AGUTTES . Vente Judiciaire, Aristophil

157 Autographes & Manuscrits • 10 juillet 2025 756 ZOLA Émile (1840-1902). L.A.S. « Emile Zola », Paris 26 avril 1876, à un ami ; 1 page et demie in-8 (petites fentes réparées à l’adhésif). Belle lettre listant l’ensemble de son œuvre. « Vous êtes bien aimable de faire de la propagande pour mes livres dans les salons. Mais prenez garde qu’on ne finisse par vous traiter de communard ». Et il dresse « la liste complète de mes ouvrages : chez Charpentier, les six volumes des RougonMacquart, plus les Contes à Ninon, les Nouveaux Contes à Ninon, et deux pièces Thérèse Raquin et les Héritiers Rabourdin ; – chez Lacroix, trois romans, Thérèse Raquin, Madeleine Férat et la Confession de Claude ; – enfin mes ouvrages épuisés et qu’on ne trouve nulle part, sont : Mes Haines, le Vœu d’une morte, et Mon Salon (1866). Telle est la liste très exacte. Pourquoi ne vous voit-on plus jamais à notre dîner ? Vous seriez bien aimable, un soir, de venir nous surprendre. Vous savez que vous êtes pour nous tous un bon souvenir »… 700 - 800 € 757 ZOLA Émile (1840-1902). L.A.S. « Emile Zola », Paris 9 septembre 1876, à Albert MILLAUD ; 3 pages petit in-4. Importante lettre où Zola défend son art du roman, en réponse aux critiques concernant L’Assommoir. Il s’agit de la minute, avec ratures et corrections, gardée par Zola, comme en témoigne la note de la main de son épouse Alexandrine, au verso du dernier feuillet : « 2ème lettre adressée à Albert Millaud au sujet de son second article sur l’Assommoir. Ceci est la copie de la lettre adressée à Millaud. C’est M. Ludovic Halévy qui a cette dernière achetée à la mort de Millaud. » [Albert MILLAUD (1844-1892) avait publié un article dans Le Figaro du 1er septembre 1876, critiquant sévèrement L’Assommoir et Zola, qui avait répondu le 3 septembre par une lettre insérée dans le Figaro du 7, suivie d’une longue réponse de Millaud ; cette seconde réplique de Zola ne fut pas insérée.] Zola désire rester courtois…. « Vous me traitez d’écrivain démocratique et quelque peu socialiste, et vous vous étonnez de ce que je peins une certaine classe ouvrière sous des couleurs vraies et attristantes. D’abord, je n’accepte pas l’étiquette que vous me collez dans le dos. J’entends être un romancier tout court, sans épithète ; si vous tenez à me qualifier, dites que je suis un romancier naturaliste, ce qui ne me chagrinera pas. Mes opinions politiques ne sont pas en cause, et le journaliste que je puis être n’a rien à démêler avec le romancier que je suis. Il faudrait lire mes romans, les lire sans prévention, les comprendre et voir nettement leur ensemble, avant de porter les jugements tout faits, grotesques et odieux, qui circulent sur ma personne et sur mes œuvres. […] Si vous saviez combien le buveur de sang, le romancier féroce, est un honnête bourgeois, un homme d’étude et d’art, vivant sagement dans son coin, tout entier à ses convictions ! Je ne déments aucun conte, je travaille, je laisse au temps et à la bonne foi publique le soin de me découvrir enfin sous l’amas des sottises entassées. Quant à ma peinture d’une certaine classe ouvrière, elle est telle que je l’ai voulue, sans une ombre, sans un adoucissement. Je dis ce que je vois, je verbalise simplement, et je laisse aux moralistes le soin de tirer la leçon. J’ai mis à nu les plaies d’en haut, je n’irai certes pas cacher les plaies d’en bas. Mon œuvre n’est pas une œuvre de parti et de propagande ; elle est une œuvre de vérité. Je me défends de conclure dans mes romans, parce que, selon moi, la conclusion échappe à l’artiste. Pourtant, si vous désirez connaître la leçon qui, d’elle-même, sortira de L’Assommoir, je la formulerai à peu près en ces termes : instruisez l’ouvrier pour le moraliser, dégagez-le de la misère où il vit, combattez l’entassement et la promiscuité des faubourgs où l’air s’épaissit et s’empeste, surtout empêchez l’ivrognerie qui décime le peuple en tuant l’intelligence et le corps. Mon roman est simple, il raconte la déchéance d’une famille ouvrière, gâtée par le milieu, tombant au ruisseau ; l’homme boit, la femme perd courage ; la honte et la mort sont au bout. Je ne suis pas un faiseur d’idylles, j’estime qu’on n’attaque bien le mal qu’avec un fer rouge ». Zola justifie « l’emploi du langage de la rue », pour donner à ses personnages « leur langue accoutumée. […] D’ailleurs, ce langage de la rue vous gêne donc beaucoup ? Il est un peu gros, sans doute, mais quelle verdeur, quelle force et quel imprévu d’images, quel amusement continu pour un grammairien fureteur ! » Et il conclut en affirmant « que dans toute la boue humaine qui me passe par les mains je prends encore la plus propre, que j’ai, surtout pour L’Assommoir, choisi les vérités les moins effroyables, que je suis un brave homme de romancier qui ne pense pas à mal, et dont l’unique ambition est de laisser une œuvre aussi large et aussi vivante qu’il le pourra »... Correspondance, t. II, n° 291. 1 500 - 2 000 € 756 757

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