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Littérature, Beaux-Arts, Spectacle
85.
Jean-Louis barrault
(1910-1994). L.A.S. et L.S. (plus un télégramme), 1959, à Madeleine Marceron ; 2 pages
in-12 à son en-tête avec enveloppe, et 1 page in-4 à en-tête
Odéon Théâtre de France Renaud-Barrault
. 150/200
29 octobre 
: « Cette tête sera toujours devant moi. Je l’aime, d’abord parce qu’elle vient de votre cœur. Ensuite parce qu’elle
vient du cœur du vrai monde. Puis parce qu’elle est rongée par la durée, comme je m’apprête à l’être. Enfn parce que malgré le
temps elle a gardé, on ne sait comment, son regard, la place de sa bouche, le grain de la peau ; elle est pathétique comme la vie.
Elle a été assaillie. Elle a lutté. Elle a barricadé sa vie derrière une espèce de sommeil. Je l’aime encore car elle tient bien dans
ma main, comme une grenade. […] Cette tête sera mon confdent intime »…
5 décembre
, invitation à la reprise des
Fausses
Confdences
de Marivaux et de
Baptiste
de Prévert.
On joint 4 L.A.S. de Madeleine Renaud à la même, 1959 et s.d.
86.
Charles baudelaire
(1821-1867). L.A. avec poème, Jeudi [31 décembre 1840], à son demi-frère Alphonse
Baudelaire ; 3 pages et quart in-4, adresse (encadrée).
15.000/20.000
Précieuse lettre avec un poème de jeunesse.
« Charles a « manqué à la politesse fraternelle » en ne remerciant pas plus tôt son « bon frère » et sa « sœur » de leur
« magnifque hospitalité » à Fontainebleau. Il se réjouit de « la coutume du jour de l’an […] puisqu’elle oblige les gens à se
dire de fort tendres choses qu’ils pensent et que la paresse seulement les empêchait d’écrire ». Il souhaite donc à Alphonse et
sa femme « une douce et bonne année, – tranquille et joyeuse avec vos amis ». Puis il avoue, non sans un certain cynisme : « Je
crois que tu serais assez aise de savoir comment j’emploie mes journées à Paris – depuis que tu m’as renvoyé, ici – je n’ai vu
ni l’École [de Droit] ni l’avoué – si bien qu’on s’est plaint que j’y allais peu – mais j’ai remis à l’an 1841 une réforme générale
dans ma conduite »…
Il offre à sa belle-sœur un album de musique illustré de vignettes. « Quant à toi qui es mon frère, je ne te fais point
d’Étrennes, si ce n’est un
Sonnet magnifque
que je viens de composer et qui pourra te faire rire. Voilà qui s’appelle des Étrennes
poétiques »… Suit le poème, qui présente quelques ratures et corrections :
« Il est de chastes mots que nous profanons tous ;
Les amoureux d’encens font un abus étrange –
Je n’en connais pas un qui n’adore quelque ange […]
………………………………………………………
J’eus, quand j’étais enfant, ma naïve folie –
– Certaine flle aussi mauvaise que jolie –
Je l’appelais mon ange – Elle avait cinq galants.
Pauvres fous ! nous avons tant soif qu’on nous caresse –
Que je voudrais encor tenir quelque drôlesse
À qui dire :
mon ange
– entre deux draps bien blancs »…
Et Baudelaire d’ajouter avec culot : « Voilà qui divertira peut-être ma sœur »…
[« Eût-il écrit : qui pervertira, qu’on eût mieux compris. Sans doute ce sonnet ne lui fut-il pas remis ; ou bien la lettre et le
sonnet furent examinés comme d’étranges choses qui témoignaient de quelque dérangement de l’esprit […]. Deux éléments
de vers que nous venons de citer sont remarquables : le ton, qui pourrait être de Pétrus Borel ou de ses amis les plus avancés
du Petit Cénacle, dix ans plus tôt, ce bizarre alliage du sacré et du pire profane ainsi que de la plus désinvolte supériorité. Et le
fait que, raffnement d’une exquise politesse, Charles adresse le sonnet à son frère alors qu’il est destiné à être lu par Madame
Alphonse, qu’on devine peu portée sur la gaudriole. Baudelaire, car il est déjà Baudelaire, utilise à merveille les ressources
compliquées de la civilité puérile et honnête, en les inversant. Tout cela s’inscrivant sur le fond de la confdence blennorragique
– qu’Alphonse aura faite à Félicité ? De toute manière, la provocation contenue dans le sonnet n’était pas de nature à disposer
favorablement le magistrat. » Cl. Pichois, J. Ziegler,
Baudelaire
(Julliard, 1987), p. 134.]
Bibliothèque du colonel
S
ickles
(IV, 1021)
.
Correspondance
, éd. Cl. Pichois, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, p. 83.