Page 40 - cat-vent_ader21-02-2013-cat

Version HTML de base

38
80.
Eugénie de GUÉRIN
(1805-1848). L.A., St Martin 25 décembre [1840]-8 janvier [1841], à
son
père
Monsieur de
G
uérin
au château du Cayla ; 4 pages in-4, adresse.
700/800
B
elle
et
longue
lettre
familiale
.
Ayant passé Noël dans le Nivernais, chez les Sainte-Marie, elle en fait le récit à « mes chers habitans du Cayla »... Elle est
allée à Nevers, partira pour Paris vers le 15 janvier. « J’ai quitté St Martin comblée d’amitiés et de jolis étrennes, une chaîne de
montre, une paire de jolies mitaines, des ciseaux anglais et des aiguilles [...] le tout enfermé dans une précieuse cassette longtemps
remplie de lettres de Maurice ». B
arbey
d
’A
urevilly
lui a écrit « une bien bonne et triste lettre. Le pauvre jeune homme est sans
position et cherchant à s’en faire une. C’est la vie la plus malheureuse, la plus tracassée, la plus agitée [...] depuis des mois il ne
sait où prendre le temps de penser, ni de rien faire. [...] il aurait mille choses à me dire de Mme S
and
chez qui il ne va presque plus
et qui s’est lancée dans un monde politique abominable ». Eugénie a entendu dire que son père allait accepter d’être maire : « ce
sera seulement ennuyeux », elle aimerait que ce soit quelqu’un « plus de sur » qui s’en charge. Elle termine sa lettre en s’adressant
à sa « chère Mimi »...
Ancienne collection Daniel S
ickles
(XVI, 6853).
81.
Maurice de GUÉRIN
(1810-1839). L.A.S. « Maurice », au Cayla 15 octobre [1831], à son ami Charles L
efebvre
de
B
écourt
 ; 3 pages et quart in-4, adresse (petit trou par bris de cachet).
4.000/5.000
M
agnifique
et
très
rare
lettre
du
jeune
poète
amoureux
,
mort
à
vingt
-
neuf
ans
.
... « Je me trouve dans un de ces accès d’inexorable ennui qui consument comme une fièvre. [...] à ce mal se joint un mal
aussi profond et plus incurable, peut-être »... Il revient de Rayssac [château de son grand amour, Louise de B
ayne
] : « c’est là que
gît mon rêve depuis deux ans. J’ai été où aspiraient mes pensées, mes yeux ont vu ce qu’ils cherchaient, mon âme s’est remplie
comme elle le voulait. Oh, oui, pendant huit jours j’ai senti la plénitude du bonheur, s’il y a bonheur à respirer une haleine qui
dévore comme un feu brûlant, s’il y a du bonheur à se dire des mots qui vous restent ensuite comme des poignards dans le cœur.
Cette âme est bien ce qu’il me faut ; oui, je crois qu’elle répondrait bien à la mienne, qu’elle la comprendrait [...] Mais je n’aime
que pour me désespérer, et l’amour que je me plais à placer au ciel, me vient, à moi, de l’enfer. [...] Ennui sur ennui, voilà le fin
mot de tout. Si je vis long-temps, j’irai, je crois, jusqu’aux portes du désespoir ; Dieu me fasse la grâce de ne pas y frapper. Le
vent d’autan rugit comme un tigre à travers les croisées. Oh, comme il est en harmonie avec mon âme. Il y a quelque chose qui
gémit profondément dans ce vent ; il me semble entendre la voix de la plainte universelle, il me semble que tous les soupirs du
genre humain flottent sur ce souffle. Les idées bondissent dans ma tête comme des lions furieux et puis elles retombent froides
et mortes : c’est là ma vie »...
Il doit revenir bientôt à Paris, passer « cette année hideuse de quatre ou cinq examens », et être précepteur des enfants de
son cousin.
L’Avenir
a publié sa « pièce de vers sur la Pologne » qu’il avait adressée à L
acordaire
 : « Ce brave homme est plein de
bonnes intentions pour moi ; mais je crois bien que je l’ennuie [...] Rien au monde ne m’est plus suspect que des éloges. Mais,
au fait, pourquoi fais-je des vers ? [...] J’en fais, comme je t’écris cette lettre, pour me décharger, pour me débarrasser d’idées qui
m’obsèdent. Et cependant je ne suis pas poète ; non, de par Dieu, je ne le suis pas ; je ne suis qu’une ébauche d’homme »...
Œuvres complètes
(éd. M.-C. Huet-Brichard, Classiques Garnier), p. 573.
82.
Joseph-Ignace GUILLOTIN
(1738-1814) médecin et député, promoteur de la guillotine. P.A.S., avec apostille a.s.
de Raphaël-Bienvenu S
abatier
(1732-1811), chirurgien en chef des Invalides, Paris 18 ventose XII (9 mars 1804) ;
1 page et demie in-fol. sur papier avec timbre fiscal (portrait joint).
600/800
C
ertificat médical
délivré au citoyen N
owell
, médecin résidant à Boulogne sur Mer, venu consulter à Paris pour un ulcère
fistuleux au côté droit qui s’est formé à la suite d’une pneumonie, causant vomissements, fièvre et amaigrissement. Guillotin
pense qu’il doit « renoncer à l’exercice de son état, aller respirer l’air natal, vivre de régime, et faire usage de très peu de médicamens
[...] le seul moyen d’adoucir un mal aussi fâcheux »... Cette attestation est certifiée par Sabatier.
83.
Victor HUGO
(1802-1885). L.A.S., Hauteville House 20 décembre 1859, à G
eorge
S
and
à Nohant ; 2 pages in-4,
adresse avec timbre et marques postales (papier fin, corrosions d’encre).
3.000/4.000
M
agnifique
lettre
sur
l
exécution
de
J
ohn
B
rown
(l’abolitionniste a été pendu aux États-Unis, malgré les appels de Victor
Hugo).
« Je vous remercie de vos charmantes et magnifiques paroles. Vous me parlez de la
Légende des Siècles
en termes qui
enorgueilliraient Homère. Je suis heureux que ce livre ait fixé quelques instants votre beau et calme regard.
En ce moment j’ai l’âme accablée. Ils viennent de tuer John Brown. L’assassinat a été commis le 2 décembre. Leur sursis
annoncé était une infâme ruse pour endormir l’indignation. Et c’est une république qui a fait cela ! Quelle sinistre folie que d’être
propriétaire d’hommes, et voyez où cela mène ! Voilà une nation libre tuant un libérateur ! Hélas ! j’ai vraiment le cœur serré.
Les crimes de rois, passe ; crime de roi est fait normal ; mais ce qui est insupportable au penseur, ce sont les crimes de peuple.
Je relis votre admirable lettre avec charme et consolation. Vous aussi, vous avez vos épreuves. Elles augmentent, pour moi qui
vous contemple souvent, la douce et fière sérénité de votre figure.
Je vous respecte et je vous admire ».