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trouvons toutes nos calèches au milieu de la rue et 8 grandes maisons voisines de la nôtre, jettant aussi des flammes à 60 pieds de
hauteur et couvrant de charbons larges comme la main, la maison qui était à nous depuis quelques heures, nous en fîmes percer
le toit en 5 ou six endroits et nous y plaçâmes, comme dans des chaires à prêcher, une demi-douzaine de grenadiers de la garde,
armés de longues perches, pour battre les étincelles et les faire tomber. M. D. [D
aru
] prenait soin de tout. Grande activité, fatigue,
tapage jusqu’à minuit. Le feu avait pris 3 fois à notre maison, nous l’avions éteint. Notre quartier général était dans la cour, d’où
assis sur de la paille nous regardions les toits de la maison et des dépendances indiquant par nos cris les points les plus chargés
d’étincelles à nos grenadiers. Nous étions là Mrs D– [D
aru
], le C
te
D
umas
, Besnard, Jacqueminot, le g
al
Kirgener, tous tellement
harassés que nous nous endormions en nous parlant […] Enfin parut ce dîner si désiré ; mais, quelqu’appétit que nous eussions eu
jusqu’alors, n’ayant rien pris depuis 10 h. du matin, il était très plaisant de voir chacun s’endormir sur sa chaise, la fourchette à
la main. Je crains bien que mon énorme histoire ne produise le même effet. Daignez me le pardonner, Madame, et la brûler parce
que nous sommes convenus que le Bulletin seul doit parler de l’armée. Mlle de Camelin reconnaîtra mon goût pour les journaux,
mais comme nous manquons tout à fait d’encre et qu’il faut la faire à chaque fois qu’on trempe la plume, c’est la première lettre
que j’écris […] L’Armée a encore poussé les Russes de 4 lieues cette nuit. Nous voilà à 86 lieues de Moskou »...
O
n
joint
une L.A.S. de Félix F
aure
à Crozet, 24 août 1846, lui envoyant cette lettre : « Beyle écrivait son journal en forme
de lettres, lesquelles lettres, il adressait tantôt à sa sœur, tantôt à vous ou à moi. […] Du reste, ces lettres […] sont devenues très
difficiles à lire […] ce sont pour moi de véritables hiérogliphes pour lesquels il me faudrait un autre Champollion »… ; plus deux
chemises rédigées par Romain Colomb.
Correspondance
, Bibl. de la Pléiade, t. I, p. 654. Ancienne collection Jacques G
uérin
(V, 51).
179.
Henri Beyle, dit STENDHAL
(1783-1842). M
anuscrit
autographe,
Florence 11 juin 1819 
; 1 page in-4.
2.500/3.000
P
age
du
J
ournal
,
après
avoir
été
repoussé
par
M
atilde
D
embowski
.
[Stendhal était venu à Volterra retrouver Matilde, loin de qui il ne pouvait plus vivre mais à qui il déplut ; il quitta Volterra
et se réfugia à Florence].
La page porte, calligraphiée en grosses lettres, la date fatidique : « F
lorence
11
juin
1819 ». Puis plus bas : « 11 Juin. Je suis
arrivé mort de fatigue à 4 heures 1/2, j’étais parti de V. à 4 h. du matin avec 2 chevaux. Je ne suis monté qu’au bas de la jolie
descente de V. au milieu de bouquets de chèvrefeuille qui embaumaient, le soleil se levait. à 7 h. au Castagno après une traversée
indigne, 8 miles, à midi et demi à Empoli ».
Œuvres intimes
(éd. V. Del Litto), Bibl. de la Pléiade, t. II, p. 33. Ancienne collection Daniel S
ickles
(XIII, 5551).
180.
Charles Maurice de TALLEYRAND
(1754-1838). L.S., Paris 1
er
floréal VIII (21 avril 1800), au général B
eurnonville
,
envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République française à Berlin ; 1 page et demie in-fol., en
partie chiffrée avec déchiffrage dans les interlignes.
200/250
Talleyrand commence par assurer le diplomate que malgré les lois et arrêtés qui régissent les finances des Affaires Étrangères,
l’intention du Premier consul est que ses services et dépenses extraordinaires soient pris en considération… Puis, adoptant le
chiffre, il confie : « Ce que vous marquez des dispositions de la Russie nous a été confirmé par des avis du Nord qui paraissent
authentiques. Les derniers papiers anglais laissent penser même assez clairement qu’il y aurait un refroidissement sensible entre
les deux cours de Londres et de Pétersbourg. – Je regarde donc que la circonstance serait favorable aux ouvertures que la Prusse
s’était chargée de faire en notre nom et je vous invite à suivre vivement cette affaire »…
181.
François TALMA
(1763-1826). L.A.S. (paraphe), Paris 14 octobre 1810, [à Madame de S
taël
] ; 2 pages 3/4 in-4.
1.200/1.500
T
rès
belle
lettre
à
G
ermaine
de
S
taël
,
qui
a
consacré
à
l
acteur
un
chapitre
dans
D
e
l
’A
llemagne
.
Il s’excuse longuement de ne pas avoir écrit plus tôt à sa « chere Iphigenie », invoquant ses courses à la campagne, son
déménagement, ses études... On lui a communiqué l’article qu’elle lui a consacré dans son livre, et il exprime sa reconnaissance
« pour le soin aimable et fraternel que vous avez pris à saisir l’occasion de parler de moi dans un ouvrage où je ne devois pas être.
Grâces à vous, chere Iphigénie, me voila en chemin pour la Posterité, que tant de titres vous assurent à vous. Votre imagination
si féconde et votre amitié m’ont prêté tout ce qui me manquoit pour y arriver. Nous autres qui n’avons pas d’avenir, nous ne
pouvons nous flatter d’aller si loin à moins que quelque grand personnage ne veuille bien nous prendre à sa suite » ; ainsi Cicéron
et Roscius, Voltaire et Lekain ; « et moi je pars avec la femme la plus brillante d’esprit et d’imagination qui jamais ait existé ».
Il est persuadé que justice sera rendue à Mme de Staël, à qui il veut faire cependant deux légères observations : il rectifie les
circonstances d’une réplique ; il conseille la suppression de l’expression
Midi rêveur
, « si la suspension momentanée de votre
ouvrage vous donne les moyens de la supprimer ». Il parle de sa santé : « Je deviens rond comme un moine, à ce qu’on dit ; mais
il y a là dessous des nerfs et des agitations qui me tourmentent presque continuellement. La moitié du jour je suis une espece
d’imbécille et incapable de rien faire si ce n’est de végéter et cela me rend encore plus paresseux et plus négligent ». Il termine :
« Adieu, ma chere Iphigénie, votre Oreste est à vos genoux, et si parfois son esprit a des absences, son cœur du moins ne cesse pas
de sentir un instant combien il vous aime »...