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François-Louis SCHMIED, 1873-1941
par Félix Marcilhac
Préface du catalogue de la vente F. - L. Schmied, Me Antoine Gluck, Hôtel Drouot, Paris avril 1975.
À l’aube de la conquête de l’Algérie, le grand-père de François-Louis Schmied,
originaire de Suisse, émigre avec toute sa famille et s’installe à Sétif. C’est
l’époque où l’on considère ce nouveau pays comme une terre promise qui
fascine les européens par les fastes encore visibles d’une civilisation passée.
Son père reviendra à Genève à l’âge de 25 ans, mais il pensera toujours à
cette Afrique nostalgique, chaude et chaleureuse.
François-Louis Schmied naît à Genève le 8 novembre 1873 d’un père d’origine
argovienne et d’une mère vaudoise issue d’une famille de calvinistes français
réfugiés en Suisse.
Destiné d’abord au commerce, celui qui devait être un des plus grands
graveurs sur bois de notre époque suivait des cours de dessin le matin avant
d’aller travailler au négoce de son père. Son sens du dessin finit par convaincre
sa famille qui l’autorise à entrer à l’Ecole des Arts Industriels de Genève comme apprenti-graveur sur
bois. Un ami de Lepère, Alfred Martin, tente alors de rénover cet art ; il sera son professeur et sa
persévérance éveillera l’intérêt de Barthélémy Menn qui lui permettra l’accès à son cours supérieur.
Pendant cinq ans, il consacrera tout son temps au culte de la gravure sur bois. C’est dans cette école
qu’il sympathisera avec Jean Dunand qui suivait alors les cours de sculpture et de ciselure des
métaux, avant de devenir Maître du laque en France. Il découvre la richesse des vieux manuscrits et
des incunables conservés à la Bibliothèque Municipale de Genève, leur architecture n’est d’ailleurs
pas sans évoquer celle des livres qu’il construira plus tard.
En 1895, il vint à Paris. Employé dans des ateliers industriels, Schmied grave des planches pour des
livraisons populaires comme
« Les deux orphelines »
ou
« Les trois mousquetaires »
pour le compte de la
maison Georges Auber. Mais la tendance n’est plus à la gravure sur bois pour illustrer les livres et François-
Louis a beaucoup de mal à utiliser son talent. Ce travail harassant altère sa santé, il tombe malade et
doit se faire soigner. Son ami Dunand le rejoint à Paris en 1897 et ils font la connaissance de Dampt qui
emmènera les deux amis en Touraine dans sa propriété, pour une nécessaire convalescence de Schmied.
Dès 1904, Schmied expose à la
Société Nationale des Beaux-Arts
des gravures sur bois, dont un portrait
de Dagnan-Bouveret. C’est en 1911 que paraîtra son premier ouvrage orné de bois gravés. Il s’agit
d’une plaquette aujourd’hui introuvable :
« Sous la tente »
tirée à 1.200 exemplaires par Berger-Levrault
à Nancy, sur l’initiative d’un vaudois Edouard Maury. Elle se compose de 23 pages. Chaque feuille
est réhaussée d’un décor floral différent dans le goût de l’époque, mais le choix judicieux des teintes
indiquait déjà la grâce et le charme de ses compositions futures. Par la suite il devait entreprendre
pour celui qui lui avait donné sa première chance, un livre sur Noël, illustré par Jouve, mais ce projet
fut abandonné.
Dans le même temps, Jouve avait reçu commande de la Société des Bibliophiles
« Le Livre Contemporain »
,
d’illustrer
Le Livre de la Jungle
, de Rudyard Kipling. Les hors-textes et les illustrations devaient être
gravés à l’eau-for te en couleurs. Mais Jouve, qui jusqu’alors avait peu pratiqué cette technique,
y trouvant une réelle dif ficulté, et n’obtenant pas toujours l’ef fet escompté ni des résultats
satisfaisants, prit la résolution de les faire graver sur bois par Schmied. Dès 1910, Schmied se met
à l’ouvrage et présente quelques tirages d’essai de plusieurs bois en couleurs à l’Assemblée Générale
de la société bibliophile. En 1913, le rapporteur général annonçait que l’ouvrage avançait rapidement
et que l’on pouvait en envisager la distribution avant la fin de l’année 14.
Après un voyage en Italie et en Grèce, au printemps 1914, Schmied et Dunand partent aux Canaries
et aux Açores avec un ami commun. C’est à bord d’un vapeur autrichien à destination de Malaga,
qu’ils apprirent la déclaration de guerre. Devant l’hostilité marquée des voyageurs en majorité
allemands, ils débarquent clandestinement à Cadix, et réintègrent la France, non sans avoir eu
quelques difficultés avec les autorités espagnoles.