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37.
Jean COCTEAU
(1889-1963). L.A.S. « Jean », 11 octobre 1956, à Maurice G
oudeket
 ; 1 page in-4, enveloppe.
500/600
B
elle
lettre
sur
la
décoration
de
la
chapelle
S
aint
-P
ierre
à
V
illefranche
.
... « je ne me doutais pas de la tâche surhumaine que cette petite chapelle allait exiger de moi – et, en descendant de mes
échafaudages il m’arrive de m’étendre et de m’endormir comme une brute. Pendant deux mois j’ai dirigé les travaux qui ont fait de
cette vieille réserve à filets de pêche une admirable petite église romane. Ensuite, il m’a fallu modifier mes maquettes et pénétrer
dans le piège innombrable des courbes. Je n’en suis qu’au fusain d’où je sors, nègre (mon propre nègre). Mais, sur mes planches de
gymnaste, je pense bien souvent à toi, au Beaujolais, à notre cocktail de Véfour. Et mon pastis du quai, chez Germaine, me laisse
rêveur, en route pour notre coin, grâce à ce véhicule plus rapide que la lumière : la pensée. Bref – perché sans cesse je regarde en bas
le lac d’encre qui serait devenu de l’écriture si je ne peignais pas. [...] cette étrange besogne me procure une manière d’euphorie »...
38.
Jean COCTEAU
(1889-1963). M
anuscrit
autographe signé,
Du sérieux
, [1961]
; 13 pages in-4.
2.500/3.000
E
ssai
sur
le
sérieux
et
l
art
, publié le 1
er
avril 1961 dans la revue
Les Œuvres libres
(nouvelle série, n° 179) et en plaquette
aux Éditions Dynamo de Liège en 1961. Le manuscrit est soigneusement mis au net à l’encre bleue, et présente quelques ratures
ou corrections.
Cocteau déplore la disparition du respect dans l’approche du sérieux : en témoignent l’architecture moderne, l’absence de
style écrit…
a contrario
, il y a l’exemple de V
ermeer
, dont l’œuvre déroute parce qu’elle
trompe le sérieux
. « S’il fallait l’analyser,
je mettrais son énigme sur le compte du souci qu’ont les grands artistes de ne se servir du modèle que comme un prétexte à se
portraicturer eux-mêmes. C’est à cet auto-portrait qui domine textes et toiles qu’on reconnaît la famille des vrais poètes, qu’ils
écrivent, composent, peignent ou sculptent »… L’honnêteté et le sérieux consistent à s’exprimer jusqu’au bout de soi-même :
Cocteau cite en exemple le monde créé par P
icasso
, et il évoque le
Sacre du printemps
d’Igor S
trawinsky
et les réactions indignées
de la comtesse de Pourtalès… « Le sérieux est celui de l’artiste qui change des habitudes prises, non pas par un goût du scandale
qui n’entre pas dans ses préoccupations, mais par un ordre de sa personne secrète »…
Cocteau accuse le public de manquer de sérieux en acculant les créateurs à l’échec, et plaide en faveur du recul. « Un jour
que Picasso montrait une de ses toiles à un visiteur qui lui déclarait “ne pas comprendre”, il lui demanda s’il parlait le chinois,
et le visiteur répondant que non, il dit “Eh bien, cela s’apprend” ». Il cite aussi l’exemple de Misia S
ert
, qui, dans sa jeunesse
s’ennuyait à Bayreuth au
Crépuscule des Dieux
, qu’elle trouvait trop long : « Alors un vieux monsieur, placé derrière elle, se penche
et murmure “C’est peut-être vous, jeune dame, qui êtes trop courte” »… Il cite encore Anatole France, et Monsieur Bergeret qui,
trouvant incompréhensible un poème de Roux, serre longuement la main du poète « 
par crainte d’offenser la beauté inconnue
 »…
« L’existence d’un artiste est une longue crise. Comment serait-elle lisible à ceux qui n’attendent de l’art qu’une agréable
détente ? Le drame de l’art est qu’il choque la race qui s’en délectera dans la suite. S’il ne la choque point au préalable, c’est qu’il
a ses roses trop ouvertes et promptes à se faner. Il importe de se mettre en face de tels problèmes, de les méditer avant le verdict.
[…] Il importe de ne pas défenestrer inconsidérément le travail des hommes qui se ravagent pour la jouissance de leurs semblables.
Il importe d’apprendre à se réveiller en sursaut et de refreiner le réflexe qui nous pousse à considérer en ennemis ceux qui nous
réveillent. »
39.
Louise COLET
(1810-1876). 2 L.A.S., 1857-1868 ; 4 pages in-8 chaque.
200/250
Jeudi soir [10 juillet 1857]
. Malgré une santé déplorable, elle travaille, elle promet de la copie ; elle s’informe de son article qui
doit paraître dans
Le Monde illustré
. Elle évoque l’agonie de B
éranger
(qui devait mourir le 16 juillet) : elle écrira un article « sous
le coup de la cruelle nouvelle » et pourra citer des fragments de lettres qu’elle possède... –
[1868]
, à une dame, sur la mort de
Madame Victor H
ugo
dont elle vient de recevoir une photographie sur son lit de mort... Elle trouve refuge dans le travail, écrivant
« sans désemparer mon roman de
Cybèle
qui j’espère sera une œuvre ». Elle parle de S
ainte
-B
euve
 : « son esprit me charme », elle
vante ses délicatesses envers les femmes... et elle incite son correspondant à lire les articles qu’il vient de publier dans le
Moniteur
sur la correspondance de Lamennais... O
n
joint
la copie d’un
Sonnet
inédit et de pensées par G. Sand et L. Veuillot sur un album.
Ancienne collection Daniel S
ickles
(XV, 6229).
40.
Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de CONDORCET
(1743-1794). L.A.S., [Lisieux] ce 25 [septembre 1783],
à M. de V
illars
 ; 1 page in-8, adresse, cachet cire rouge aux armes.
1.300/1.500
L’abbé B
ossut
étant parti, il lui demande des nouvelles de
d
’A
lembert
. « Imaginez que je n’ai aucune nouvelle de lui, la
mort de mon oncle qui etait eveque ici m’a forcé de partir sur le champ de La Rocheguion. [...] je suis tout inquiet et tout eperdu.
Racontez, je vous prie, tous mes malheurs à M. d’Alembert. J’etais bien tranquille composant l’éloge de V
aucanson
, lorsqu’il m’a
fallu partir en poste accourir ici pour entendre parler, de messes a dire, de convoi, d’economats, de scellés &c &c. Enfin imaginez
que je vous écris d’un corps de logis tandis que dans celui qui est vis à vis mon oncle exposé dans la chapelle est l’objet de la piété
de tous les capucins et de la curiosité de tous les poliçons du pays »...
Ancienne collection Robert G
érard
(1996, 135).