, et pour vre personne. » 1 000 - 1 500 € 693 RÉGNIER Henri de (1864-1936). L.A.S. « Henri de Régnier », Château de La Loble (Ardennes) 3 août 1894 ; 3 pages in-8 (deuil). Lettre de soutien à Félix FÉNÉON, accusé d’attentat anarchiste. Il ne pourra être à Paris au moment du procès de Félix Fénéon, et il confie à son avocat « ce que j’aurais déclaré hautement à l’audience. J’ai connu Félix Fénéon en 1887 et depuis je n’ai jamais cessé de le voir et, en le voyant, d’apprécier chaque jour davantage l’ingéniosité de son esprit, la grâce précise de sa parole, la probité de son caractère et la délicatesse de ses sentiments. C’est une conscience subtile et scrupuleuse et une âme haute, généreuse et douce. Quant à ses opinions politiques et sociales, je n’y ai jamais vu que le goût de la justice, l’amour des humbles, ce que pense tout homme droit et miséricordieux. Pour les fréquentations anarchistes j’ai le profond sentiment qu’elles eurent beaucoup pour cause l’intérêt qu’un esprit curieux de la vie et des êtres peut prendre à des individualités singulières et excessives. Ce conspirateur me parait bien plutôt un psychologue et je ne vois pas Fénéon s’imaginant qu’on change la face du monde avec quelques produits chimiques. Jamais d’ailleurs, dans la conversation de ce délicat dialecticien rien ne m’a montré qu’il eut aucun goût pour les moyens de propagande violents. Je l’en crois incapable. Son intelligence lui en montrerait l’inutilité, sa raison l’injustice et son cœur en repousserait la cruauté »… 700 - 800 € 694 REINACH Salomon (1858-1932). 17 L.A.S. « S » ou paraphe, 1922 et 1926, à Liane de POUGY, princesse Georges GHIKA ; 47 pages, la plupart in-8 à son adresse 16, Avenue Victor Hugo Boulogne-sur-Seine. Belle correspondance intime de l’érudit à la courtisane-princesse. L’éminent savant, membre de l’Institut, archéologue, philologue et conservateur du Musée des Antiquités de Saint-Germain-enLaye (près de la demeure des Ghika), a été le confident de Liane de Pougy ; il évoque notamment l’écriture des Cahiers bleus de Liane, le souvenir de la poétesse Renée VIVIEN, leur amie Natalie BARNEY, l’adultère du prince GHIKA, etc. 1922. 3 janvier, longue lettre en anglais. – 15 juillet, séjour à Londres ; les Anglais reconnaissent « que la France et la Belgique ont le droit d’interdire à l’Allemagne la politique de prodigalité et d’inflation par laquelle elle s’est, comme à plaisir, rendue insolvable pour ne pas payer ». – 19 septembre. Visite de Natalie BARNEY. Les événements d’Orient : inquiétudes pour les Grecs, et dénonciation de « la barbarie des Turcs. C’est un immense malheur pour toute la civilisation, dont Smyrne était un poste avancé et une des perles »… – 7 octobre : « Des imbéciles peuvent croire que Flossie [Natalie BARNEY] a été autre chose pour Remy [de GOURMONT] qu’une amie intellectuelle […] Mais Flossie a peut-être été imprudente en permettant trop tôt la publication des lettres de son ami. Ne pas attendre l’an 2000 est toujours un tort ». – 3 novembre. Nouvelles de Natalie ; lecture aux Français de poèmes de Pauline [Tarn : Renée VIVIEN], pour laquelle il a refusé d’écrire un texte : « Je voudrais que l’admiration qu’on doit à Pauline restât confinée à un cercle assez restreint ; si l’on y convie le grand public, il y apportera ses basses curiosités. […] Je ne me ferai jamais le prophète de Pauline devant un auditoire de voyeurs et de détraquées. […] le génie à droit au respect et à la discrétion »… 1926. 6 juillet, après la fugue de Georges GHIKA avec la jeune Manon THIÉBAUT : « J’ai toujours considéré Georges comme un grand enfant extrêmement doué, beau, sensuel et paresseux. C’est la faute de l’éducation qu’il a reçue ; il avait peut-être l’étoffe d’un grand écrivain. Mais l’oisiveté est l’ennemie de la constance […]. Aucune femme ne peut rivaliser avec vous en beauté ; mais la beauté dont on a mille fois fait le tour cesse d’être attrayante, l’amour étant fait d’une moitié d’amour-propre et d’une autre moitié de curiosité physique. Je dis cela d’après les anciens et Casanova, n’étant moi-même pas grand clerc en ces matières. […] Considérez que Georges est en voyage »… – 19 juillet : « Je suis convaincu que G. reviendra prochainement, un peu penaud »… – 5 août, il exhorte Liane à rester au calme et à songer la postérité : « puisque vous avez tant écrit pour elle ; pensez qu’elle vous regarde et que votre future biographie serait bien gâtée si vous donniez suite aux projets de dissipation qui semblaient germer dans votre cerveau »… – 19 octobre : Flossie et Liane ont quelque chose du Sphinx : aucune de ces deux femmes « qui ont eu le plus d’influence sur moi depuis des années, ne vous êtes jamais dévoilées complètement (au sens intellectuel du mot) »... Etc. 500 - 700 € 692 693 694
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