Lot n° 40
Sélection Bibliorare

André GIDE. Manuscrit autographe, Une belle histoire ; 4 pages et demie in-4 (4 ff. lignés détachés d’un cahier). Curieux récit, avec d’importantes ratures et corrections. Une note en marge de la première page indique : « raconté à...

Estimation : 600 / 800
Description
Perpignan, en septembre 1940, par le Dr Nicolau ». « Je tiens cette histoire de Roger Stéphane. Il me l’a racontée l’autre soir, à Nice et me disait : voici longtemps que je la sais ; mais d’abord je pensais m’en servir et me la réservais. Ce n’est que depuis que j’ai renoncé à en tirer parti que je consens à la raconter ; la voici. Dans une petite ville de province, une fillette de six ans environ, enfant unique, était choyée par sa mère, qu’elle chérissait. Le père mourut laissant sa femme enceinte. Celle-ci crut bon de préparer la fillette à la venue d’un autre enfant. Ce ne fut pas chose facile, car la fillette se révoltait à l’idée de devoir partager les soins de l’amour maternel avec celui qu’elle considérait comme un intrus. [...] Rien n’y faisait. De penser qu’elle n’aurait plus sa mère toute à elle restait intolérable à l’enfant. [...] la mère, arrivée au terme de sa grossesse, accoucha d’un enfant mort-né. [...] La fillette à partir de ce jour devient inquiète, ombrageuse. Elle semble s’écarter de sa mère qui la cajole en vain. Elle ne mange presque plus. Elle s’étiole. Elle dépérit. [...] Enfin on a recours à un psychiatre éminent qui l’examine et l’interroge. Par lui pressée de questions, la fillette finit par avouer ceci : après que sa mère lui eut annoncé l’arrivée d’un petit frère et pour empêcher la venue au monde de celui-ci, elle se relevait la nuit, tandis que toute la maison dormait, descendait dans le jardin et, armée d’une longue aiguille à tricoter, transperçait l’un après l’autre chacun des choux du potager. À présent elle se sent responsable de la mort de ce petit frère ». La mère à son tour ne put bientôt plus supporter la fillette, « véritablement criminelle à ses yeux »... Un dialogue avec Roger Stéphane mène à la moralité : « Le mieux, voyez-vous, c’est de ne pas d’abord enseigner des choses fausses, fût-ce aux fillettes. La plus triste réalité est moins nocive que le mensonge »...
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