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lui remet la croix de commémoration de Germain, couverte de sang : « Oui, c’est du sang ! Y a de quoi devenir fou ! Qu’est-
ce-que tu me veux donc Germain ? Quelle vengeance de moi te faut-il ? Quelle réparation ? Parle, parle si ton esprit vient la
nuit gémir autour des croix comme on dit que c’est la coutume des morts. Viens, je n’aurai pas peur de toi, commande moi ce
que tu veux je le ferai. S’il faut couler les larmes de mon corps pour laver ce sang là, je tâcherai d’en trouver car j’en ai déjà
tant versé qu’il me semble que je n’en ai plus ». Puis il rencontre Simone, qui, à la fin d’un poignant entretien, lui accorde son
pardon. Il est transfiguré et remercie Dieu : « Vous avez fait pour moi un miracle et je vous payerai de retour. J’en ferai un moi
aussi pour rendre ce méchant cœur qui vous avait méconnu aussi bon, aussi pur et aussi solide que le voute du ciel ! »… L’acte
4 (6 scènes, inachevé) voit revenir Germain, venu demander du travail à Lanry, qui ne le reconnaît pas vraiment tout de suite,
et le cache chez lui. Malgré les dénégations de Marguerite, Lanry comprend qu’elle aime Bastien, redevenu bon et travailleur,
et il avoue qu’il aime Simone depuis toujours. Simone avoue à Marguerite que c’est Bastien qui, depuis deux ans, l’assiste « de
son argent et de son travail », et l’a aidé à payer les dettes de son mari, mais elle ne peut accepter que Bastien continue à nourrir
sa famille… Le dernier acte (non numéroté et inachevé, 5 scènes) commence par un long monologue du Père Cadet qui revient
au village. Simone refuse toujours de se remarier, en souvenir de son mari. Simone rappelle la parabole de l’évangile qu’elle
lisait au début de la pièce et tout le monde commente ; Bastien dit à Lanry : « Selon la justice des hommes et dans mon estime à
moi, vous valez mieux que moi, mais la bonté de Dieu est encore au dessus de la justice des hommes et si vous connaissez une
autre jolie histoire de ce livre là, où il y a un père qui tue son veau gras pour fêter le retour et la repentance de son mauvais
garnement de fils… » À Bastien qui évoque avec Simone le secret qui est entre eux, elle répond : « Le secret dont vous parlez,
Bastien, je l’ai oublié. Il est mort dans moi. Il n’y a donc jamais à y revenir et ce n’est pas de ça que vous »… Le manuscrit
s’achève sur ces mots.
274. [
George SAND
(1804-1876)].
Louis-Stanislas Savary, comte de LANCOSME-BRÈVES
(1809-1873) écuyer
et grand propriétaire. L.A. avec dessins, [début juillet 1846], à George Sand ; 4 pages in‑fol. (fente et petits trous
par corrosion d’encre).
500/700
Très belle lettre illustrée de six dessins à la plume, par ce riche propriétaire de la Brenne que Sand rencontra en juin
1846, lors des courses hippiques organisées par lui à Mézières-en-Brenne. Elle s’y était rendue accompagnée de Solange et
d’Augustine Brault.
Il lui écrit de son chalet suisse du quartier Beaujon, « un paradis terrestre », et il décrit le bonheur qu’il prend à contempler
son épouse et sa fille Marguerite. « Je vois par votre lettre que vous êtes toujours la même personne se laissant dévorer à pleines
dents dévaster, briser, tourmenter, piller, ennuyer... Celui
qui vous fait ce vacarme est un diable qui n’abusera jamais
de vos bontés... un cœur droit et loyal, un franc ami dont
les grands bras et les énormes jambes ne restent jamais
engourdis [...] qu’il ne se gâte pas, qu’il reste l’homme
de la nature, le plus longtemps possible, qu’il n’imite pas
surtout certains compagnons de voyage »... Et Lancosme-
Brèves évoque quelques invités de ses courses, et le
souvenir inoubliable laissé par la venue des habitantes
de Nohant... Il parle ensuite du peintre Eugène Giraud,
« l’auteur de la permission de dix heures », qui voyage
en Espagne, ayant laissé femme et enfant à Mézières...
« Avouez qu’il y aurait disette dans le canton de La
Châtre si vous aviez à Nohant l’andalou Giraud
en plus
du
Brennoux Fernand [de Preaulx, qui courtisera Solange]
qui dévore à son déjeuner trois oies, six dindons, sans
compter les poulets, les moutons et les bœufs. Il y a de quoi
faire déserter un pays »... Il parle aussi du pays de Brenne
qui pourrait inspirer Sand : « Votre ardente imagination
suppléera au manque de documents. Il lui sera facile
néanmoins de poétiser l’homme des champs, l’homme
des bois, le farouche et rusé muletier, le noir forgeron,
l’intrépide cavarnier [...] et si vous allez chercher dans le
moyen-age des héros à la Walter Scott, vous trouverez
peut-être encore l’ombre de quelques fabliaux. Je pense
que nos régions longtemps abandonnées pourront vous
fournir quelques matériaux qui ne seront pas à dédaigner
présentés par une main aussi habile que la votre », et il
conclut que les richesses de la Brenne sont appelées à
jouer un vrai rôle dans le département de l’Indre... Sa
lettre est ornée de six dessins à la plume, représentant
son chalet, des oies en vol, quatre silhouettes d’hommes
dont Fernand de Preaulx, ainsi qu’un autoportrait.
Album Sand
, n° 244 et 246 ; G. Sand,
Correspondance
,
t.VII, pl. 4 et 5. Ancienne collection Georges Lubin.