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Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire et l’Académie eussent aimé le posséder ; il est en contradiction avec Beltrami « au sujet de la double
patte surnuméraire qu’il regarde comme un vrai bras donné à l’animal par la Providence »… Réponses aux questions de Geoffroy
Saint-Hilaire…
Paris 13 août 1832
. Protestation de B
eltrami
 : le lézard bicéphale est à lui, et non à « l’illustre académicien » qui
refuse de le lui rendre…
Les notes de G
eoffroy
S
aint
-H
ilaire
montrent l’intérêt du savant pour la tératologie ; elles portent toutes un titre :
Sur
le lézard bicéphale des Pyrénées qui a vécu 5 mois
, avec des variantes, dont une plus développée :
Sur un lézard à deux têtes
contemporain de la fille à deux têtes de Sardaigne, et qui a vécu comme elle durant une demi-année
. Il y expose comment il fut
nommé par l’Académie pour faire un rapport sur le lézard découvert par Rigal, et présenté par Beltrami. M. Rigal lui ayant fourni
« tous les éclaircissemens désirables, il ne s’est plu à me répondre, a-t-il ajouté, que sous la condition que j’accepterois pour
moi, pour la collection particulière son petit lézard, il ignoroit que pour n’avoir jamais d’intérêts en opposition à mes devoirs
d’administrateur de la collection publique, je me suis interdit de posséder en propre aucun objet d’histoire naturelle »…
78.
Théodore Géricault
(1791-1824). L.A.S., Florence 16 octobre [1816], à son ami Pierre-Anne D
edreux
, architecte
pensionnaire à l’École française à Rome ; 3 pages in-4, adresse.
8.000/10.000
T
rès
belle
et
rare
lettre
au
début
de
son
séjour
en
I
talie
,
en
voyage
vers
R
ome
.
Sous très peu de jours il aura le plaisir d’embrasser son ami. « Vous êtes le plus près de moi maintenant, que j’ai quitté mes
parents et votre cher frère [le peintre D
edreux
-D
orcy
] : aussi vous accablerai je de mon amitié, j’ai un besoin de voir quelqu’un
de connaissance que vous devez imaginer. Voila près d’un mois que je suis séparé de tout le monde je n’ai vu depuis ce temps que
des indifférents [...] Nous pourrons parler ensemble de ce que nous avons laissé l’un et l’autre, de nos plaisirs et de nos peines de
la patrie aussi car elle devient bien chère quand on en est sorti. Nous passerons ainsi notre temps et puis en travaillant beaucoup
on arrive plus facilement à l’époque du retour »...
Il compte sur son ami pour l’initier à l’italien : « je veux l’apprendre aussitôt à mon arrivée pour ne plus éprouver le détestable
embarras de ne pouvoir me faire entendre des autres et de ne les entendre pas eux mêmes ». Il aimerait aussi que Dedreux lui
trouve « une petite chambre bien économique car ce n’est pas en loyer qu’il faut dépenser son argent à Rome, [...] soit une pension
chez une bonne et honnête famille soit chez un aubergiste peu m’importera. Il est peut être nécessaire aussi d’avoir un atelier »...
Il espère que Dedreux-Dorcy viendra les rejoindre au printemps. Il salue divers amis : Picot, Vinchon... Il apporte à Dedreux des
habits, dont un pantalon collant : « apprêtez vous à faire belle jambe [...] Mon père vous dit mille choses et se flatte que vous serez
mon mentor, mais si j’en crois quelques bruits j’aurai peut être plutot besoin d’être le vôtre je promets au reste d’en bien remplir
les fonctions et tout ce qui me paraitra repréhensible je le blâmerai »...
79.
Jean GIRAUDOUX
(1882-1944). M
anuscrit
autographe signé,
Sur les Liaisons Dangereuses
, [1932] ; 22 feuillets
petit in-fol. montées sur onglets et interfoliés de papier vélin, relié en un volume petit in-fol. demi-maroquin
bordeaux grain long à coins, tête dorée, non rogné (
Semet & Plumelle
).
3.000/3.500
P
réface
pour
L
es
L
iaisons
dangereuses
de
C
hoderlos
de
L
aclos
, aux Éditions Stendhal, en 1932.
Ce manuscrit, qui présente quelques ratures et corrections, est écrit au verso de papier à l’en-tête de la
Commission d’Évaluation
des Dommages subis en Turquie
.
Cette brillante et subtile étude s’ouvre sur un admirable tableau de la littérature et de la sensibilité de la fin du XVIII° siècle :
« Vers 1782, le siècle finissant pouvait espérer ne laisser aucune preuve trop scandaleuse de sa liberté. Ce qu’il allait léguer au
siècle nouveau, après soixante années de sécheresse et de rouerie, c’était Manon Lescaut et la Nouvelle Héloïse. Une Moll Flanders
parfumée et enrubannée, deux héros naïfs et d’ailleurs suisses, tels allaient être pour la postérité les tableaux de famille officiels
de Lassay ou de Richelieu. Il est des sortes de civilisation qui ont été des secrets, qui sont restées des secrets, que n’ont trahies
aucun des milliers ou des millions d’êtres qui participaient d’elles. L’évidence du XVIII
ème
siècle, la franchise de ses mœurs, le
complet devêtement d’âme auquel il était parvenu risquaient de rester des secrets, grâce à la courtoisie et à l’obséquiosité de la
courtoisie orale, ainsi qu’à la connivence, achetée ou inconsciente; des écrivains »... Mais, à la parution des
Liaisons dangereuses
, « la
mauvaise réputation du siècle fut commencée », et ce livre reste « le seul roman français qui vous donne l’impression de danger »...
Giraudoux analyse « les secrets de cette virulence », d’abord dans « le caractère tout particulier de la vocation de moraliste chez
Laclos ». Giraudoux retrouve dans Laclos la rapidité, le style, la poésie, la concision et la cruauté de Racine...
Et il conclut : « Je crois que l’on comprend maintenant le virus des
Liaisons
et la raison pour laquelle elles effarent. C’est
que tout, caractère et action, y va là où le français n’aime pas beaucoup qu’ils se dirigent, au déchainement. Cette lutte de
l’auteur avec ses personnages, leur lucidité et leur crépitement dans l’atmosphère exaltée où ils vivent, provoquent en eux un
déploiement et une conviction auquel tous les héros français s’étaient refusés. S’ils finissent par l’empoisonnement, par le suicide,
par l’internement ou la petite vérole, ce n’est pas parce que le méchant doit être puni. C’est parce qu’ils vont jusqu’au bout, et que
le mal finalement rejoint la maladie, l’esprit de domination et de certitude la mort. Les bons d’ailleurs ne s’en tirent pas mieux.
En cela ce livre retardataire est un livre de précurseur. Pas précurseur certes pour la France, où il reste encore unique. Mais il est
à croire que la constatation d’une analogie entre Valmont, Mme de Merteuil, la petite Volanges et d’autres héros aussi célèbres
mais étrangers et plus récents viendra subitement à l’esprit et s’y imposera, en dépit de toutes autres différences, si nous disons
d’eux que ce sont des “possédés” ».
Ancienne collection D
u
B
ourg
de
B
ozas
(ex libris).
Reproduction page 39