AGUTTES . Vente Judiciaire, Aristophil

93 Autographes & Manuscrits • 9 juillet 2025 586 FARRÈRE Claude (1876-1957). 24 L.A.S. « Bargone » ou « C F », à bord du Vautour à Constantinople, 28 juin 1903- 25 mai 1904, à Pierre LOUŸS ; 125 pages in-8 à en-tête du Vautour / Constantinople, 23 enveloppes. Très belle correspondance sur les débuts de l’amitié littéraire entre Louÿs et Farrère. Pendant son séjour à Constantinople, le jeune officier de marine Bargone prépare la publication de son premier ouvrage, le recueil de nouvelles Fumées d’Opium (Ollendorff, 1904) et réécrit, sur les conseils de Louÿs, Les Énervés, qui deviendront Les Civilisés (Ollendorff, 1905, Prix Goncourt). Il ne cesse de remercier Pierre Louÿs, qui l’encourage et le soutient, et lui demande son avis sur tout : le traité de l’éditeur, le titre du livre, le choix de son pseudonyme, etc. Les lettres sont souvent bavardes, Farrère racontant des anecdotes, ses promenades dans Constantinople, son pèlerinage aux tombes des premiers padishahs (rois persans) à Brousse en Anatolie (17 mai 1904) ; il succombe aux charmes de la Turquie, de ses cimetières, de ses femmes : « Les intrigues qu’on noue dans ce pays ne ressemblent aux autres que par le dénouement. Quant aux prémisses les différences sont innombrables et charmantes. Les Grecques surtout sont inépuisables en surprises […] Le délicieux livre à écrire, et que vous seul pourriez essayer ! » (16 juillet 1903). Il marche dans les pas de Pierre LOTI, qui prendra le commandement du Vautour le 10 septembre. Il évoque un déjeuner avec Loti « sphyngesque », Catulle Mendès et la jeune Lesbie, qui lui fait penser à Bilitis et Mnasidika (9 février 1904) ; en mai, il fait visiter Stamboul à Henri de Régnier et sa femme : « combien j’ai été touché de leur bonne grâce et de l’accueil exquis qu’ils m’ont fait « … Farrère remercie Louÿs pour Sanguines qui l’émerveille (28 juin 1903). Le 16 juillet, il a reçu une lettre de Loti concernant sa mission, mais d’un ton « beaucoup plus cordial qu’il n’est d’usage en cette sorte de correspondance », et il pense que Louÿs n’y est pas étranger. Le 29 août, il fait suivre la réponse négative de Fasquelle, qui le laisse découragé « d’autant plus que mes pauvres Civilisés trainent horriblement de l’aile depuis quelque temps. Je souffre à mettre bas ce roman comme une femme à accoucher. En six mois, j’ai écrit deux cents lignes » ; il s’en remet à Louÿs pour trouver un éditeur et lui demande « quatre lignes » de préface. En septembre, il peine toujours sur Les Civilisés : « Sans mentir, j’ai plus de peine à récrire ce roman que je n’en avais eue à l’inventer »… Loti prend son commandement : « Loti est absolument exquis pour moi et me traite en ami plutôt qu’en officier de son navire » (4 octobre). En octobre, les pourparlers s’accélèrent avec Valdagne (librairie Ollendorff), mais Farrère s’inquiète de l’état de santé de Louÿs qui doit être opéré de l’appendicite. Le 30 octobre. il lui donne les pleins pouvoirs pour traiter avec Valdagne et cherche le bon titre : en juillet, il mentionnait Le Calendrier d’opium, il a pensé à « “Le cycle (ou plutôt le cercle) de l’opium” (ou d’opium) – “Pensées d’opium” ne me déplait pas », etc. ; il laisse le choix à Louÿs. Quant au pseudonyme, il renonce à Ferrare pour Farrère, après avoir envisagé Fierce, mais il veut garder le prénom de Claude. – 9 janvier 1904 : Il a reçu les propositions de Valdagne et a demandé l’avis de Loti, qui dit « n’avoir jamais au grand jamais obtenu des conditions aussi belles “Seulement, a-t-il ajouté, je suis un naïf inconcevable” »… Farrère donne ses desiderata pour Fumées d’Opium, mais « C’est vous qui déciderez et nul autre. Je vous donne carte blanche […] Tout bas, je vous avoue que j’ai grande envie de paraître, et de paraître vite »… – 12 janvier. Longue lettre de 15 pages, signée « Farrère » pour la première fois, à propos des Civilisés qu’il a recommencés : « La copie, pour user de votre mot, m’a coûté neuf mois d’un rude travail […] Je n’ai pas laissé une ligne intacte », et il a suivi ses conseils : « Deux chapitres d’exposition […] toute la partie psycholo-bourgétiste supprimée […] Les personnages secondaires réduits à deux unités […] L’ensemble resserré et plus compact […] Le changement de titre (Civilisés) » etc. Il renvoie le traité signé le 9 février ; en mars, il attend les épreuves, et le 21 il lui fait parvenir « les authentiques ciseaux de feu le Grand Eunuque du Roi Pausole. Il sont obligatoirement à vous, légataire universel de ce monarque », qu’il a trouvés dans un bazar…Pour la Préface, il tient à Louÿs et ne veut pas la demander à Loti : « Nul plus que moi n’admire Loti. C’est, j’en ai la prescience, quelque chose de plus grand que ne furent Chateaubriand et Lamartine. Mais je me sens dans un chemin qui n’est pas, qui ne sera jamais le sien ». Il est le disciple de Louÿs « malgré même l’abîme qui sépare votre talent de ma pauvreté, je me sens des vôtres. Une préface de Loti pour moi, ça n’aurait pas de sens commun. J’aurai la vôtre ou aucune » (17 mai)… On joint : – le manuscrit autographe signé d’une Lettre ouverte à Monsieur Pierre Louÿs, [1905] (6 p. in-8), dans laquelle il le remercie pour sa préface à Fumées d’opium, évoque leur première rencontre le 15 juin 1902, et dit son émoi à la lecture d’Aphrodite en 1896: «vous me donniez la déesse même adorée en mon temple ; et vous me la donniez vivante, toute chaude » ; – une carte postale a.s. d’Alger représentant une jeune mauresque nue (3 juillet 1906) ; – et 3 télégrammes. 2 500 - 3 000 €

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