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143.
Marcel PROUST
(1871-1922). L.A.S « M » avec
dessin
, [15 juin 1905], à
sa mère
 ; 3 pages in-8, papier deuil (petits
défauts).
5.000/7.000
À
propos d
une
exposition
W
histler
à l’École des Beaux-Arts, Proust énumère les tableaux les plus remarquables : « à gauche
regarde soigneusement de petites vues de Venise, rues, cours, dos ; à droite également Venise et de petites marines ; puis entre
dans la salle qui est devant toi [...] à ta gauche et à ta droite deux tableaux représentant des voiles sur un port, le soir ; et à côté des
feux d’artifice ; sur le mur de droite le Portrait de Miss Alexander ; sur le mur de gauche Valparaiso. Il y a une autre salle à droite
[...] Regardes y les Hollande, les choses genre Estampes japonaises et une chambre avec des rideaux clairs et trois personnages,
et une femme au piano. Et une salle à gauche regardes y la Tamise gelée, le Portrait de Sarasate, un grand portrait de sa femme.
J’oublie presque tout. En bas regarde les eaux-fortes »... Et
il
dessine
le
plan
des
salles
.
Correspondance
(éd. Ph. Kolb), t. V, n° 112, p. 219.
144.
Marcel PROUST
(1871-1922). L.A. (minute), [fin octobre 1921 ?, à André L
ang
] ; 1 page petit in-4 (petite déchirure
au bas du feuillet sans perte de texte).
3.000/4.000
R
éponse
à
une
enquête
sur
les
écoles
littéraires
et
la
reconnaissance
du
génie
.
[Proust avait décliné une interview et demandé à André Lang de lui poser sa question par écrit ; il fait ici le brouillon, qui
semble
inédit
, de réponse à la question : Y a-t-il encore des écoles littéraires ? Il modifiera son texte, en l’abrégeant, consacrant la
plus grande partie de sa lettre à une autre question sur le roman d’analyse et le roman d’aventures ; sa lettre paraîtra le 26 février
1922 dans
Les Annales politiques et littéraires
(
Correspondance
, t. XX, p. 496).]
… « Je crois que les écoles représentent seulement le temps nécessaire à un homme de génie pour qu’on le comprenne.
Aussitôt l’école se dissout et le nouveau maître vient prendre rang à côté des anciens qu’il continue. Ce temps peut être fort long.
Aucune crise de politique intérieure, aucun conflit extérieur n’étonnent, quand on pense qu’
Olympia
, si bien en harmonie avec
les Ingres du Louvre fut l’œuvre proscrite, l’horreur devant laquelle se révoltaient les meilleurs juges de l’époque. J’aime à redire
que le poète condamné B
audelaire
fut le plus racinien des poètes. Sans doute l’un des deux poètes – c’est R
acine
que je veux
dire – est plus immoral que l’autre. Mais le style est le même. Bien entendu, ne devant rien à personne, leur apport diffère, plus
important chez Racine en ce qui touche l’accumulation des vérités psychologiques, chez Baudelaire en ce qui concerne les lois
de la réminiscence. Celle-ci du reste me plaît mieux chez C
hateaubriand
, chez Gérard de N
erval
, où on la voit brusquement se
produire, déroutant le récit. Elle tient plus de place chez Baudelaire, mais à l’état statique. »
145.
Jean-Louis-Armand Bréau de QUATREFAGES
(1810-1892) naturaliste et anthropologiste (Académie des
Sciences). L.A.S., Paris 21 novembre 1859, à François B
uloz
, directeur de la
Revue des deux mondes
 ; 16 pages in-8.
300/400
T
rès
longue
et
intéressante
lettre
Q
uatrefages
développe
ses
idées
politiques
à
propos
de
l
’A
ngleterre
.
Il n’est pas d’accord avec la tendance anglophile de la
Revue des deux mondes
, mais n’est certes pas belliciste : « une guerre
entre la France et l’Angleterre marquerait un temps d’arrêt dans les progrès généraux de l’humanité ». Mais c’est une nation qui
« écrase les faibles », « opprime les nationalités » ou même « les anéantit », se montre « toujours envieuse » du moindre avantage qui
peut nous échoir, et se réjouit quand un événement peut nous affaiblir. « Ils savent se déclarer satisfaits seulement devant ceux
qui au besoin sont prêts à leur montrer les dents » ; ainsi ils ne se brouilleront pas avec les États-Unis. « Que la France soit ferme
vis-à-vis de l’Angleterre ; et alors la paix sera assurée » ; car l’Angleterre, dans la guerre d’Italie, a contrecarré la politique française
et ne cachait pas ses sympathies pour l’Autriche... Etc.
146.
Alphonse RABBE
(1784-1829). L.A.S., 28 avril [1825], à V
ictor
H
ugo
 ; 4 pages in-4, adresse (petit trou par bris
de cachet).
1.000/1.200
R
are
et
intéressante
lettre
relative
à
son
R
ésumé
de
l
histoire
de
R
ussie
,
dont
V
ictor
H
ugo
a
proposé
de
faire
un
compte
rendu
dans
la
Q
uotidienne
[Victor Hugo écrivit en effet ce compte rendu, mais il ne fut pas publié.]
Rabbe donne à Hugo quelques conseils : « Je pense que vous pourriez, pour éviter le mot qui doit le plus choquer les oreilles
de la Quotidienne appeler mon
résumé
précis ou histoire, en tête de votre article, sans donner le motif de cette altération volontaire
du titre : si bien que cette innocente supercherie serait prise pour une distraction [...] Vous allez me trouver bien ridicule de vous
conseiller, comme si je ne devais pas m’en rapporter uniquement à votre sagesse et à votre jugement qui vaut mieux que le mien.
Mais vous m’excuserez parceque je suis dans toutes les sollicitudes du premier moment d’une publication. Vous pourrez dire en
toute assurance qu’il y a plus de substance dans mon volume in-18 de 700 pages que dans les 6 vol. de Levesque [...] J’ai traité
avec plus de développement que lui et surtout avec bien plus de sincérité, certaines époques d’un grand intérêt comme le règne de
Catherine. Si pour les premières époques je n’ai pas eu la ressource de consulter les écrivains nationaux, ainsi que je l’ai fait pour
mes résumés d’Espagne et de Portugal, cette ressource n’a pas manqué depuis le regne de Pierre le Grand, parceque depuis lors
presque tout a été écrit en français et en allemand. Et j’ai beaucoup consulté les Allemands. [...] Enfin et ceci serait pour expliquer
et excuser mon éloge dans la Quotidienne, tout en reconnaissant que je n’ai pas tant de dévergondage libéral que mes confreres en
résumé, m’adresser quelques severes critiques et tancer vertement certains passages », notamment un qu’il signale. Il exprime par
avance sa reconnaissance : « mon attachement pour vous est si vrai [et si] vif qu’il me parait impossible qu’un sent[iment] excité par
un motif intéressé puisse l’accroitre ». En post-scriptum, il commente la nomination de Victor Hugo dans la Légion d’honneur :
« Quelque peu de cas que je fasse des décorations, lorsqu’elles sont ainsi placées je les honore ».
Les autographes d’Alphonse Rabbe, qui s’est suicidé à quarante-cinq ans, sont d’une
grande
rareté
.
Album d’un pessimiste
, suivi du
Portefeuille d’un pessimiste
(éd. Ed. Roditi et J.R. Dahan), José Corti 1991, p. 279.
Anciennes collections Jacques G
uérin
(III, 63), puis Daniel S
ickles
(XIII, 5477).