AGUTTES NEUILLY. LETTRES & MANUSCRITS

LOT DESCRIPTIF ESTIMATION (€) 18 43 CÉLINE Louis-Ferdinand (1894 - 1961). L.A.S. « LF Céline », Meudon 28 juin [1957], à Pascal PIA ; 3 pages in-4 à son cachet en-tête, enveloppe. Il a pris connaissance de son article dans Carrefour [à propos de son roman D’un Château l’autre] et est très heureux « d’être si bien compris et si justement commenté […] Que les autres critiques en prennent de la graine ! avant que j’expire !... et eux aussi !... Petit détail… si je suis encore à peu près en vie et capable de vous remercier c’est que j’ai quitté la France en Août 44… où pouvais-je aller ?... en Espagne ? C’était signer ma condamnation… restait le Danemark neutre où j’avais déposé tous mes droits d’auteurs, qui nous servirent à vivre moi et ma femme, en prison et hors prison, pendant sept ans… Mais le Danemark via l’Allemagne, pas d’autres chemins !... Il faut se reporter aux époques et aux faits, pour se mettre à ma place… En France je n’aurais même pas vu la Cour de Justice, j’étais écharpé bien avant d’être jugé ! À mesure que les années passent tout devient conforme à une certaine vérité “convenable” et complètement déraillée…abracadabrant… »… Il termine en l’invitant à venir le voir : « en deux mots, vous en saurez plus que cent équipes de jaseurs à vide »… 1 500 - 2 000 44 CHAMFORT Sébastien Roch Nicolas de (1740 - 1794) écrivain et moraliste. L.A.S. « de Chamfort », Paris 16 septembre [1770, à Jean-François de LA HARPE] ; 3 pages et demie in-4. Il se dit inconsolable de n’avoir pu lui répondre plus tôt, mais une fièvre l’a forcé à prolonger son séjour à la campagne... Son ami connaissait les raisons qui l’ont « privé du plaisir de passer quelque tems auprès de vous et de Me de Marnesia », mais le silence lui faisait craindre d’avoir perdu sa si précieuse amitié : « Je suis charmé […] d’être rassuré par vous même et j’attribue tout à cette mauvaise goute dont vous parlez ». Il serait ravi « si je pouvois me dedomager cet hyver du tems perdu », mais il est retenu à Paris par sa santé et toutes sortes d’engagements, dont sa comédie Le Marchand de Smyrne « qui sera peut-être joué cet hyver, une autre bagatelle qui le sera à la cour au commencement de novembre, une tragédie qui doit être prête au printems prochain, voila plus de besogne qu’il n’en faut à une tête et à une santé comme la mienne. Ainsi Monsieur je suis obligé de remettre à un autre tems le projet d’aller partager votre solitude »… Il est enchanté de le voir songer à un Éloge de Fénelon : « Ce sujet vous convient de toutes les manières et son âme est digne d’être louée par la votre. Des occupations d’un autre genre m’empêcheront d’être votre concurrent et mes vœux sont sans réserve pour l’amitié »… 1 000 - 1 500 45 CHATEAUBRIAND François-René de (1768 - 1848). L.A., Lausanne 26 juin 1826, à son amie la duchesse de DURAS ; 2 pages et quart in-4. Lettre évoquant la censure et la publication du Dernier Abencérage. Il annonce leur retour à Paris; Mme de Chateaubriand va bien et l’infirmerie la rappelle. « Moi, j’ai mis au net la plus difficile besogne et je souffre tant que ces deux raisons me déterminent à abréger. Enfin, imaginez que dans cette république on vient d’établir la censure. Je fuis cette peste au risque de la retrouver à Paris ». Il va faire un bref voyage à Genève, avant de revenir pour une douzaine de jours à Lausanne, et de rentrer à Paris. « Je ne sais rien de ce monde, ni de la politique après la session, ni même de mon édition et du destin d’Aben-Hamet. Je n’écris à personne, personne ne m’écrit, et je serois dans le repos le plus complet si vous n’étiez pas malade, si je ne travaillois pas trop et si je n’étois pas boîteux. J’ai dormi la nuit dernière quatre heures pour la première fois depuis trois semaines : je plains bien à présent les insomnies du pauvre Frisel. Je vais voir à Genève une autre malade Mde de CUSTINE. Elle me fait grand’pitié. Astolphe est venu me voir. [...] Que devenez-vous ? Restez-vous dans votre forêt ? Allez-vous à la mer ? Enfin avant un mois je vous verrai. Dieu soit loué de tout ». 1 000 - 1 200 46 CHRISTINE DE SUÈDE (1626 - 1689) Reine de Suède. L.A. (minute), [Rome 1669 ?], à Franz Egon von FÜRSTENBERG, évêque de Strasbourg ; 4 pages in-4 avec ratures et corrections. Belle lettre d’exil à Rome sur sa situation financière difficile, et ses relations avec la Cour de France au sujet de l’argent promis lors de son abdication. Elle remercie l’évêque de sa lettre pour la nouvelle année, « vous priant de croire que ces marques de vostre amitie ont este agreablement receus de moy et je veux bien aussi vous asseurer qu’on ne vous a pas trompé en vous persuadant que je suis sincerement vostre amye a vous et a Mr le Prince vostre frere ». Elle le remercie de son offre « de me servir a la cour de France », et lui expose « lestat des choses »… « Il y a longtemps qu’on me doit un reste de subsides des gens passes d’Allemange que je me suis reserve a mon Abdication », et qu’elle a sollicité à la Cour de France « en personne lorsque j’y estoy. Lon me promit de me satisfaire et on me paya mesme quelque peu dargent que je receus a ce conte differant le reste a un temps plus comode », qu’elle n’a pas réclamé. « Mais les malheurs du temps et la perte de tous ce que possedois en Suede et en Allemange mont forcé de remettre sur le tapis cette ancienne pretension, qui est lunique ressource qui me reste dans lestat present […] Cest pourquoy jescrivis sur ce sujet en France pour tacher den tirer quelque chose ou du capital ou de linterest ». Le cardinal d’ESTE a été chargé de lui porter la réponse, où elle comprit « quon nestoit pas dispose a me rendre justice la dessus a present, et je ne men estonnoy pas trop sachant tres bien que je ne suis pas la seulle au monde a qui largent manque »… Le cardinal d’Este est retourné en France, et elle attend son retour avec espoir… « Vous ne me persuaderez pas aysement que les dispositions de la Cour de France se treuvent favorables pour moy car je say les bons offices quon my rendt touts les jours dycy qui ne manqueront pas de produire leurs effets ordinaires comme ils les ont produits autrefois. Par bonheur je me suis accoustume depuis que jay lage de la rayson a me passer de tout ce qui nest pas Dieu, ainsi vous voyez que je nauray pas de poine a me consoler de tous les malheurs qui marrive »… 2 500 - 3 000

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