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I
mercredi 14 décembre 2011
152 - gRADUEL–SACRAMENTAIRE–LECTIONNAIRE DE L’ABBAYE DE SAINT-vICTOR DE PARIS.
Paris
, second quart
du XIII
e
siècle ; in-folio (297 x 210 mm) de 262 feuillets de fine peau de vélin, texte calligraphié en bâtarde rouge et bleue
sur deux colonnes de 26 lignes par page, reliure du XVII
e
siècle veau granité, dos à nerfs avec cinq pièces de titre de
maroquin rouge ornementées dans les entrenerfs portant : MISSALE ORD. SS. TRINIT. // MSS. // POSITIS SEPARATIM
// GRADUA. COLLECT. EPIST. EVANG. // ETC., croix de Malte dorée en tête et en queue.
100 000 €
IMPORTANT ET PRECIEUX MANUSCRIT LITURGIQUE DE LA PREMIERE MOITIE DU XIII
E
SIECLE calligraphié en lettres semi-
gothiques noires et rouges de gros calibre. Exécuté à Paris à l’usage de l’abbaye de Saint-Victor pendant le second quart du XIII
e
siècle,
il comporte 1800 grandes initiales décorées en deux ou trois couleurs avec ornementation filiforme, hampes et antennes et 18 pages
de musique notée.
L’ENLUMINEUR A DECORE LE DEBUT DU CANON DE LA MESSE (f. 86 v) D’UNE MINIATURE A DEUX REGISTRES : LE CHRIST
EN MAJESTE ; LA CRUCIFIXION. Elle est placée en regard des trois grands textes du canon : le
Per Omnium
, le
Vere dignum
et le
Te
igitur
EUX-MEMES ORNES DE TROIS GRANDES INITIALES HISTORIEES. Celle du
Per omnium
illustre l’élévation de l’hostie : derrière
le prêtre un servant agite un flabellum, éventail liturgique destiné à chasser les mouches. Le
Vere dignum
présente, de part et d’autre
de la haste montante du monogramme VD, l’Eglise triomphante couronnée et tenant un calice, et la Synagogue déchue de sa couronne,
tenant les tablettes de la loi de Moïse ; un agneau christique dans un médaillon surmonté du monogramme. Enfin, l’initiale du
Te igitur
est issue de la colonne sommée du serpent d’airain que Dieu avait chargé Moïse de confectionner. Selon la tradition toute personne
mordue par ce reptile s’en sortait indemne en regardant le serpent d’Airain. Cette image typologique annonce le salut du Christ dans
le nouveau Testament (f. 87 r).
L’artiste des enluminures et celui des lettres filigranées utilisent le vocabulaire des artisans parisiens des alentours de 1240 ; on trouve
des exemples voisins dans un manuscrit de l’abbaye de Sainte-Geneviève (Bibl. Sainte-Geneviève ms. 1283).
Divisions du manuscrit :
I. RECOMMANDATION DE L’AME et Office des morts. Folio 1
r
-7
v
.
II. GRADUEL non noté. Folio 8
r
-18
v
. (Détail : ) Temporal, folio 8
r
-16
v
; Sanctoral, folio 17
r
-18
v
, s’interrompant brusquement aux saints
Procès et Martinien (2. VII) par suite de la perte de deux feuillets entre les folios 18 et 19.
III. SACRAMENTAIRE. Folio 19
r
-89
v
. (Détail : ) Temporal, folio 19
r
-47
v
; Votives, folio 47
v
-49
v
; Sanctoral, folio 49
v
-75
v
; Communs, folio
75
v
-89
v
.
IV. CALENDRIER (IX lectionnaire). Folio 90
r
-92
v
.
V. GENEALOGIES notées du Christ selon saint Mathieu et selon saint Luc. Folio 93
r
-94
v
.
VI. LECTIONNAIRE de la messe comportant les épîtres et les évangiles. Folio 95
r
-262
v
. (Détail : ) Temporal, folio 95
r
-226
v
; Sanctoral,
folio 227
r
-244
r
; Communs, folio 244
v
-262
v
.
L'ensemble du codex a été écrit par un seul et même scribe qui devait être d'origine germanique comme le prouvent certaines graphies
particulières (Ewangelium, Chlodowaldi, Wilhelmi…).
La présence de première main de saint François d'Assise (canonisé en 1228) et l'addition de seconde main de saint Louis, roi de
France (canonisé en 1297) aide à situer le manuscrit entre ces deux dates. L'écriture témoigne dans le même sens permettant de le
dater de la première moitié du XIII
e
siècle.
Le calendrier, les trois sanctoraux (graduel, sacramentaire, lectionnaire) et l'office des morts montrent indiscutablement que le manuscrit
a été exécuté pour la célèbre abbaye parisienne des chanoines augustiniens de Saint-Victor. Au 17 juin figure la fête essentielle de
l’abbaye :
Susceptio reliquiarum sancti Victoris
et, au 21 juillet, le même saint Victor jouit d'une octave solennelle où il est qualifié de
beatissimus
. Les deux autres fêtes spécifiques du 5 juin (dédicace de l’abbatiale) et du 23 juillet (
Susceptio pedis sancti Victoris
) ne
figurant pas dans le texte, il faut en conclure qu'il est antérieur à ces deux festivités.
Au XIV
e
siècle le manuscrit est passé à l'usage des Trinitaires de Paris plus connus sous le nom de Mathurins comme l'attestent
l'addition de la messe de saint Mathurin à la fin du sanctoral du sacramentaire et l'adjonction au calendrier d'une note ainsi conçue
au 14 juillet :
Obitus Egydii de Campis qui dedit fratibus sancti Maturini centum solidos annualis census
.
Le manuscrit ne pouvait donc figurer dans le catalogue de l'abbaye dressé en 1514 (publié depuis) à cause de son changement de
localisation survenu entre-temps
L’abbaye de Saint-Victor avec sa bibliothèque a été l'un des grands centres de la vie intellectuelle de l'Europe chrétienne du moyen
âge. Supprimée en 1790, elle a été détruite une vingtaine d'années plus tard.