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117.
Marcel PROUST
. L.A.S. « Ton Marcel », Grand Hôtel Cabourg [18 juillet 1908], à Louis d’A
LBUFERA
; 3 pages in-8
(petit deuil, cachet de réception).
5.000/6.000
« Un mot quoique malade pour te dire que je suis parti brusquement pour Cabourg après avoir cherché inutilement – jusqu’ici
mais je n’ai pas renoncé – un petit âne nain pour le jeune Louis [fils d’Albufera]. Le Jardin d’Acclimatation d’une part m’a répondu
qu’il n’en vendait pas et d’autre part qu’au marché aux chevaux à supposer que j’y trouve mon affaire si je n’étais pas accompagné
de personnes compétentes je serais exposé à envoyer un âne vicieux etc. Je cherche à entrer en relation avec un paysan du Berri ce
qui est paraît-il le mieux. […] Ici, où je suis arrivé il y a quelques heures je me suis mis au lit avec une assez forte fièvre et sans doute
pour plusieurs jours, de sorte que je n’ai pu songer à voir encore personne. D’ailleurs j’attendrai pour cela tes instructions et aussi
les costumes que je me suis commandé au Carnaval de Venise et qui sont assez carnavalesques en effet. Robert de M
ONTESQUIOU
qui était venu m’apporter son livre sur Yturri a vu chez moi les échantillons, les a déclarés très laids, mais j’ai appris que le
lendemain il était allé s’y commander deux costumes. Cela me fatigue tant d’écrire que je te quitte en te redisant mon immense
affection et ma honte de la touche que je devais avoir devant ta ravissante femme, titubant de caféine, l’air du “mendiant fou” »...
Correspondance
(éd. Ph. Kolb), t. VIII, p. 183.
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118.
Marcel PROUST
. L.A.S. « Marcel », [12 ou 13 octobre 1908], à Louis d’A
LBUFERA
; 4 pages in-8 (petit deuil, cachet
de réception).
7.000/8.000
B
ELLE
LETTRE
APRÈS
LA
VISITE
DU
NOUVEL
L
HÔTEL
D
’A
LBUFERA
,
ET
SUR
SES
PLACEMENTS
FINANCIERS
.
Il voulait lui demander un conseil l’autre soir, « et comme je ne te vois guère qu’une fois par an et que je pense à toi beaucoup
plus souvent qu’une fois par jour, quand je te vois c’est un tel tumulte de tout cet arriéré de pensées qui se presse que tout ce que
j’ai à te dire est oublié ». Il parle de l’hôtel d’Albufera que Louis vient de faire construire avenue Hoche : « Et maintenant qu’en
dehors de tout ce que tu étais déjà tu te mêles d’être Mansard, Nolhac et Vaucanson, tu comprends que rien qu’à aligner toutes
les interjections, tous les points d’exclamation que m’inspire la série de Rétrospectives exactement anciennes et ultra modernes
qu’est le Palais de l’avenue Hoche (qui est aussi le Palais de la Femme, le Palais de la chaussure, le Palais de l’Ombrelle, etc.) et
qui unit à l’évocation de l’art du passé, l’anticipation de l’industrie de l’avenir, j’en aurais pour beaucoup plus de temps que nous
n’en aurons à causer ensemble jusqu’à ma mort ». Il lui demande un conseil financier : « As-tu dans les conseils que te donne la
Maison Heine et ta propre sagacité des idées de placements sûrs et très rémunérateurs 2°) des idées de placements encore plus
rémunérateurs et un peu moins sûrs 3°) des idées de spéculation. Tout ceci parce que je vais sans doute vendre beaucoup de titres,
ce qui me donnera de l’argent à remployer ». Proust prie son ami, dans la lettre de recommandation du jeune Marcel P
LANTEVIGNES
au marquis de L
A
B
ÉGASSIÈRE
, de ne pas dire du mal de lui, « parce que ces gens sont charmants pour moi mais me connaissant pas
et n’ayant pas les mêmes amis que moi croiraient plus facilement le mal ou s le bien, n’ayant pas de contrôle. Depuis que je t’ai vu
je n’ai été qu’un râle, souffrant un martyre affreux. Quelle vie ! » Il évoque l’architecte P
ARENT
qui « a restauré un grand nombre
de châteaux notamment Bonnétable, et il se peut qu’il ait restauré Montgobert ». Il a été heureux de revoir Louis : « Que Madame
d’Albufera a été bonne de me laisser entrer dans cette chambre de féerie ! Tu sais que j’ai à lui rendre l’exemplaire des
Plaisirs et
les Jours
. Mais je ne t’en ai pas parlé l’autre soir, ne l’ayant pas encore vu, comme il est boulevard Haussmann ». Il a demandé aussi
conseil pour ses placements à « Lambert Rothschild », à Léon Fould, à Georges Lévy, aux Neuburger...
Correspondance
(éd. Ph. Kolb), t. VIII, p. 243.
119.
Marcel PROUST
. L.A.S., [6 ou 7 décembre 1908], à Louis d’A
LBUFERA
; 4 pages in-8 (petit deuil, cachet de réception).
7.000/8.000
« Mon cher Louis, Je me suis levé une seule fois depuis la soirée que j’ai passé chez toi. Je reste maintenant habituellement
ou du moins souvent 48 heures au lieu de mes habituelles 24, sans rien manger. Malgré cela je travaille. […] 1° Pour
les Plaisirs et
les Jours
j’espère que ce que tu me dis est une taquinerie et une blague. Jamais je n’ai dit qu’il existât un exemplaire que je désire.
C’est de la folie. Si Madame d’Albufera faisait cela je le lui renverrais immédiatement et ne te reverrais de ma vie. […] 2° Pour ce
que tu es assez bon pour consentir à laisser pénétrer, venant de moi, dans ton Palais, si tu pouvais me dire dès maintenant ce que
tu veux, tu me rendrais bien heureux et m’épargnerais la fatigue de recherches trop pressées. Il faudrait que je le sache de suite.
Et j’aurais aussi besoin de savoir de suite ce qui ferait plaisir à notre amie [Louisa de M
ORNAND
] »… Il le remercie de ce qu’il a fait
pour « le petit P
LANTEVIGNES
et ce qui me touche le plus de tout c’est que tu lui as envoyé un mot, m’écrit-il, où tu lui parles très
gentiment de moi. Si ce jeune crétin savait le plaisir infini que cela m’aurait fait de voir ces lignes de toi disant du bien de moi
il me les eût envoyées. Au lieu de cela il me dit qu’il ne veut pas faire rougir ma modestie, ce qui ne me donne que plus d’envie
de voir la lettre. Il m’a dit que L
A
B
ÉGASSIÈRE
lui a dit de venir le voir, a été charmant, même pour moi dont il lui a dit du bien,
s’informant beaucoup de ma santé ». Il ne peut voir personne : « Comme il y a un temps infini que je ne suis sorti je sortirai un de
ces jours et passerai te serrer la main, mais chez moi c’est à peu près impossible. Je fume jusqu’à minuit, dîne à minuit. Enfin tu
vois ! […] J’ai eu les larmes aux yeux en sachant que tu avais écrit des choses si gentilles de moi »...
Correspondance
(éd. Ph. Kolb), t. VIII, p. 317.