77 Lettres, manuscrits, autographes, livres & photographies • 10 octobre 2023 LOT DESCRIPTIF ESTIMATION (€) 187 SAINTE-BEUVE Charles-Augustin (1804 - 1869). 22 L.S. avec corrections et additions autographes (minutes, 2 non signées), 1866 - 1868 ; 44 pages in-8 ou in-12. Lettres dictées à son secrétaire Jules TROUBAT, puis abondamment corrigées par Sainte-Beuve, à Ernest BERSOT (réponse à un article sur la Galerie des Académiciens de Vattier), P. Bernay (sur une caricature de Sainte-Beuve), Pierre LAROUSSE (« auteur du Grand Dictionnaire, à propos de l’article Causeries du Lundi communiqué en épreuves »), Camille GUINHUT (rédacteur de L’Étendard, à propos de la question romaine), COLINCAMP (sur son article consacré aux Lundis), Benoît JOUVIN (belle lettre sur la pérennité de la littérature), Louis COMBES (« petite querelle » sur Louis XVI), Jules CLARETIE (au sujet de Victor Jacquemont), Dussieux (sur le scandale d’une édition tronquée des Mémoires du grand Frédéric), Paul MEYER (hommage de Port-Royal, « le moins imparfait de mes écrits »), de GONET (« juge d’instruction, pour recommander le jeune Alfred Verlière, auteur de Déisme & Péril social, détenu sous l’inculpation de société secrète »), Henri BRISSON (réponse à un article sur les délits de presse), BARUTEL (à propos des prix de l’Académie), C. RITTER (sur une intervention au Sénat), Louis ULBACH (réponse à La Cocarde blanche), Émile EGGER (remerciant pour le « précieux cadeau » de son savant confrère), Ernest RENAN (sur David Strauss), Félix AUVILLAIN (critique de ses vers, par « un ancien élégiaque »), etc. 1 800 - 2 000 188 SAND George (1804 - 1876). MANUSCRIT autographe signé « G. Sand », Rêveries et souvenirs, fragments de journal ; 44 pages in-8. Manuscrit de travail, avec ratures et corrections, d’un article politique sur 1848 et l’Empire, Napoléon III et Eugénie. Cet article a été publié dans le journal Le Temps du 5 septembre 1871, sans le sous-titre « fragments de journal » ; il a été recueilli en 1873 dans Impressions et souvenirs (Michel Lévy, 1873, p. 17-36). Présenté comme un fragment de journal en date de mars 1860, le texte commence par une évocation de son état d’âme (rédigée au masculin, comme à son habitude) : « Ces bons vieux amis me demandent en quel état est mon âme. S’ils y pouvaient lire à toute heure, ils trouveraient peut-être qu’elle est en état de grâce, comme disent les catholiques ; moi je dis qu’elle n’a plus guère d’état particulier, elle est entrée depuis longtems dans le chemin où les accidents et les périls ne font pas retourner en arrière. – On me trouve trop indulgent pour les choses et pour les gens de ce tems ci. Je ne suis pas si indulgent que l’on croit. J’ai acquis de la patience en proportion de ce qu’il en faut, voilà tout. Ayant traversé beaucoup de choses jugées, je n’ai pas le goût de supplicier ce que je condamne, j’aime mieux l’oublier »…. Elle évoque sévèrement la naissance du second Empire : « L’avenir est noir. Ce coup d’état qui, dans les mains d’un homme vraiment logique, eût pu nous imprimer un mouvement de soumission ou de révolte dans le sens du progrès, ne nous a conduits qu’à un affaissement tumultueux à la surface, pourri en dessous »…. Le peuple est « dans un courant funeste, 48 a été pour lui une ivresse et une déception. […] La bourgeoisie avait fait fortune, elle n’aimait plus les révolutions ; son rôle de 1830 était terminé, elle n’avait plus de principes de gouvernement, elle n’avait plus de philosophie à elle, plus d’esprit de caste, elle ne se tenait plus ; à force de vouloir tenir à tout elle ne tenait plus à rien Elle n’était plus voltairienne, elle ne comprenait plus 89 dont elle parlait sans cesse. Enrichie par cette première révolution, elle était devenue aristocrate […] Cette vanité maladive est devenue maladie mortelle sous l’empire. La bourgeoisie, qui devrait être flattée d’avoir sur le trône un parvenu, – l’empereur lui-même s’intitule ainsi malicieusement, – ne veut plus être parvenue. Elle se cherche des aïeux, elle se donne des titres, ou tout au moins des particules. […] Quoique parvenu, l’empereur fait publier es généalogies qui font remonter jusqu’au Cid d’Andalousie la noblesse de la jeune comtesse de Teba. Il n’a pas suffi à Mlle Montijo d’être belle et charmante, il faut qu’elle ait des ancêtres pour ce monarque qui se vante de n’en point avoir et qui se déjuge comme la bourgeoisie ».Puis elle brosse un portrait de la « jeune impératrice », avant de constater : « Il n’y a donc plus de bourgeoisie. Cette morte a été rejoindre sa sœur aînée, la noblesse, sur le registre des mortalités historiques. Il n’y a plus que deux classes, celle qui consomme et celle qui produit ; classe riche ou aisée, classe pauvre ou misérable »…. Et elle tente de comprendre où en est le peuple, et se montre pessimiste : « L’empire, en se fondant sur un plébiscite, a inauguré le règne de l’ignorance, sauf à la gouverner par la force quand elle le gênerait. Le peuple s’est cru roi, mais si son illusion dure encore, elle cessera bientôt, et gare au désenchantement ! Il sera terrible. La majorité est en ce moment pour l’empire, elle opprime, elle persécute, elle insulte ceux qui protestent, et, ce qu’il y a de triste, c’est que ceux qui protestent procèdent mal, avec rage ou folie, Le paysan est satisfait, il perd de plus en plus l’esprit de solidarité avec l’ouvrier des villes. L’ouvrier, en revanche, s’isole du laboureur, le méprise et ne cherche plus à l’initier à des notions plus étendues. Le fils de l’ouvrier aspire à devenir un bourgeois »… Etc. Elle croit cependant au « triomphe de la civilisation sur la barbarie »… 1 000 - 1 200
RkJQdWJsaXNoZXIy NjUxNw==