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« Je savais d’avance que vous ne “toucheriez pas Dieu” et que votre vocation serait une vocation de souffrance. Mais dites-vous bien que ce n’est pas rien, ayant perdu l’univers, d’avoir gagné son âme. Ce n’est pas rien de pouvoir se dire : j’aurai vécu pour les pauvres et pour les malades, et pour les enfants, au lieu d’user pour ma convoitise d’autres enfants, d’autres malades.... Vous n’avez pas été volé, mon petit Jacques, vous n’avez rien perdu. Vous êtes de la race pour laquelle il n’existe pas de vrai chemin sur la terre. Vous auriez suivi votre cœur et vous auriez découvert un jour que ce “cœur” n’est le plus souvent qu’un masque. Le masque fatteur de notre convoitise... Et si vous saviez comme c’est triste de découvrir tout à coup que ce “gémissement inénarrable” en nous n’est que le morne cri de la chair et qu’elle ne demande qu’à s’assouvir, de son côté – sans que la tendresse de notre adolescence n’y soit plus pour rien... Et je sais bien que ce morne cri monte de nos entrailles quelquefois – mais quoi ! vous avez tout donné – tout et vous tout entier... O Jacques, je songe à l’homme que vous seriez devenu... Et je ne crois pas que “Jacques Laval” mourra... il s’intéressera un peu moins à l’expression littéraire ou musicale de sa tristesse. Il s’y arrêtera moins, parce qu’il jugera que c’est dangereux... Mon petit, vous avez renoncé à une croix terrible que vous ne connaissez pas... ou du moins, vous l’acceptez, vous la portez, mais vous ne vous vautrez pas sur elle. Bien sûr, il ne faut pas faire de sentiment avec Dieu. Vous allez apprendre à réduire à très peu cette part sensible de la dévotion. Il faut se résigner à suivre cette piste dans un désert... Si vous êtes obsédé par votre enfance et par votre adolescence, c’est que vous êtes de ceux qui ont eu leur part à ce moment-là . Vous n’auriez rien reçu de mieux dans la vie... Vous auriez passé votre temps, épuisé votre jeunesse à poursuivre, à réveiller le souvenir de certains instants, à les recommencer en moins bien. Le mystère d’Yves Frontenac, c’est le mystère de l’adolescence qui ne fnit pas. Derrière la façade brillante et la réussite de ma vie, il y a eu cet arrêt, cette pause tragique... Vous, vous êtes dépouillé de vous-même et vous avancez sur une route qui est une humble route, je le sais. Dites-vous pourtant, répétez-vous que pour ceux qui sont perdus ou qui risquent d’être perdus, votre souffrance représente ce qui aurait dû être leur bonheur et qu’ils n’ont pas eu la force ni le courage d’étreindre. […] Remerciez le Christ de vous avoir délivré du mal – vous qui auriez été livré , qui étiez livré au mal […] Je voudrais que cette lettre vous aide à sentir votre vocation, à l’éprouver comme une grâce merveilleuse malgré cette aridité de désert… […] votre ami a besoin de savoir que vous êtes vivant, que vous priez et souffrez pour lui. C’est à vous peut-être qu’il viendra un jour apporter le fardeau immonde et dérisoire de ses misères, de ses complications, de ses hontes – lui qui n’ose plus maintenant s’adresser à aucun prêtre, moins par orgueil que par pudeur et par peur d’étonner, de scandaliser... Vivez pour nous, soyez sûr que nous vous aimons – que je vous aime plus encore depuis que vous êtes marqué du signe de Jésus. Votre soutane vous garde, vous met à part, vous met de côté, pour que je vous trouve, pour que je vous aie, vous Jacques, lorsque je n’aurai plus personne entre moi et Dieu, personne à entremettre, personne pour lui expliquer »...
428. François MAURIAC . L.A.S. « Fr. », 4 avril 1941, [à Jacques Laval] ; 1 page 3/4 in-12. 300/400
Il regrette « de n’avoir pas été avec vous ces quelques jours comme j’aurais dû être : je n’ai pas été à votre messe, je n’ai pas communié, j’ai laissé mes propos se traîner avec complaisance sur ce dont il vaudrait sans doute mieux ne pas parler. Mais je suis moi-même dans une période sèche ; et je n’ai jamais su “incliner l’automate” comme le veut Pascal. La pratique sans amour ressenti m’est impossible. Quelle misère ! Oui, quand je pense à vous, je me demande si votre charge n’excède pas vos forces. […] Il faut tenir la parole insensée que vous avez donnée... Méfez-vous de cette femme. Elle représente un danger pour vous et peut-être ne le réalisez-vous pas : le danger d’une porte de sortie . Sachant ce que vous êtes, elle est fort capable de jouer cette partie. […] Une femme “perdue” est toujours redoutable : bien plus sans aucun doute que l’inconsistant Étienne qui n’a de son merveilleux patron que le visage angélique. […] Voilà ce que vous devez savoir, terrible Jacques, qui serez sauvé parce que le Christ vous prendra par ce qui vous reste de cheveux »…
429. François MAURIAC . L.A.S., 11 avril [1953], à l’administrateur de la Comédie Française [Pierre D escaves ] ; 1 page in-12 au dos d’une carte
postale de Malagar. 250/300 Il lui rappelle « que depuis la Libération Asmodée a été jouée très souvent Salle du Luxembourg. Je souhaite donc beaucoup que vous fassiez cette reprise Salle Richelieu où la pièce a été créée. En tout cas, j’espère que vous le feriez au moins une fois en l’honneur du Prix Nobel ? » Il s’interroge sur la distribution, notamment pour Emmanuèle : « Ma chère amie Mony Dalmés n’est pas le personnage. […] Enfn nous aurons Ledoux ! »...
430. François MAURIAC . L.A.S., La Motte, Vémars 6 mai 1953, [à Denise B arrat ] ; 2 pages in-8 à son adresse. 300/400
B elle lettre sur son engagement en faveur de l ’ indépendance marocaine , pour laquelle luttaient Robert et Denise Barrat. « La journée de dimanche demeure dans ma pensée et je n’ai pas fni de méditer sur ce qu’elle signife : ces arabes dans le jardin et le seigneur qui habite sous le toit, le Seigneur dans la maison de Lazare Robert et de Marie et Marthe (vous êtes les deux...). Je serais très heureux si vous ne me jugiez pas trop indigne d’assister un matin à la messe avec vous dans cette chapelle. Il me semble qu’elle devrait être le cœur secret et brulant de toute notre action : elle l’est déjà, je le sais bien. Mais le jour où nous aurons rompu le Pain ensemble, il y aura, il me semble, une alliance, un pacte entre nous qui ne pourra être rompu dans le temps ni dans l’éternité (si proche pour moi...) Et je me permets de solliciter une part dans l’achat que vous me dites de cette “mosquée”... Vous voyez mon ambition, mon indiscrétion ». Il recommande la prudence…
O n joint une autre L.A.S. de la même époque (Dimanche 16) à un ami, au sujet d’un discours du général Guillaume, et de l’attitude de Pierre Brisson : « On croit au Figaro que nous nous trompons en niant le complot istiqlal-communiste »…
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