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Missive portant en tête le nom de « Cocteau » et la mention « non envoyée », où Green éprouve le besoin d’écrire à son confrère tout l’amour qu’il lui porte sans jamais avoir osé le lui exprimer de vive voix. « … La lettre que tu vas lire semblerait absurde à tout autre que toi, mais je me sens poussé à te l’ écrire parce que depuis quelque temps je pense à toi plus qu’ à l’ordinaire et ce que tu as dit l’autre jour… me détermine à ne plus différer. Qui sait combien d’années… me restent ?... je veux faire comme si j’allais partir bientôt et te dire ceci, qui m’ importe énormément… il y a eu beaucoup trop de silence entre nous… je t’ai toujours aimé et admiré… ces choses que nous avons dans le cœur, il faut nous les dire… pendant qu’ il est temps. Après, le regret est trop amer… tu as le don merveilleux de la parole… je ne l’ai pas du tout… Pourtant tu es le seul écrivain que j’aie jamais tutoyé… », etc.

« … Ta pièce est magniﬁque. Si certaines personnes ne la comprennent pas, c’est parcequ’elles ne comprennent ni Phèdre, ni Andromaque. (Je ne parle même pas de Shakespeare ni de Goethe. Un jeune qui signerait leurs pièces courrait à l’ échec total). Jouer ces œuvres au lieu de déclamer leur ôte la patine. Elles effrayent. Pièce trop courte à force d’ être tendue… Je t’admire… ».

« …De toutes parts on me dit que ta pièce est admirable. Il me tarde d’ être descendu de mes échafaudages pour la voir… Je perche dans les courbes mystérieuses de l’abside – au bord de la mer où la petite chapelle romane de Villefranche m’abrite au milieu des tourments… ». Cocteau était alors occupé à décorer la chapelle des Marins de Villefranche-sur-Mer.

Cocteau, qui partage les peines de Green, lui conﬁe les siennes : « … écrivez-moi la mesure de votre peine pour que je la partage de toutes mes forces… » – « …Il y a donc encore des merveilles, des surprises du cœur ? J’en ai pleuré, mon cher Julien… je sais que vous ne me trouverez pas ridicule et que vous comprendrez… », etc. Il lui dit son admiration pour ses œuvres, les commente : « …J’ai été malade à cause d’orages mystérieux. Je vous lisais. Je vous aime. Je vous admire surtout dans ces minutes invalides où vous me faites vivre sans me distraire… » – « …La ﬁèvremonte…Je tourne la nuit et je n’arrive pas à faire ce que je veux faire. Ta pièce [Sud] est la seule chose qui brille dans ce Paris brumeux… » – « … Après votre livre [Suite anglaise] , ce n’est pas aux sœurs Brontë que je pense mais à la mort de leur frère… » – « ... je me trouve enfermé avec toi dans une chambre peuplée de tes admirables personnages et de ton audace plus noble que la pudeur… [Le Malfaiteur] » – « … le livre est d’un bout à l’autre d’allure sombre et magniﬁque… Quelle terrible pièce [Data ?] à charge dans le procès qu’on intente [à Sud] … Mais la pièce n’est terrible que parce que chaque phrase palpite… ». Quant à lui, il s’est mis à peindre (« … C’est l’acte de peindre que j’aime et non ce qui en résulte… »), et notamment la chapelle des Marins à Villefranche-sur-Mer (« … J’y ai mis tout mon cœur sans en imposer mon style… ») ; il tourne en Italie (« … de Turin à Rome j’ai coupé, ajouté, malaxé jusqu’ à ce que la salle ‘entende’ le moindre détail… » – « … La Comédie Française répète la 1 ère version de la Machine à écrire que j’avais perdue et qu’on a retrouvée dans une vieille caisse au Palais-Royal… », etc.

On joint deux dédicaces autographes signées de Cocteau à Green sur les pages de titre (détachées) de Requiem et Le Cordon ombilical , un billet autographe signé de Cocteau pour « … placer 3 personnes que j’aime – Green – et R. de St Jean… », un télégramme, trois cartes (deux imprimées, la troisième d’un proche de Green se plaignant auprès de lui du comportement de Cocteau), ainsi que trois très intéressantes minutes autographes de lettres aux contenus littéraires écrites de la main de Green et destinées à Cocteau (concernant la « La Machine à écrire , une phrase malheureuse du Malfaiteur , etc.)