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LIVRES & MANUSCRITS

26.

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961). L.A.S. « LFd» à Théophile Briant. Copenhague, 23 [mai 1950]. 2 pp.

in-folio. Enveloppe timbrée jointe.

« Je t’écris au chevet de Lucette à l’hôpital de Copenhague où elle vient d’être opérée, fibrome extra utérin pédiculé́ – heureusement

sans gravité ultérieure – pas de fièvre – mais elle souffre beaucoup (retour des gaz). Dans notre état, c’est un peu de tragédie en trop.

Où nous étions au Diable je me doutais de quelque chose […].

Je demeure chez mon avocat, ou plutôt dans un placard de son bureau

avec Bébert

[le chat] et j’arrive ici chaque matin de 8h jusqu’à 8h du soir. Il y a eu bien sûr bien des gens bien plus malheureux que nous

encore au cours de ces 10 dernières années, mais tout de même nous avons été assez gâtés dans notre genre. J’aurais je crois plus de

courage pour moi que pour elle.

J’ai une telle haine de la souffrance que je me sens comme persécuté́ par elle – insulte outrage – au

sang – à l’âme

».

600 / 800 €

27.

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961). L.A.S. « LFCéline » à ses « chers amis » [Descaves]. Copenhague, 7

juillet. 2 pp. in-folio.

« De notre côté une légère amélioration au point de vue légale grâce à la visite que Mikkelsen a faite à Paris à Naud et à d’autres amis.

La Butte a donné à fond ! s’est donné à fond en ma faveur. L’impression a été admirable !

Je ne suis plus le damné total, la pourriture

absolue. On commence à se rendre compte que l’on m’a bien martyrisé injustement alors que tant d’autres... s’en tirent glorieusement

et fructueusement

. Lucette heureusement a repris forme et santé. Je ne suis pas brillant. Je traîne. J’ai refait de la pellagre et une crise de

rhumatisme abominable en dépit de la chaleur. La cellule, les hivers en cellule m’ont crevé. Je n’ai pas tenu la réclusion. J’ai des faiblesses,

je perds connaissance pour un oui, un non. Enfin on me promet un régime moins tracassier, bien amélioré.

Il n’est malheureusement pas

question de rentrer en France, et je souffre beaucoup de l’exil

. De plus, on m’a enlevé tous mes pauvres moyens d’existence, médecine,

livres... alors que Montherlant, Chadourne, Claudel, Romains...

Je crains que l’Humanité ne revienne en France qu’avec la bombe atomique

.

Alors quelles réconciliations, quelles pleurnicheries ! Le maître nous prépare-t-il autre chose ? un livre ? une pièce ? Je me suis malgré tout

remis au labeur mais

on m’a brulé Guignol’s Band II ! Je suis sur Féérie pour une autre fois, premier chapitre, le bombardement de

Montmartre. Fait par les Français ! Je le ferai paraître en Suisse et en Amérique. Qu’ils se gorgent d’Aragon, de Cassou, et de Triolet,

et de traductions de Miller sous-Céline ! puisque c’est leur goût ! La France ne mérite pas ses écrivains

. Son âme déambule jamais entre

Félix Potin et la Samaritaine. Un petit crochet vers la P.P. pour aller « dénoncer », c’est tout ! »

2 000 / 3 000 €

28.

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961). L.A.S. « LFCéline » à ses « chers amis » [Descaves]. Copenhague,

sans date. 2 pp. in-folio.

«

Hélas on désespère de rentrer jamais... Tant d’années déjà ! et ce rabâchage de haine. Si j’avais été aussi méchant moi et hargneux !

... Enfin on

va laisser ses os ici je le crains... mais ce serait le bagne en France... alors ? Les Communards avaient des partisans mais les gens de notre espèce sont

en haine absolue au monde entier et pour toujours. Heureux Vallès qui pouvait gagner sa vie à Londres ! Il y a bien des étages dans la damnation !

Nous sommes à présent à la campagne en cahutte. Nous ne pouvions plus tenir en ville (les ressources !). Ah je pense souvent à la rue de la Santé, aux

heures admirables passées là […]. L’été́ s’est décidé finalement.

De Gaulle va peut-être passer le Rubicon en avion comme il est parti à Londres

! Il fera peut-être une amnistie par micro comme il a organisé une St Barthélemy si grandiose !

»

800 / 1 000 €

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