Lot n° 239

VAUVENARGUES LUC CLAPIER, MARQUIS DE (1715-1747). MANUSCRIT autographe, [Dialogues] ; 7 pages et demie in-4.

Estimation : 4 000 - 5 000 €
Adjudication : Invendu
Description
► Rare manuscrit de trois Dialogues philosophiques.

Les Dialogues ont été publiés dans les Œuvres posthumes de Vauvenargues éditées par J.L.J. Brière en 1821. Le manuscrit, à l’encre brune sur 4 feuillets, présente quelques ratures et corrections.Il rassemble les Dialogues (ici non numérotés) VI, VII et XVIII.
[VI] Montagne et Charron (3 pages).
Dialogue entre MONTAIGNE et Pierre CHARRON, auteur du livre De la Sagesse.

« CHARRON. Expliquons nous, mon cher Montagne, puisque nous le pouvons presentement. Que vouliez vous insinuer quand vous avez dit : Plaisante justice qu’une rivière ou une montagne borne ! Vérité audela des Pirenées ; erreur audeça. [La citation est en fait de Pascal.] Avez vous pretendu qu’il n’y eut pas une verité et une justice reelle ?

MONTAGNE. J’ai pretendu, mon cher ami, que la plupart des loix etoient arbitraires, que le caprice des hommes les avoit faites, ou que la violence les avoit imposées. Ainsi elles se sont trouvées fort diferentes selon les pais, et quelquefois tres peu conformes aux loix de lequité naturelle. Mais come il n’est pas possible que legalité se maintiene parmi les hommes, je pretends que c’est justement qu’on soutient les loix de son pais, et que cest à bon titre qu’on en fait deppendre la justice. Sans cela, il n’y auroit plus de regle dans la société, ce qui seroit un plus grand mal que celui des particuliers lezez par les loix »… Etc.
[VII]. Un americain et un Portuguais (3 pages).

« L’AMERICAIN. Vous ne me persuaderez point. Je suis tres convaincu que votre luxe, votre politesse, et vos arts, n’ont fait qu’augmenter nos besoins, corrompre nos mœurs, allumer davantage notre cupidité, en un mot corrompre la nature dont nous suivions les loix avant de vous conoitre.

LE PORTUGUAIS. Mais qu’apellez vous donc les loix de la nature. Suiviez vous en toutes choses votre instinct. Ne l’aviez vous pas assujeti à de certaines regles pour le bien de la société ?

L’AMERICAIN. Oui, mais ces regles etoient conformes à la raison.

LE PORTUGUAIS. Je vous demande encore ce que vous appelez la raison »... Etc.
[XVIII]. Platon et Denis le tiran (1 page et demie). Dialogue entre PLATON et le tyran de Syracuse Denys.
« DENIS. Oui, je le maintiens, mon cher philosophe, la pitié, l’amitié, la generosité, ne font que glisser sur le cœur de l’home. Pour lequité, il n’y en a aucun principe dans sa nature.

PLATON. Quand il seroit vrai que les sentimens d’humanité ne seroient point durables dans le cœur de l’home....

DENIS. Cela ne peut etre plus vrai. Il n’y a de durable dans le cœur de l’home que l’amour propre. […]

PLATON. C’est adire que vous qui etiez plus fort et plus habile que vos sujets, vous n’etiez pas obligé envers eux à etre juste. Mais vous avez trouvé des hommes encore plus heureux et plus habiles que vous. Ils vous ont chassé de la place que vous aviez usurpée. Après avoir eprouvé si durement les inconveniens de la violence, devriez vous persister dans votre erreur ? Mais puisque votre experience n’a pu vous instruire, je le tenterois vainement. Adieu ; je ne veux point infecter mon esprit du poison dangereux de vos maximes »...
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