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LE VISIONNAIRE
Manuscrit autographe d’environ 240 pages gr. in-4 montées sur onglets + une vingtaine de pages libres, formats divers. Superbe reliure en maroquin bleu nuit. Dos vert foncé à cinq nerfs. Double filet doré sur les tranches. Plats intérieurs doublés de papier bleu vif encadré d’un double filet doré. Robert de Saint Jean imprimé à l’or fin sur le premier plat. Auteur, titre et année « 1933 » en or sur le dos. Etui assorti en veau vert, intérieur en papier marbré.
« … C OMME DANS TOUS LES LIVRES QUE J ’ AI ÉCRITS JUSQU ’ À CE JOUR , CE RÉCIT N ’ EST QU ’ UNE SUITE DE DÉVIATIONS , CAR IL ME SEMBLE QUE
JE NE TROUVE UNE IDÉE DE ROMAN QUE POUR M ’ EN ÉCARTER DE PLUS EN PLUS À MESURE QUE J ’ AVANCE … ».
Précieux manuscrit de cette œuvre évocatrice témoignant du retour de l’inspiration mystique de Green que l’on retrouve dans toutes les premières œuvres de l’écrivain, comme le Pamphlet contre les catholiques de France et surtout Le Voyageur sur la terre . Publié chez Plon en 1934, Le Visionnaire fut composé à Paris entre le « 13 mai 1932 » et le « 27 septembre 1933 » – précision de l’auteur sur la dernière page du manuscrit, à côté de l’habituel mot « Fin » joliment calligraphié. Dédié sur la page de titre à Robert de Saint Jean.
Comme à son habitude, Julien Green s’est appliqué à rédiger son texte clairement, impeccablement ; les passages raturés, restés parfaitement lisibles, nous permettent d’entrer plus profondément dans la pensée de l’écrivain et d’en saisir les nuances. Certains passages, certaines pages, viennent en remplacer d’autres et les dos de nombreux feuillets ont servi à noter ajouts, citations, idées ou commentaires. En janvier 1949, au bas d’une feuille portant des notes griffonnées une quinzaine d’années plus tôt et intitulées « Prologue », Green nous renseigne quant au contenu fortement autobiographique de ce texte relatif à l’œuvre en question : « Le Visionnaire. L’ idée de ce prologue me vint alors que je me promenais dans le parc de Versailles et je m’assis aussitôt sur une chaise pour la noter – … Ici une partie du manuscrit est perdu. Mais les carnets de Manuel pourront suppléer à ce manque… je me promenais toutes les nuits au château. C’ était ma consolation… je n’ imaginais rien, je croyais. Cette croyance devint si forte qu’elle occupa mes nuits et bientôt une partie de mes journées. Un jour je détruisis les pages où je rendais compte de ma vie réelle, puis un carnet entier, et un autre, j’aurais détruit si j’avais pu ma vie même pour lui substituer une existence fantastique. Dans ces moments d’ incertitude, ma vie m’apparaît comme un échec, le jeu m’offrait une consolation suprême. Je me vengeais de ma vie en la recréant… », etc.
Dans certaines pages libres jointes (une agrémentée d’un dessin), dont cinq ont pour titre « Comment j’ai écrit ce livre », Green nous donne la genèse de ce roman inspiré par un court entrefilet lu dans un journal. « … En 1931, un étudiant se suicida [à Budapest]. Ce fait banal comportait un détail assez singulier, c’est qu’après s’ être tiré une balle dans la tête, le jeune homme avait trouvé la force de se laver le visage dans sa cuvette, puis il s’ était étendu sur son lit, où on le trouva mort. Un tel souci de propreté m’ intrigua au point que je finis par y voir la clef d’un personnage. Je ne regrettais pas que le journal fût si bref. Je supposais qu’ il s’ était assis à sa table, presque en face d’une armoire à glace qui lui renvoyait l’ image de tous ses gestes. Le coup parti, il regardait avec stupeur son visage où coulait déjà le sang. De tout cela presque rien ne subsiste dans [le roman] sinon la propreté en quelque sorte superstitieuse et presque maladive du personnage principal. Comme dans tous les livres que j’ai écrits jusqu’ à ce jour, ce récit n’est qu’une suite de déviations, car il me semble que je ne trouve une idée de roman que pour m’en écarter de plus en plus à mesure que j’avance. Mon intention était de mettre ce récit dans la bouche d’un des personnages, d’abord parce que l’usage de la première personne oblige l’auteur à une sincérité plus grande et que je voulais avant toute chose faire un livre sincère. On sait combien la première personne limite les ressources du romancier : il ne peut être partout à la fois comme le romancier qui emploie la 3 e personne, et cependant il est nécessaire qu’ il soit au courant des plus petits détails d’une action… et qu’ il instruise son lecteur sans avoir l’air d’en savoir plus que lui… Presque tous les romans dont on emplit les magasins des libraires sont écrits par des menteurs. Ce qui fait que nous soupirons en feuilletant un mauvais livre, c’est que nous prenons quelqu’un en flagrant délit de mensonge…», etc.
André Marchand, le peintre de la Nouvelle Ecole de Paris qui illustra Le Visionnaire publié aux Editions Grenier à sel (Paris, 1950), avoue qu’il lui a fallu un temps de décantation avant de se mettre au travail [voir lot n° 185] : « … J’ai travaillé trois années sur cet ouvrage… Le Visionnaire possède des pages éblouissantes. Cet ouvrage… est à mon avis une de vos œuvres les plus ‘ interdites’ – je veux parler du côté envoûtement des méandres étranges de la pensée des personnages. Mais il y a chez vous aussi la violence, et l’extrême subtilité du toucher, un sens religieux grave qui se dirige par instants vers la mort… considérée comme une porte lumineuse.. », etc.
Gabriel Marcel, après avoir relu Epaves et Le Visionnaire , écrivait en 1969 à Green : « … vous m’apparaissez comme le plus grand romancier qui ait paru depuis Dostoïevski. Je ne crois pas exagérer en vous disant cela… » [voir lot n° 186]
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