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138.
Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE
(1740-1814). M
ANUSCRIT
autographe signé,
Réponse du citoyen
Sade à celle insérée par le citoyen L... dans la feuille du 17 janvier
, 18 janvier [1793] ; 4 pages petit in-4, avec
ratures, corrections et additions.
6.000/8.000
I
MPORTANT
TEXTE
POLÉMIQUE
SUR
LA
RELIGION
ET
LA MORALE
,
METTANT
EN
CAUSE
L
EXISTENCE
DE
D
IEU
. Il semble
INÉDIT
.
« Il me parait que le citoyen L… s’écarte de la question au lieu d’y répondre, et qu’il ajoute des difficultés à celle que je
proposais de résoudre. Je demande purement et simplement pourquoi les hommes sont plus attachés à la religion qu’à la morale,
lorsqu’il me semble que tout devrait les porter à préférer celle-ci à l’autre ? pourquoi ils frémiraient du moindre changement dans
le culte, tandis qu’une subversion totale dans les mœurs les effraiyerait à peine ? »… Sade a eu raison d’affirmer précédemment
que les hommes tiennent bien plus à leur religion qu’à leur morale, ce qui lui paraît « la meilleure preuve de la bisarerie de leur
esprit, puisque la religion ne flatte que les idées qu’ils se sont forgées, et la morale
leur assure la seule dose de bonheur qu’ils
peuvent espérer dans un monde
au-delà duquel il n’y a plus rien de certain. Le citoyen L. objecte
un dieu
, la réponse n’est pas
péremptoire, car l’admission de cet être n’étant malheureusement pas générale, il est impossible que ce qui n’est adopté que de
quelques hommes puisse servir de preuve à tous. Il existe certainement des athées », et il n’est pas certain que l’on réussisse à leur
démontrer l’existence de Dieu. Ainsi les hommes religieux ont bâti leurs principes sur du sable, car « comment voulés-vous qu’il
y ait quelque chose de solide dans les principes d’un homme, n’établissant l’idole de la vertu que sur les autels d’un être qui n’est
qu’en problême ». L’homme a « trop lié la morale à la religion, […] voilà le danger dont je me plains, il ne faut pas que l’homme
s’accoutume à ne plus redouter d’enfraindre ce qui est sacré –
la morale
, comme il enfraint ce qui n’est que problématique, –
la
religion
. Voilà l’écueil que je veux qu’on évite dans la nouvelle éducation qui se prépare ; vous n’aurés des vertus qu’alors, n’en
espérés jamais jusques là ». Sade démolit également l’argument que la morale repose sur l’existence de Dieu : « Non, citoyen, non
la morale qui est l’art de se conduire avec tous les hommes ne peut reposer sur un être qui n’est admis que de quelques hommes,
la morale qui est dans la nature doit être plus respectée qu’un être qui n’existe que dans l’imagination, croyes que les bases de
la morale furent posées avant celles du culte, et qu’on sentit qu’il fallait aimer ses semblables bien avant que de leur suposer un
créateur ». Quant à l’harmonie qui serait « le but du moteur de l’univers », Sade ironise en citant « l’harmonie du déluge, des
tremblemens de terre, des pestes, des guerres, des famines… Oui Citoyen vous me démontrerés l’harmonie, l’accord parfait de
tous ces procédés », alors que « la morale est l’ordre parfait de la conduite de l’homme ». Sade demande encore « quels sont les
objets sensibles dont vous voulés nourrir vos idées intellectuelles ? Ce n’est pas Dieu, puisqu’il se cache à nos regards ; ce sont
donc des temples, des cérémonies, des statues », ce qui relève selon lui d’un « pature idolatre et matérielle ». Enfin Sade détruit le
dernier argument de la religion présidant à l’enfance et à la vieillesse : « Les choix de l’homme dans ces deux extrémités de sa vie
peuvent-ils donc être ceux de sa raison ? Sont-ce les hochets de son berceau ou les béquilles de sa caducité qui doivent nous servir
de fanaux dans la carrierre de la vie ? […] ce ne sera jamais avec de telles futilités que vous mettrés la morale en parallelle ; mais
je me tais, deux raisons m’obligent au silence, la supériorité de ma cause… le sentiment profond de ma faiblesse quand il faut la
défendre avec vous ».
139.
Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE
(1740-1814). L.A.S., 9-11 brumaire III (30 octobre-1
er
novembre
1794), [à son notaire Q
UINQUIN
] ; 3 pages petit in-4.
3.000/3.500
B
ELLE
LETTRE
À
SA
LIBÉRATION
DE
PRISON
. [Après avoir échappé de justesse à la guillotine, le marquis a été libéré après 312 jours
de détention, le 13 octobre 1794, sur ordre du Comité de Sûreté générale, qui l’autorise également à rester à Paris pour ses
ouvrages patriotiques.]
« La continuité de votre opiniatre silence ne peut que me surprendre étrangement », alors que Sade a envoyé la pièce nécessaire
pour « libérer mes fonds, pourquoi donc ne m’en faites-vous donc point passer, vous devés pourtant connaitre l’état affreux
de pénurie dans lequel je dois être depuis le temps énorme que vous ne m’avés rien envoyé ». Il s’étonne de ce procédé, qui
s’accorde bien mal avec l’amitié et l’intérêt qu’il lui témoignait autrefois. Il lui envoie les dernières pièces administratives (levée
du séquestre, etc.) qui pourraient retarder son accès aux fonds, et le supplie d’agir vite car il n’a plus aucune ressource : « j’ai tout
vendu pour vivre pendant ma détention » ; s’il ne reçoit pas aussitôt de l’argent, « il ne me reste plus qu’à me bruler la cervelle ».
Il a envoyé son certificat de résidence à la municipalité de Saumane. Il s’inquiète du silence de Gaufridy, et, ne sachant à qui
s’adresser pour La Coste, il a envoyé tous les papiers nécessaires au district d’Apt, et en a prévenu son fermier Audibert pour qu’il
puisse lui envoyer des fonds immédiatement. Et il annonce : « Ma liberté a été suivie d’une faveur très rare et à laquelle j’ai été très
sensible. Le Comité de Sureté générale m’authorise quoique noble, à rester à Paris pour continuer comme je l’ai fait précédemment
à nourrir l’esprit public par mes ouvrages patriotiques »… Il ajoute, deux jours plus tard, que le district d’Avignon est intervenu
en sa faveur, et, soupçonnant son correspondant d’être à l’origine de cette recommandation, il l’en remercie : « Le Comité civil de
ma Section a répondu en ma faveur une lettre pour le moins aussi avantageuse, et il a bien voulu m’en délivrer copie conforme,
ce qui me devient un excellent certificat de civisme ; en raison de tous ces titres j’espère qu’il ne pourra pus y avoir d’obstacles
maintenant à m’envoyer mon revenu, et je vous supplie d’y procéder le plus promptement possible ».