95 Autographes & Manuscrits • 10 juillet 2025 589 FLAUBERT Gustave (1821-1880). L.A., La Bouille vendredi soir [6 août 1847], à Louise COLET ; 3 pages in-8, adresse « Me A. S. » (petite déchirure par bris du cachet enlevant 3 lettres). Réponse aux reproches de sa maîtresse. [Flaubert rentrait de son voyage de Bretagne en Normandie avec Maxime Du Camp, qu’ils relateront dans Par les champs et par les grèves.] Il reçoit sa lettre : « Encore des larmes, des récriminations et, ce qui est plus drôle, des injures. Et tout cela parce que je ne suis pas venu à un rendez-vous que je n’avais pas promis. […] vous vous souciez fort peu de tout ce qui m’arrive. Qu’importe l’état où je suis ; du moment que je ne quitte pas tout pour vous j’ai tort, j’ai tort et toujours tort. Ah Louise, vous dites que vous me plaignez, eh bien je vous plains aussi car vous m’avez appris une triste chose, c’est qu’il y a tout autant d’amertume et de misères dans l’amour heureux que dans l’amour dédaigné. – Goutte à goutte vous me les avez toutes distillées de façon, je vous jure, à n’en pas perdre le souvenir. Vous ne voulez pas du sentiment que j’ai pour vous, de cette pitié insultante qui ne provient selon vous que du remords. Ah ! vous parlez à un sourd. Je ne crois pas au remords. C’est un mot de mélodrame que je n’ai jamais cru vrai ». Elle déclare qu’il aurait dû lui envoyer des fleurs : « Vous savez bien que je n’admets pas davantage les devoirs, vous frappez mal en voulant frapper trop fort. Je ne ris pas de tout cela cependant comme vous le présumez car je ne ris plus et pour cause. […] Vous êtes comme les autres après tout, comme tout le monde. J’ai beau faire tout ce que je peux. Je blesse toujours. Et moi ? Ah mais on suppose toujours que non. C’est comme un homme qui en tombant d’un clocher en écrase un autre dans sa chute. On plaint beaucoup celui qui a été écrasé mais celui qui en écrasant a été brisé du coup, ah bah ! c’était sa faute ! » On ne lui a pas fait suivre à Trouville sa lettre de Fougères. « Nous sommes revenus quinze jours plus [tôt] que nous ne le devions primitivement, ma mère m’ayant écrit de revenir le plus tôt possible. Le pays est accablé de maladies d’enfants, elle a fui de Croisset et s’est logée ici dans un taudis où j’ai le bonheur d’être. D’un moment à l’autre je m’attends à voir son enfant crever comme un pétard. J’y crois parce que je le redoute et que les choses que je crains ont l’habitude de se réaliser. […] Je n’ai pas le cœur à l’ironie, vu le pétrin où je suis plongé. Tout me craque dans les mains pour le quart d’heure, parents, amis, argent et vous, vous sur qui je comptais toujours. […] Vous n’avez pu vous résigner à m’accepter avec les infirmités de ma position, avec les exigences de ma vie. Je vous avais donné le fonds, vous vouliez encore le dessus, l’apparence, les soins, l’attention, les déplacements – tout ce que je me suis tué à vous faire comprendre que je ne pouvais vous donner […] Si vous me maudissez moi je vous bénis et toujours mon cœur remuera à votre nom »… Correspondance (Pléiade), t. I, p. 463. 2 000 - 2 500 € 590 FLAUBERT Gustave (1821-1880). POÈME autographe, Après une lecture, août 1852 ; demi-page in-fol. sur papier bleu. Rare poème de Flaubert, inspiré par Louise Colet. [En août 1852, Flaubert, en pleine rédaction de Madame Bovary, s’est rendu à Paris pour l’attribution du prix de poésie par l’Académie française à sa maîtresse Louise Colet pour son poème La Colonie de Mettray, auquel ces vers font allusion.] Le poème compte 3 quatrains. « Vers fortunés que dit sa voix souriante Nus orphelins, elle a jeté sur vous Comme un manteau son âme rayonnante ! […] Moi cependant qui n’oserais vous suivre Souvent hélas ! pâle & l’esprit troublé Je baiserai sur la page du livre La strophe heureuse où sa voix a tremblé. » 2 000 - 2 500 € PROVENANCE Caroline Franklin-Grout-Flaubert (nièce de Flaubert), vente Antibes 18-30 avril 1931, n° 12 (6°). 590 589
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