72 531 BLOY Léon (1846-1917). 24 L.A.S. « Léon Bloy », 1883-1891 et s.d., à Louise READ ; 30 pages la plupart in-8 (4 au crayon ; 2 lettres réparées au ruban adhésif), 3 enveloppes. Très intéressante correspondance à l’amie intime, « l’Ange noir », de Barbey d’Aurevilly. [Louise READ (1849-1928) rencontra Barbey d’Aurevilly en 1879 et se dévoua à la cause du grand homme. Elle se rendit indispensable, relisant ses articles, classant ses papiers. Sa légataire universelle, elle publia ses œuvres posthumes. Léon Bloy admirait également Barbey d’Aurevilly, dont il fut très proche. Il entretint d’abord des relations d’amitié confiante avec Louise Read. Leur amitié se dégrada par la suite.] 3 janvier 1883, concernant la copie de « l’article Trombonnes » de Barbey. –Asnières 17 novembre [1884]. « Vous êtes si bonne que vous pouvez entendre cela sans vous étonner le moins du monde qu’un pauvre homme harcelé d’exaspérantes misères manque parfois de suavité. Vous savez peut-être que le bon docteur Robin désespérant d’obtenir un prix avantageux de mon manuscrit a décidé de faire une loterie »... – Fontenay-aux-Roses [1885]. « Je souffre ici comme un diable. Je suis toujours au lendemain de l’affreux jour, j’ai sur mon dos une vieille imbécile dont la seule vue me tourmente [sa propriétaire] & je suis perpétuellement labouré par des inquiétudes d’argent. Quant à mon livre [Le Désespéré], il est tellement difficile à faire que je n’en reçois presque pas de consolation. Vous me reprochez d’être trop dur pour BOURGET, lequel m’a infligé un jour une des plus grandes peines de ma vie. Est-ce que cela ne vous fait pas bondir, brebis que vous êtes d’un mauvais troupeau, de savoir que ce faux artiste est gorgé de gloire et d’argent, pendant que les deux plus grands artistes que je connaisse, BARBEY D’AUREVILLY et HUYSMANS, sont menacés de la misère, sans parler de Bloy qui est à la mendicité et de VILLIERS qui se fait casser la figure à coups de poings pour nourrir son enfant ? »... – Mercredi [décembre1885]. « L’opinion de Huysmans, de Georges [Landry] et de mon éditeur [P.V. Stock], c’est que Bloy fait un livre superbe autant que féroce & appelé à retentir [Le Désespéré]. C’est aussi le sentiment du pamphlétaire qui vous écrit – suffrage précieux & celui de tous qu’on a eu le plus de peine à conquérir »... – Mardi [1885]. « Si vous n’étiez pas ce que vous êtes, chère amie, il est clair que nos relations seraient finies depuis hier soir », il reconnaît avoir été « une brute » chez M. d’Aurevilly : « Je n’étais pas ivre pourtant, mais il venait de tomber en moi quelque chose de noir et d’affreux et je ne savais plus ce que je disais. […] J’aurais voulu pousser des cris sauvages et déchiqueter des êtres vivants. Tout cela n’est ni beau ni raisonnable, mais je suis un homme terriblement malheureux »… – Paris 1er octobre 1886, pour une lecture du Désespéré : « Le jour convenu, j’arriverai rue Rousselet [chez Barbey d’Aurevilly] à 9 heures avec mon manuscrit. Il faut compter sur deux heures de lecture, au moins »... – 9 février [1887] : « C’est une abominable férocité de mon destin de toujours travailler sans salaire et c’est une véritable tentation de désespoir d’avoir enfanté une telle œuvre que mon livre [Le Désespéré], sans pouvoir en recueillir quoi que ce soit, fût-ce le morceau de pain de l’homme de peine accablé du poids du jour »… – 14 avril 1890 , à propos de sa future femme, Jeanne Molbech (que lui avait présentée Louise Read) : « Si je vous disais que je prie Dieu de vous bénir, cela ne vous ferait pas grand chose, puisque vous avez le malheur d’être sans foi religieuse. [...] J’ai écrit à Mme Molbech & je n’attends plus que sa réponse, qui sera probablement conforme à mes vœux. Je vous prie, chère amie, de ne pas croire à un accès de folie amoureuse. Jeanne & moi nous sommes, je le crois, très raisonnables & nous obéissons simplement à la nécessité absolue. Il est vrai que nous en sommes arrivés à ne plus pouvoir nous passer l’un de l’autre, mais il faut en même temps que je ne périsse pas. Il me faut enfin un peu de bonheur, un peu de paix, le tremplin d’une sécurité de quelque durée, afin de recueillir mon esprit, de pouvoir travailler avec fruit [...] Jeanne continuera ses leçons, & moi je ferai des articles puisqu’on m’en demande. En même temps j’écrirai un nouveau roman qui aura peut-être quelque succès l’an prochain »…. – 8 mai 1890 : il va envoyer ce qu’il a de papiers de la baronne de BOUGLON (l’Ange blanc de Barbey) : « Mettez le nez & la tête de cette vieille chienne enragée dans son ordure. [...] Si vous rencontrez des gens qui me désapprouvent, envoyez-les moi pour que je leur casse la figure ». – Bagsvaerd (Danemark) 10 avril 1891, sur ses conférences au Danemark: « J’ai beaucoup de succès & je révolutionne un peu les journaux ici. J’ai bien une dizaine d’articles chaque matin ». Il va faire deux conférences sur Barbey d’Aurevilly. « Je suis en train d’allumer, pour quelques écrivains français, ce peuple qui les ignore profondément. Le nom même de d’Aurevilly n’était pas connu avant moi. Aujourd’hui on ne parle pas d’autre chose. Il faut donc, en toute hâte & sans perdre une heure, lancer commercialement sur cette ville les livres dont je parle dans mes conférences : Vieille Maîtresse, Ensorcelée, Chevalier des Touches, Diaboliques. Surtout le Prêtre marié »… – Paris 31 octobre 1891. Il n’a pu venir la voir depuis son retour : « mon procès dont l’issue a été si heureuse, mais qui pouvait être un désastre en cas d’insuccès [...] Je me garderai bien de compromettre ce grand succès en faisant à mon tour un procès au polisson qui m’a insulté [...] Je suis, d’ailleurs, tellement habitué à la calomnie, même de la part de quelques-uns de mes amis ». Jean LORRAIN le présente « comme un ivrogne de brasserie & un “prostitué” »... – 15 novembre 1891, après un envoi de vieux vêtements : « vous ignorez, sans doute, que le présent ne ressemble pas au passé & que la période mendicitaire est finie pour moi, – circonstance heureuse qui contristera, j’en suis persuadé, quelques nobles âmes qui perdront ainsi l’occasion de cultiver mon ingratitude. J’ai donc le devoir de refuser ce que vous avez la charité de m’offrir, en vous priant de chercher autour de vous un désespéré sans orgueil. J’ai trop longtemps dépouillé les riches. Je ne veux pas aujourd’hui dépouiller les nécessiteux »... D’autres lettres évoquent le poète Maurice Rollinat, le comte Roselly de Lorgues… Etc. 2 500 - 3 000 €
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