N° 43 – Catalogue de vente du 27 juin 2025 10 11 Belle et importante relique manuscrite de cette société facétieuse qui opéra durant la première moitié du XVIIIe siècle, et réunit les personnages les plus illustres et les meilleurs esprits de la cour et de l’armée. S’il y eut vraisemblablement beaucoup de recueils manuscrits de ce genre qui circulèrent en parallèle de publications imprimées, cet exemplaire pourrait être la copie personnelle de Philippe Emmanuel de Torsac, l’un des deux fondateurs de la Calotte. En effet, l’ensemble des brevets transcrits dans ce recueil (nous dénombrons 113 pièces au total) mentionnant un auteur portent en introduction soit la mention « Nous, Emanuel Philipe de Torsac », soit « De par le dieu porte marotte / Nous général de la Calotte ». Le manuscrit est également truffé d’annotations en marge, qui précisent certains événements, identifient des personnages et livrent des clés de lecture. Pièce unique. 300 / 500 € 21. [ANONYME]. Thérèse philosophe, ou mémoires pour servir à l’histoire de D. Dirrag et de Mlle Eradice, avec l’histoire de Mme de Bois-Laurier. Nouvelle édition avec figures. Très rare édition pirate de ce grand œuvre libertin, production type du siècle des lumières, et considéré comme l’un des premiers romans pornographiques en langue française. Au Bazar, s.n., 1797. 2 vol. in-16 (13 × 9 cm), plein veau, plats encadrés d’un triple filet doré, dos lisse orné de fleurons, tranches dorées (reliure de l’époque). Coins usés, mors épidermés, autrement jolies reliures. À l’intérieur, après des gardes en papier marbré de l’époque, on trouvera dans le t.I aux ff. 7-8 et 9-10 le coin supérieur…. brûlé (!) et le f. 107-108 monté sur onglet. Rousseurs. Ouvrage illustré de 19 (sur 20) figures hors texte anonymes gravées à la manière noire, par Elluin d’après Borel nous dit Cohen. Très rare contrefaçon, à la date de 1797, de l’édition Cazin de 1785 (Cohen-409). La « Thérèse philosophe », ouvrage mythique dans sa catégorie, paru pour la première fois en 1748, est considéré comme l’un des premiers romans pornographiques en langue française. Paru de manière anonyme, son attribution a toujours été contestée mais hypothétiquement attribuée à deux auteurs qui s’en disputent la parenté : Jean-Baptiste Boyer d’Argens – c’est la thèse défendue par Sade – (fervent pourfendeur du christianisme, protégé du roi de Prusse, et auteur notamment des « Lettres juives ») et François-Xavier d’Arles de Montigny (« commissaire des guerres, aventurier, joueur & escroc »). Notre exemplaire porte d’ailleurs une mention manuscrite en page de titre du t.I optant pour cette dernière attribution. L’intrigue de ce roman est tirée d’un fait divers advenu en l’an de grâce 1731, « qui passionna la France et prit valeur de symbole au sein des querelles religieuses et anticléricales ». En 1728 à Toulon, une jeune mystique de 18 ans prénommée Catherine Cadière fait la rencontre du P. Girard, jésuite, qui devient son confesseur. Ce dernier, passionné par le cas spirituel de la jeune femme – qui présente des stigmates, souffre de visions, de convulsions, ne vit que pour la Sainteté – semble s’être également passionné pour son cas très terrestre. Le procès d’Aix-en-Provence en 1731 fera mention de viols, d’attouchements, d’avortement, de sorcellerie, de magie, etc. et fera le chou-gras des anticléricaux et des Lumières, jusqu’à Voltaire dans son poème de « La Pucelle d’Orléans », paru en 1752. Il est à noter que le nom des deux personnages de notre roman (Dirrag et Eradice) est une anagramme des noms des deux protagonistes de l’histoire réelle (Girard et Cadière). L’exemplaire de la BNF porte la cote « ENFER-140 »... grrr. Voir la reproduction. 400 / 600 € 20. [ANONYME]. Recueil de brevets du Régiment de la Calotte. Importante relique manuscrite du Régiment de la Calotte, société militaire et facétieuse qui eut cours à la fin du règne de Louis XIV. Il pourrait s’agir de l’exemplaire d’Emanuel Philipe de Torsac, l’un des deux fondateurs de l’ordre. S.l.n.d. (ca. 1730). 629pp., in-8 (23 × 17 cm), plein veau à plats encadrés d’un triple filet à froid, dos à 5 nerfs, caissons dorés aux petits fers, pièce de titre en maroquin rouge, tranches rouges (reliure de l’époque). Manque la coiffe de pied, accroc de 2 cm en coiffe de tête, plats tâchés et accidentés, coin inférieur du premier plat émoussé, intérieur frais. En frontispice les grandes armes du Régiment de la Calotte, dessinées à la plume bistre et au crayon, peintes à l’aquarelle et à l’encre dorée, surmontées de la devise « La lune nous conduit, Momus nous favorise ». Cette réalisation héraldique diffère des autres exemples que nous avons pu rencontrer, et présente une multitude de petits détails très amusants : deux singes portent le blason, coiffés l’un d’un tricorne et l’autre d’un galero de cardinal ; sur une large coupole qui survole les volutes du double médaillon courent deux petites souris, le museau dressé vers un drapeau jaune à croissant de lune rouge, portant à son faîte un astre noir entouré de rouge avec l’inscription « Astre [illisible] qui conduit le régiment ». Jetés au sol, sous la machine héraldique, un canon et sa poudrière faisant face à une mitre d’évêque : le ton est donné. Notice de Bertrand Picard sur la Calotte (1809) : « Vers la fin du règne de Louis XIV, M. de Torsac, exempt des gardes-du-corps, M. Aymon, porte-manteau du roi, et divers autres officiers, ayant un jour fait mille plaisanteries sur un mal de tête dont l’un d’entre eux souffrait extrêmement, proposèrent une calotte de plomb au malade. La conversation s’étant échauffée, ils s’avisèrent de créer un régiment composé uniquement de personnes distinguées par l’extravagance de leurs discours ou de leurs actions. Ils le nommèrent le régiment de la Calotte, en faveur de la calotte de plomb ; et d’un consentement unanime le sieur Aymon en fut aussitôt élu général. Cette burlesque saillie fut poussée si loin, que l’on fit faire des étendards et frapper des médailles sur cette institution. Les associés se mirent à distribuer des brevets en vers à tous ceux qui faisaient quelque sottise éclatante : ministres, princes, maréchaux, courtisans, abbés, dames de la cour, financiers, hommes de lettres, artistes, comédiens, personne ne fut excepté. Le brevet de la calotte devint alors une véritable censure des travers et des ridicules. Cet établissement ayant fait du bruit, on voulut d’abord le saper par les fondements : mais il para tous les coups qu’on lui porta, malgré le crédit de ceux qui s’intéressaient à sa destruction ; et les assauts redoublés de ses ennemis ne servirent qu’à le rendre plus florissant. Quoi qu’il en soit, la satire se donna peu à peu des libertés qui parurent dangereuses au gouvernement. Outre cela étant devenue un peu trop publique et un peu trop hardie par les fréquentes réimpressions des brevets, entre lesquels il s’en trouvait, ainsi que je viens de le dire, un grand nombre que l’on adressait aux premières personnes du royaume, on crut qu’il était temps de la supprimer : et pour arrêter la trop grande liberté de faiseurs de brevets, on fit non-seulement des recherches et des saisies, mais on emprisonna même quelques-uns de ceux qui se mêlaient d’en composer ou de les répandre. Ajoutons qu’on était vivement piqué de l’avide curiosité du public, et encore plus des railleries auxquelles les brevets donnaient occasion ; surtout ceux qui attaquaient les gens par des endroits vifs et sensibles, ou sur des fautes capitales dont les taches passaient à la postérité par le moyen de l’impression, et devenaient éternelles. » 21
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