LOT DESCRIPTIF ESTIMATION (€) 78 189 SARTRE Jean-Paul (1905 - 1980). MANUSCRIT autographe, [1946] ; 1 page et demie in-4 (quelques légères mouillures). Réflexions sur le Juif, pour ses Réflexions sur la question juive (1946). « Que choisira-t-il ? Rien ne permet de le prédire puisqu’il est libre. Toutefois la situation le réduit à cette alternative : il faut choisir de nier sa situation ou de la revendiquer. Et c’est bien en effet l’un ou l’autre de ces partis qu’il prendra : mais il y a mille et mille manières de refuser, mille et mille manières d’assumer. Aussi y a-t-il des milliers de “caractères” juifs – à vrai dire on peut en concevoir une infinité. Car un Juif n’est rien d’autre que ce “projet” pour dépasser une situation intolérable. Ni race, ni religion : mais un homme libre et qui cerné par la haine ou l’injuste mépris se jette, au-delà ce mépris et cette haine, vers ses buts propres. Et s’il choisit de fuir, qui donc oserait le blâmer ? Cette fuite n’est pas une lâcheté, ni une désertion : c’est un essai pour vivre sa vie comme si le problème juif n’existait pas, un effort de toute la personne, qui se manifeste dans le travail comme dans les jeux, dans la solitude et dans la vie sociale, pour supprimer symboliquement en l’homme et hors de l’homme la réalité du problème juif. Cette fuite est un martyre, au sens propre du mot, car le Juif qui fuit tente de prouver avec sa chair que la race juive n’existe pas. Ainsi est-il hanté sans répit par ce fantôme qu’il veut anéantir et, bien entendu, c’est cette tentative d’évasion qui le constitue comme Juif, car c’est le Juif seul qui peut vouloir s’évader de la situation juive »… Etc. 1 500 - 2 000 190 SARTRE Jean-Paul (1905 - 1980). MANUSCRIT autographe sur le Communisme, [vers 1950] ; 4 pages in-4 sur papier quadrillé. Intéressantes réflexions sur le Communisme, l’URSS et la France, la masse et les élites, la diplomatie et la paix. « Ici il faut passer en revue les objections […] je sais pourquoi on nous déteste : nous ne pouvons prendre que des compagnons de route. […] Mais si vous ouvrez les yeux : qui n’a aujourd’hui ne tâche infinie. Qui donc veut se borner à restaurer la démocratie. […] C’est que nous ne sommes pas communistes. Cela veut dire 1) recul par rapport à l’URSS. 2) Nous avons à nous forger nos méthodes […] 3) Nous ne représentons pas les masses mais le petit bourgeois, l’élite du prolétariat etc. Cela suppose un héritage bourgeois. Sauver des valeurs. Il ne s’agit pas d’un accord opportuniste mais pour une situation qui peut durer longtemps d’une entente qui ne doit pas se rompre. Et après ? Eh bien nous changerons et la situation changera. Si nous prenions le pouvoir ? Mais c’est que la situation aurait changé. Si les Comm. le prennent seuls ? […] C’est que nous aurons été battus, nous nous serons laissés faire. La politique à suivre est claire. Résurrection de l’activité politique en France. Retour à la souveraineté. […] Paix en Indochine. Politique de production de richesses. La paix. Il faut trouver une majorité pour la faire. Qui la fait aujourd’hui ? Le Parti Communiste. […] On dit c’est pour l’URSS. Mais c’est d’abord pour la France. Alors ? […] Ne pas s’opposer aux Comm. en ayant le même programme »… Etc. 1 000 - 1 500 191 SAUGUET Henri (1901 - 1989). MANUSCRIT MUSICAL autographe signé « Henri Sauguet », La Rencontre (1948) ; 87 pages in-fol., en un volume broché. Partition d’orchestre du ballet La Rencontre. Sauguet a composé dans l’été 1948 la musique de son ballet La Rencontre ou Œdipe et le Sphinx, en un acte, sur un livret de Boris KOCHNO, qui venait de prendre, après la démission de Roland Petit, la direction des Ballets des Champs-Élysées. Transposant l’épisode de la rencontre d’Œdipe avec le Sphinx dans l’ambiance d’un cirque de plein air : sur la piste, tel des acrobates, les deux protagonistes s’affrontaient ; à la fin, tandis que le Sphinx, vaincu, se balançait tristement sur son trapèze, Œdipe s’éloignait vers son destin. La création eut lieu au Théâtre des Champs-Élysées, le 8 novembre 1948, dans un merveilleux décor et des costumes de Christian BÉRARD (dont ce fut la dernière création), et une chorégraphie de David LICHINE, avec Jean BABILÉE et la jeune Leslie CARON, sous la direction musicale d’André Girard. La partition, d’une durée de 22 minutes, fut publiée chez Heugel, et dédiée « à Boris Kochno et Christian Bérard ». Henri Sauguet l’a enregistrée avec l’Orchestre d’État de l’URSS. « Le Sphinx, c’était la toute jeune Leslie Caron – dont ce fut la révélation – collant blanc, silhouette serpentine ; Œdipe – le bondissant Babilée, visage grave, corps de fauve. La chorégraphie évoquait le jeu des questions et des réponses par un enchaînement de poses essentiellement plastiques. […] La musique évoque, par certains aspects répétitifs, la marche d’Œdipe vers son destin à la manière d’une “force en mouvement”, comme une machine quasi-infernale ; l’alternance des questions et des réponses oppose aux courbes sinueuses, interrogatives du violon la masse triomphante de l’orchestre. À la fin, celui-ci se met à vibrer, pour évoquer les tressaillements du Sphinx, tandis que la flûte marque la marche d’Œdipe, délivré. L’ensemble constitue peut-être le chef-d’œuvre de la musique de ballet de Sauguet » (André Hofmann). « La partition de M. Henri Sauguet est une de ses meilleures partitions. Expressive et bien rythmée, colorée d’une orchestration qui met les thèmes en valeur, elle transmet dans le domaine des sons le décor de Christian Bérard et la chorégraphie de Lichine, et s’accorde à souhait avec eux pour former un spectacle harmonieux » (René Dumesnil). Roland-Manuel jugeait la partition comme l’une des « meilleures, des mieux conçues, des mieux écrites, des plus clairement agencées et des plus poétiquement allusives que nous devions à ce musicien qui a le goût et le sens du ballet. Sauguet excelle à dégager le signe musical représentatif de l’image et de l’idée chorégraphiques ». Le manuscrit est à l’encre noire sur papier à 32 lignes ; il est signé et daté en fin « Coutras, 12 oct. 1948 » ; il a servi de conducteur et porte de nombreuses annotations au crayon rouge ou bleu. L’orchestre comprend : flûte (et piccolo), hautbois (et cor anglais), clarinette, basson, cor, trompette, tuba, timbales, percussion, harpe, piano, et les cordes. 1 000 - 1 200
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