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21 LÉVIATHAN

Manuscrit autographe signé et daté, environ 255 pages in-4, avec 6 dessins de Julien Green. Pages montées sur onglets dans une superbe reliure en maroquin bleu nuit signée G. Desnaux . Dos à cinq nerfs avec nom de l’auteur, titre et année « 1928 » en or. Plats intérieurs doublés de papier bleu encadré d’un double ﬁlet doré. Robert de Saint Jean imprimé à l’or ﬁn sur le premier plat. Etui assorti.

Ainsi qu’en témoigne à la ﬁn la mention « 16 Janvier 1928 – 1 er Janvier 1929 », Green mit une année entière à composer ce qui est sans doute son vrai premier chef-d’œuvre, roman terrible et désespéré par lequel son auteur dissipe quelques fantômes et parvient à nous attacher à ses personnages dont il décrit les vies minuscules et les destins implacables, traquant le banal et le lamentable sans rien ajouter de mystérieux. Ce manuscrit de premier jet, à l’écriture agréable et ﬂuide, garni d’impeccables lignes souvent raturées et corrigées, nous rappelle l’énergie et l’intransigeance de son auteur qui n’hésitait pas à retravailler inlassablement ses textes. Les dix pages reliées à la ﬁn sont des corrections ou ajouts à apporter au manuscrit ; Green a noté en tête de chacune d’elles le numéro de la page concernée. Quant aux dessins, pour la plupart légendés, ils représentent une femme ronde à l’allure peu sympathique, dans différentes situations (on retrouve cinq d’entre eux reproduits dans l’Album de La Pléiade consacré à Julien Green).

Après avoir lu Leviathan , Maurice Maeterlinck écrivit une longue lettre à Green le 30 avril 1929 [voir lot n° 182] : « Mon cher confrère, Je lis peu de romans, car à un certain âge on s’ intéresse médiocrement aux petites et éternelles questions sexuelles et sentimentales qui en forment le fond. Mais votre Léviathan c’est autre chose, et je l’ai lu sans désemparer comme si j’avais découvert tout à coup un Balzac souterrain qui promenait sa lampe de mineur dans des ténèbres bien plus épaisses que celles auxquelles nous sommes accoutumés. Et quelle belle lumière quand, par moments, il sort de sa mine et regarde le paysage ! ».

Quant à Drieu la Rochelle, ce sont quatre belles pages qu’il adresse à Green [voir lot n° 165] : « Mon cher Green, … Voici le livre de vous que je préf ère… Est-ce pour une bonne ou une mauvaise raison ?... La bonne, c’est que j’y trouve plus de maturité, de profondeur dans l’aisance… La mauvaise, c’est que je suis mal à mon aise dans les romans où règne… le naturalisme, le populisme. Enﬁn, je ne comprends rien aux romans qui décrivent les petites gens. Ici,… tout paraît naturel… ». Et plus loin de terminer : « … Vous êtes le meilleur romancier en avant de Mauriac et de Bernanos. Jouhandeau est trop vétilleux, Bernanos trop laborieux, Mauriac trop paresseux, que deviendra Malraux ? Il ferait mieux d’aller ailleurs, avec Montherlant… » !