Page 186 - Mise en page 1

Version HTML de base

182
en la mélangeant à un riz glutineux, à de l'huile, de
la chaux et du sable. Par ailleurs, il convient de
bien dif férencier la laque végétale proprement
dite de la gomme-laque, dite aussi en France
sche/l-lack
ou
stick lack
. qui n'est pas un produit
dérivé mais une gomme d'origine animale qui, dis-
soute dans l'alcool, devient la matière première
nécessaire aux ébénistes pour réaliser le vernis
au tampon.
Après la guerre, les firmes d'armement détenant
d'énormes stocks de nitrocellulose devenus inutil-
isables, firent effectuer des recherches chimiques
pour trouver de nouveaux débouchés à ce produit
dont on s'était servi pour faire de la poudre à
canon. Les ingénieurs s'intéressant au collodion,
qui est un dérivé de la nitrocellulose, mirent alors
au point une laque cellulosique, en incorporant au
collodion des résines, des plastifiants et des
colorants. Appliquée au pistolet pneumatique,
cette laque cellulosique devait jouer par la suite
un rôle déterminant dans l'industrie automobile en
ramenant de trois semaines à vingtquatre heures
le temps de séchage nécessaire aux peintures
des carrosseries de voiture par rapport aux vernis
gras dont on se servait jusqu'alors, qui étaient
extrêmement longs à sécher et à durcir.
Par la suite, en 1927, on mit au point la laque
glycérophtalique dont le temps de séchage fut
ramené à trente minutes par thermo-durcissage
au four. On lui donna de ce fait le nom impropre
de « peinture émail ».
Devant cette multiplication de produits de concur-
rence imitant dans d'assez mauvaises conditions
le produit naturel d'origine végétal, Jean Dunand
fut à l'origine d'une proposition de loi qui tendait à
limiter l'emploi du mot « laque» à la seule désignation
des produits végétaux issus des arbres à laque.
Cette proposition de loi n° 5290 fut présentée par
le député A. Grisoni lors de la séance de la Chambre
des Députés du 28 mai 1935. Son but premier était
de protéger la qualité du travail des artisans laque-
urs, dont les prix de revient étaient bien supérieurs
en raison de la difficulté qu'ils rencontraient à
utiliser une matière naturelle longue à sécher par
rapport aux industriels qui, se servant de matière
de synthèse, ne rencontraient pas les mêmes
problèmes. De même, par les dispositions de cette
loi, on espérait protéger le développement des plan-
tations d'arbres à laque du Tonkin, qui exportait
vers la Chine et le Japon la plus grande partie de sa
production. Il suffit de se rendre compte aujourd'hui
de la confusion qui recouvre dans le langage
courant le mot « laque» pour comprendre que cette
proposition de loi, à défaut d'être votée par des
élus peu au fait des problèmes artistiques,
n'aboutit pas aux résultats escomptés.
La laque naturelle
La laque naturelle est donc le résultat d'une
exsudation provoquée par incision sur les troncs
d'arbres à laque qui poussent en Chine (il s'agit
du
rhus succedanea
), au Japon (c'est le
rhus
vernicifera
) et dans ce pays que l'on nommait,
jusqu'en 1946, le Tonkin, où proliférait une
variété nommée
succedanea dun'loutieri
. Le latex
de ces différentes essences forestière ou de culture
étant d'ailleurs identique.
L'arbre n'est cependant exploitable qu'entre
sa troisième et sa huitième année. Durant cette
période de cinq ans, il donne, à la suite d'inci-
sions, une sor te de résine en latex qui est un
liquide crémeux de couleur et d'aspect. Les
arbres ont alors trois à quatre mètres de haut et
la récolte, à la suite des incisions, doit se faire à
l'abri du soleil ardent comme de la pluie, puisque
le premier provoquerait un début d'évaporation et
que la seconde diluerait le produit. Le latex, qui
est une émulsion de laccol dans une dissolution
très concentrée de laccase, est récolté dans de
petites coquilles de moules de rivière. Recueilli
dans des récipients en vannerie étanches laqués
et clos hermétiquement, il est expédié en fût
chez les marchands grossistes qui le traitent pour
pouvoir le revendre.
Ce sont ces opérations longues et délicates qui
déterminent la qualité de la laque.
Il est d'abord nécessaire de la filtrer soigneusement
à travers une toile fine, par simple torsion, afin de
la débarrasser de toutes les impuretés. Puis, il
faut la laisser reposer pendant plusieurs mois
dans des paniers de bambous laqués et clos
hermétiquement par des feuilles de papier de riz
bien collées. Ces paniers sont ensuite entreposés
dans une cave obscure et fraîche afin de laisser
la laque se décanter seule après avoir provoqué
une évaporation. Le latex a déjà changé d'aspect:
de blanc laiteux, il est devenu légèrement ambré.
Avec le temps, le produit se divise naturellement
en couche de différentes densités. Chacune cor-
respond à des laques de qualité marchande
dif férente, ce qui permet de les classifier en
laques de prix et d'usage variés. Ces laques
obtenues par décantation sont nommées
laques
naturelles
. la couche du dessus, la plus fluide
donc, donnant la qualité supérieure, très riche en
laccol, avec laquelle les maîtres laqueurs
travailleront les dernières couches de leur œuvre.
Les couches suivantes, de moins en moins aqueuses
au fur et à mesure qu'on les prélève vers le fond,
sont de qualité inférieure et serviront pour les
sous-couches ou pour les préparations, en les
mélangeant à d'autres produits tels que sciure de
bois, terre, limaille ou autres matière de décoration.