AGUTTES . Vente Judiciaire, Aristophil

141 Autographes & Manuscrits • 10 juillet 2025 712 SAND George (1804-1876). L.A.S. « G. Sand », Nohant 28 août 1861, à Adolphe LEMOINEMONTIGNY ; 8 pages in-8 à l’encre bleue. Longue lettre au directeur du théâtre de Gymnase, sur un projet d’adaptation théâtrale du Marquis de Villemer avec Dumas fils, et sur son roman La Famille de Germandre. « Mon cher général, j’espère qu’Alexandre travaillera. Je ne sais si vous lui avez écrit que tous ses projets sur Villemer vous allaient. […] Ce travail paraissait l’amuser beaucoup. Maintenez-le dans ces dispositions. Malgré le fond d’ennui et de mélancolie qui le poursuit, il aime à faire des projets et le théâtre est toujours la préoccupation qui l’arrache le plus vite et le plus longtems à luimême. Ce serait donc un grand bien à lui faire que de le reconduire sans de trop grands efforts de sa part, dans la voie du succès. Cette pièce de Villemer n’est pour lui qu’une demi-dépense du cerveau, en ce sens que les caractères et les principales situations étant tracées et lui plaisant, il n’a plus que sa grande habileté de facture à déployer. Je suis certaine qu’après la réussite de cet ouvrage, si réussite il y a, et on peut l’espérer, il repartirait de ses deux pieds avec confiance, aussi fort que jamais. » Elle dément des propos qu’on lui a attribués concernant la liaison de Dumas fils avec sa future femme : « Vous m’avez bien dit une fois que Dumas était trop absorbé, et trop préoccupé par une dame dont je n’avais même pas retenu le nom, et comme il me racontait son spleen, à l’endroit du travail, je lui ai fait naturellement cette question : “N’êtes-vous pas dérangé, distrait, empêché par une femme ? – Non, au contraire, elle m’encourage mais qui vous a parlé d’elle ? – Ma foi, je ne sais plus. – Mais cherchez donc, estce Montigny ? – Oui, peut-être. – Il vous a dit du mal d’elle ? – Non jamais, ni lui ni personne en qui j’aie confiance.” – Voilà le résumé très exact du peu de paroles échangées sur cette personne dont je vous répète que je ne savais pas même le nom à ce moment-là »… Puis elle évoque d’autres projets de théâtre : « Si vous voulez jouer le Pavé, je ne demande pas mieux, pourvu que vous ne demandiez pas de changements, car littéralement je n’ai pas le temps d’y songer, et de plus en plus je crois, en ce qui me concerne, au premier jet de l’idée. S’il vous vient quelques mots heureux à faire dire, ne vous gênez pas, mais quant au plan de la pièce, je ne crois pas que le sujet en comporte davantage, si pièce il y a : ç’a été fait pour le théâtre de Nohant et il se trouve que ça a eu dans la revue un succès étonnant que je n’avais guère prévu. C’est le chevalier de Germandre qui ferait, je crois, une pièce amusante si quelqu’un en savait tirer parti. C’est sur un canevas joué ici l’année dernière avec beaucoup de grâce et de gaîté, que je me suis amusée la veille et le lendemain de ma maladie, à faire le roman [La Famille de Germandre]. J’étais au 3me chapitre quand la camarde a frappé à ma porte et pendant les quatre ou cinq jours de sommeil et de rêves où la réalité n’existait plus pour moi, j’étais dans le château de Germandre, tantôt splendide, tantôt en ruines, avec tous ces héritiers qui m’embêtaient ! […] Je me sentais malade, je cherchais partout un coin où me coucher, pas moyen. C’est là que j’ai fait connaissance avec l’abbé, qui n’était pas dans la pièce et que j’ai ajouté après coup, puisque j’avais découvert dans mon rêve qu’il existait. Quelle drôle de chose que le cerveau, et le rêve, et la veille, et la maladie et la vie et la mort ! J’étais au plus mal, au moment où j’avais enfin trouvé moyen de me loger dans les combles, dans une galerie ouverte à tous les vents, où j’avais froid, quand après une médecine qu’on m’a fait prendre et qui a fait merveille, je me suis retrouvée chez moi avec beaucoup d’étonnement et de plaisir. Voilà l’histoire assez sérieuse de ce roman-là, et il m’a réellement beaucoup amusé à continuer. […] Me voyez-vous partant pour l’autre monde au beau milieu de ce rêve, et arrivant à la porte du paradis, car j’irai certainement, avec ce cortège de fantômes. J’aurais certainement dit au bon St Pierre, mettez tous ces gaillards-là à la porte ! Laissez entrer mes quatre héros et le petit, ils ne sont pas méchants, mais les héritiers, et le Labriche, au diable ! » Elle revient à Dumas fils : « ne le croyez pas aigri au fond. Il peut l’être à la surface, mais je vous assure que le cœur est toujours aussi grand, aussi juste, aussi sincère et aussi bon, et qu’il m’a parlé de vous avec une estime et une affection sérieuses. Je l’ai vu tous les jours et longtems chaque jour, tantôt triste, tantôt gai, toujours digne d’être aimé avec tendresse et confiance. Je crois que je le connais à présent et il gagne à être connu, chose rare pour les gens qui plaisent à première vue »…. Correspondance, XVI, n° 9175. 800 - 1 000 € 712

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