Page 48 - cat-vent_drouot13-12-2011

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212.
CHAISSAC
(Gaston). Lettre autographe signée [à Henry P
OULAILLE
]. 13.12.1947 ; 3 pages in-4 avec adresse sur papier de cahier quadrillé.
1.500/1.800
Je vous accuse réception du retour de mon manuscrit. J’ai de nouveaux poëmes réunis dans un recueil intitulé “ au temps où je plumais les
bécasses ” car dans la vie j’ai débuté marmitton au grand hôtel du Chapeau rouge de ma ville natale. Mais je vois que surtout aujourd’hui les
poèmes ça fait pas votre affaire. Mais ça pourrait peut-être vous intéresser d’éditer un album de reproductions (un de vos écrivains pourrait
en écrire le texte) de mes grands dessins de la série de Novembre-Décembre 1947. Et peut être aussi quelques reproductions de mes grandes
gouaches dont le dessin n’est autre qu’un assemblage d’empreintes de pelures, cassures, épluchures, rognures, etc, et beaucoup en serait
intéressé et tant sont à l’affut des recettes pour peindre nouveau. Peindre je n’en ai guère les moyens et je vois un chatelain du voisinage qui
peut se permettre de se ballader en auto. Il pense surrement pas à faire la contre révolution un de ces jours car il n’a pas l’air d’économiser
pour ça l’essence qui n’a pas l’air de lui manquer alors que le marchand de poissons qui en manque n’en passe plus dans le pays. L’imagination
populaire est à son affaire en ces périodes troublées et en regardant en l’air on voit des attitudes mystérieuses aux avions de passage et il circule
qu’ils parachutent des armes dans tel bois et qu’on ne sait pas pour qui c’est. Je pense à écrire quelque chose sur le capitalisme. Il agonise et
sa mort est certaine car l’homme est de moins en moins exploitable pour cause qu’il est instruit aujourd’hui et aussi plus faible de constitution.
Dans quelques siècles et peut-être même dans seulement 100 ans le capitalisme pourra parfaitement renaître pour l’instant les capitalistes en
vie peuvent en faire leur deuil. La chose est d’ailleurs sans importance, car depuis j’ai pu peindre quand même pas mal de tableaux sans l’aide
de ceux qui peuvent encore se permettre de se ballader en voiture… Moi ça ne m’empêche pas d’avancer. Quand à la crise du livre, elle aussi
me laisse assez indiférent et ne me gêne pas. Quand à ma gêne, j’y suis tellement habitué que surrement il me manquerait quelque chose si elle
venait à me manquer. Dans plusieurs des dessins de ma série de Novembre-décembre 1947 j’ai colé des mots imprimé en grosses lettres découpé
dans les journaux si bien que ça en fait des choses très suggestives qui peuvent faire travailler le ciboulot. J’ai dans l’un d’eux le mot justice à
un endroit, le mot danger à un autre, et plus haut on lit cette inscription “ l’affaire des kermesses ”
; pet. déchire et pet. taches.
213.
CHAISSAC
(Gaston). Lettre autographe signée à Henri P
OULAILLE
.
Les Essarts,
20.1.48 ; 2 pages in-4 sur papier de cahier quadrillé, avec
adresse ; usures avec manque à une marge.
1.000/1.500
Les gens du peuples devraient se faire un devoir de s’abstenir de faire usage d’écoles bâties par des hobereaux c’est à dire avec de l’argent
acquis de façon pas très catholiques. Si le peuple veut des écoles libres il est en force de s’en construire et rien qu’avec le centième de ce qu’il se
laisse voler il aurait la possibilité de faire instruire jusqu’aux crocodiles des eaux du Nil… Je mets de grands espoirs en Pierre Giraud à Maeght
mais la recommandation d’un miteux de mon espèce, doit avoir peu de poids auprès de Maeght. Dubuffet lui sur ma simple prière envoya des
couleurs à Pierre Giraud sans même s’inquiéter de ce qu’il peignait. Je veux parler de Jean Dubuffet “ le richissime ” qui n’a ni domestique, ni
même une femme de ménage et que j’ai vu aller la nuit au bureau de poste de la Bourse envoyer un mandat télégraphique à un sidi en détresse.
Vous voudrez bien considérer ma demande d’échange de tableaux comme nul et je m’excuse de vous l’avoir faite soit pour leur beaité soit par
sympathie pour ceux de qui vous les tenez, vous êtes certainement attaché aux tableaux que vous avez
”. Suit un petit texte assez “ délirant ” “
une
balière exhalant terriblement l’ammoniaque d’avoir été maintes et mains fois transpercée par la pisse de part en part, une montagnette de merde
d’hirondelles mise sous globe…
”.
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