Les deux hommes se connaissaient et s’estimaient depuis 1909, année où Apollinaire avait donné des poèmes rhénans à la Voile pourpre, revue alors dirigée par Chadourne. La guerre les avait à nouveau réunis dans de douloureuses circonstances, entre les murs blêmes de l’Hôpital italien et du Val-de-Grâce, où Chadourne tentait vainement de surmonter ses épreuves ; enseveli par un obus en juin 1915 dans les Vosges, porté disparu plusieurs jours, il avait subi un choc dont il ne se remettait pas. Apollinaire lui avait alors offert un exemplaire dédicacé d’Alcools et lui témoignait une admiration littéraire où la compassion entrait pour une moindre part. De la douleur de Chadourne avait jailli un chant pur, grave et profond, peut-être l’un des plus beaux et des plus subtils de la guerre*. La blessure avait fait de lui un autre poète mais elle eut raison de lui. En 1921, il entra en clinique pour ne plus en sortir, se mura dans sa douleur et mourut en mars 1925. L’article de Chadourne, qui approuvait et comprenait l’auteur d’Alcools, fut publié dans L’Europe nouvelle le 17 Août 1918 : « Apollinaire nous offre de la guerre une image presque voluptueuse. Il s’est plu à lui trouver une splendeur et, les pieds dans la boue, les mains transies, il regarde éclore des diamants au firmament nocturne. Dans cette misère, il sait encore se réjouir des formes, des sons et des couleurs. Et ce n’est pas une des moins merveilleuses ressources d’une âme de poète que d’oublier dans un parfum ou une clarté toute la tristesse de vivre. Mais il n’oublie pas la présence autour de lui des hommes et qui souffrent. » *Commémoration d’un mort de printemps, 1917. - Laurence Campa, Guillaume Apollinaire, Gallimard, 2013, pp. 721-722, 734-736. 15 26 (APOLLINAIRE). PICASSO (Pablo). Portrait de Guillaume Apollinaire en uniforme. EAU-FORTE D’APRÈS LE DESSIN DE PABLO PICASSO de 1916 gravée par René Jaudon. 14,7 x 9,5 (dimensions de l’image), 26,7 x 22,8 cm (dimensions de la feuille). Sous encadrement, baguettes de bois vieil or. 2 000/2 500 € Épreuve sur Chine dont le tirage n’aurait pas excédé une vingtaine d’exemplaires et une quarantaine en tout. Cette gravure accompagnait les exemplaires sur grand papier de Calligrammes (Mercure de France, 1918), en plus du portrait d’Apollinaire de profil, également de Picasso, gravé sur bois aussi par René Jaudon. Envoi autographe signé en bas à droite : Bien cordialement à Monsieur Mayr secrétaire des Feuilles libres, 10 février 1926, Jacqueline Apollinaire. W. Mayr, secrétaire de rédaction des Feuilles Libres, a par ailleurs publié un curieux livre en 1928 intitulé Le délire graphique et verbal. 25
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