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Préface
Chacun connaît le nom de Félix Marcilhac, et il serait vain de tenter de produire ici la liste des ventes
prestigieuses d’objets ou de mobilier Art Nouveau ou Art Déco auxquelles il a apporté le concours de
son expertise.
Historien et spécialiste des arts décoratifs du XX
e
siècle, il a publié de nombreux ouvrages qui font
aujourd’hui autorité sur des artistes ou des décorateurs : René Lalique - il fut l’initiateur du musée
éponyme au Japon -, Edouard Sandoz, Chana Orlof, Joseph Csaky, Gustave Miklos, Jean Dunand, Paul
Jouve, Jacques Majorelle, André Groult et la maison de décoration Dominique ; il termine aujourd’hui le
catalogue raisonné de Maurice Marinot, le célèbre verrier.
À tous ces mérites, Félix Marcilhac ajoute celui (et non le moindre à mes yeux) d’avoir fait partie du
premier groupe des aventuriers de l’Ar t Déco,
les vaillants redécouvreurs de ses beautés et les
défricheurs de ses arcanes.
Ils n’étaient pas nombreux ceux qui, vers la fin des années 60, s’intéressèrent à tous ces artistes et
artisans qui font à nouveau aujourd’hui l’admiration de tous par le renouvellement dont ils ont fait
preuve et la per fection luxueuse de leurs créations. Ce ne fut pas facile, et il fut un temps où aucun
expert ne possédait la compréhension d’un meuble de Eugène Prinz ou de Pierre Legrain, d’une statue
de Gustave Miklos, d’un coffret de Jean Goulden, d’une dinanderie de Jean Dunand, d’un fauteuil d’Eileen
Gray ou d’un bijou de Georges Fouquet, la juste place à donner à une verrerie de François-Émile
Decorchemont ou de Maurice Marinot. Il fallut éplucher les revues de décoration et les catalogues
d’exposition de l’époque, interroger les artistes encore vivants, leurs descendants, mettre à profit
leurs archives, fouiller les musées, mettre de l’ordre enfin.
Et j’admire sincèrement ceux qui ont eu l’œil et l’ouverture d’esprit suffisants, et qui, par passion,
n’ont pas craint de s’atteler à l’immense tâche qui fut celle de disperser les ténèbres.
Un livre récent de José Alvarez, le passionnant
Histoires de l’Art Déco,
paru en 2010, retrace la saga
de cette redécouverte progressive. Félix Marcilhac y tient évidemment sa place, aux côtés des jeunes
marchands, les Blondel, Lesieutre, Manoukian, Vallois, Walker, qui opérèrent, selon l’expression de
José Alvarez,
le sauvetage d’un patrimoine français négligé.
Félix Marcilhac a fait plus encore, en fondant une dynastie, son fils Félix-Félix se dédiant à la célèbre
galerie ouverte en 1969 rue Bonaparte, sa fille Amélie qui suit ses traces d’expert pour les ventes
publiques et son goût d’historien en publiant tout récemment un livre consacré au décorateur-ensemblier
Marcel Coard, son autre fille, Joséphine, exerçant dans les ventes publiques la spécialité « vintage » ;
seule sa fille aînée, Éléonore, a suivi une autre voie et poursuit une carrière d’avocate. Ainsi fait, le
nom de Marcilhac, si haut placé par Félix le père, aujourd’hui le symbole de la passion alliée aux
deux compléments indispensables la science et le travail, n’est-il pas près de cesser de briller.
Je vous présente aujourd’hui sa bibliothèque, c’est-à-dire dans son esprit non pas tant celle d’un
bibliophile que celle d’un spécialiste ne voulant pas négliger ce domaine particulier dans lequel ses
héros, les créateurs de la génération active en 1925, ont également apporté leur contribution.
Ses choix, effectués au coup de cœur et sans plan de collection, rendent ainsi, comme un fait assuré,
un hommage au groupe Dunand-Goulden-Jouve-Schmied exerçant son art dans le domaine du Livre
(quatuor auquel il conviendrait sans doute d’adjoindre Gustav Miklos, l’homme de l’ombre, dont le
rôle auprès de Schmied, toujours occulté, sera peut-être un jour, espérons-le, mis en lumière).
François-Louis Schmied, en par ticulier, a révolutionné l’esthétique du Livre dans toutes ses
composantes, la typographie, l’illustration et la reliure, en en faisant un objet représentatif des autres
créations du groupe. Félix Marcilhac, contrairement à la plupart des collectionneurs de l’Art Déco, aura
eu la clairvoyance de ne pas le négliger ; il nous en offre par ce catalogue une éclatante démonstration.
Dominique Courvoisier