12
Enluminé, calligraphié à l’encre de Chine et à la gouache dans une
écriture volontairement archaïsante, fortement rehaussé à l’or, le
manuscrit est resté en feuilles, et inachevé ; certains textes sont
incomplets de la fin. Robert de Montesquiou parle de 18 feuillets ; le
présent manuscrit n’en compte plus que 15.
Dans ce manuscrit, presque tous les pronoms personnels de la deuxième
personne du singulier sont en couleurs, ou en lettres d’or, ainsi que
le prénom Illan, et quelques mots-clés qui suivent les possessifs : “
ta
beauté
”, “
ton être
”, etc.
[1, recto seul], entièrement ajouré, ainsi décrit par Montesquiou :
“C’est par une grille dorée, ajourée dans le parchemin, plus ruisselante
de cabochons que la
pala d’oro
vénitienne, qu’on accède à l’enclos
renfermé, entre ces parois ciselées et gemmées. Cette grille est ornée de
520
unions
, comme disait le vieux langage, et de 520 pierreries”. Sur un
triple encadrement d’or et bleu, court une frise en lettres d’or sur bleu
avec les mots
Amori sacrum
répétés.
[2, recto seul], feuillet de titre-dédicace, le premier nom à l’encre rouge
vif, le second en lettres d’or redoublées d’encre bleu pâle. “Ce livre a été
fait par Arthur Chaplin / pour son ami cher Illan / en témoignage de
son amour / 1908-19”.
[3, recto seul]. Sur fond doré à la feuille d’or, texte en lettres bleu ciel :
“Quel amour fut cet amour ? Une clarté divine fit resplendir mon cœur
et le consuma dans un feu mystérieux et lointain. […] Qui veut savoir
doit apprendre et la souffrance enseigne”. Gargouille dorée en relief
sous une grande rosace bleue aux perles et arabesques.
[4, r° et v°], en lettres d’or et avec lettrines d’or œuvrées en relief. Beau
paysage marin où ciel et mer se confondent en un bleu tendre, d’où
surgit un navire aux voiles déployées, à sa proue un ange nu tenant
une torche. “Je veux chanter ce jour où le vaisseau d’or à la proue
enflammée m’apporta du fond de l’océan l’image de mon rêve l’image
de ma joie l’image de ma douleur ! […] l’amour m’enveloppa dans un
feu divin”... Etc.
[5, r° et v°]. Peinture (environ 20 x 7 cm) représentant trois personnages
inclinés ou agenouillés devant l’autel d’une chapelle gothique ; sous la
voûte, un vitrail en couleurs. La grande lettrine initiale, dorée sur fond
bleu, est remplie à la manière d’une rosace. “Plein de mon immense
tristesse qu’une torpeur profonde avait rendue inerte découragé las
de tout de mon cœur et du Dieu de mon rêve s’envolant dans des
baisers partis j’entrai dans l’église aux lourds piliers sombres [...] Je
m’assis solitaire sous la voûte obscure éclairé d’un vitrail aux couleurs
brillantes qui reflétait en moi les joies jamais atteintes je songeais
pauvre être devant le Saint des Saints à
Toi
à
Toi
toujours à
Toi
car je
t
’aimais ! Je
t
’aimais et j’en étais las ! […] Dieu c’était
Toi
Dieu c’était
Toi seul
Dieu c’était
ton
visage que je voyais en moi Dieu c’était ce
baiser qui me faisait vivre Dieu c’était
tes
yeux qui me disaient
je
t’aime”...
[6, r° et v°] Grande lettrine composée de reliquaires et emblèmes
sacrés, prolongée par une petite peinture représentant un muguet
solitaire devant une forêt de troncs épais. “
Tes dents
dont la blancheur
rendrait jalouse la fleur
tes dents
m’apparaissent comme la branche
du muguet au milieu du gazon. [...]
Tes
dents
c’est l’hostie sainte
mystérieuse et voilée à l’ombre du Saint de Saints sur l’autel consacré.
Je restai longtemps là pensif écoutant les orgues frémir jusque sous les
dalles sonores puis monter en notes glorieuses vers le Créateur. Alors
seulement je lui rendis hommage car il t’avait créé”... Etc. En bas est
peint le bas-côté d’une église gothique (13,5 x 20 cm).
[7-8, r° et v°] Peinture (25 x 22 cm) représentant une urne et deux
coupes recouvertes sur une console, fond doré orné d’une guirlande
de fleurs, d’un collier de perles et d’un pendentif en saphirs bleus. La
lettrine initiale se compose de fleurs de lilas : “Connais-
tu
des vieux
maîtres flamands ces tableaux tout imprégnés d’une piété naïve où
paraît dans les fleurs au milieu d’une couronne la Vierge Sainte près
de son divin Fils ? Avec quel amour Seghers ou Rubens ont ainsi
rendu hommage à la mère du Sauveur [...] je ferai de même. Les fleurs