Lot n° 837
Sélection Bibliorare

DESMOULINS Camille (1760-1794) journaliste et orateur révolutionnaire, conventionnel (Paris), ardent Montagnard, guillotiné avec Danton. MANUSCRIT autographe, Notes de Camille Desmoulins sur le rapport de St Just, [1er avril 1794] ; 3 pages...

Estimation : 20000 / 25000
Adjudication : 24 700 €
Description
in-fol. avec ratures et corrections et additions marginales (bords légèrement effrangés).


Extraordinaire manuscrit de sa plaidoirie pour sa propre défense lors de son procès, contre le rapport accusatoire de Saint-Just.

[« Camille Desmoulins a donné le titre de Notes sur le rapport de St-Just à cette pièce. Elle constitue la vive esquisse de la défense qu’il espérait prononcer en face de ses accusateurs ; ils refusèrent de l’entendre, et il ne paraît pas qu’avec tous les efforts les plus véhéments il ait pu parvenir à en faire arriver plus qu’une partie entrecoupée à l’auditoire. Dans un accès de désespoir, et l’on peut même dire de véritable rage, il jeta à la tête de ses bourreaux ce papier froissé dans ses mains et mouillé de ses larmes. On peut croire au miracle, quand on voit une pièce aussi intéressante, qui, d’abord tombée au pouvoir de ceux qui avaient intérêt à la détruire, revient après tant de catastrophes aux mains de ceux qui ont le plus grand intérêt à la conserver. Ce dernier cri du courage et du patriotisme qui se débattent dans une si héroïque agonie a quelque chose de sacré » (Matton aîné).

Cette plaidoirie a été citée pour la première fois en 1828 par Berville et Barrière dans le rapport de Courtois sur les papiers de Robespierre, dans lequels il aurait été trouvé. Le texte a ensuite été édité sur l’original à la suite du Vieux Cordelier réimprimé par Matton aîné en 1834 ; puis en 1837 au tome XXXII de l’Histoire parlementaire de la Révolution française de Buchez et Roux (p. 225-229).]

« Si je pouvois imprimer a mon tour, si on ne m’avoit pas mis au secret, si on avoit levé mes scellés et que j’eusse les papiers necessaires pour etablir ma defense, si on me laissoit deux jours seulement faire un n° 7 [du Vieux Cordelier, dont il corrigeait l’épreuve lors de son arrestation] comme je confondrois Mr le Chevalier de St Just, comme je le convaincrois de la plus atroce calomnie, mais il ecrit a loisir dans son bain, dans son boudoir, il medite pendant 15 jours mon assassinat, et moi, je n’ai pas où poser mon ecritoire, je n’ai que quelques heures pour defendre ma vie. […]
Mais il y a une providence, une providence pour les patriotes, et déjà je mourrai content, la république est sauvée, une affaire étrangère, mais qu’on avoit lié à la notre pour nous perdre, par un evenement imprévu incroyable, a jetté des flots de lumière, sur notre prétendue conspiration, et il demeure prouvé, par plusieurs faits décisifs, que ceux qui nous accusent d’avoir comploté sont eux même les conspirateurs »...

Il expose alors trois faits prouvés, concernant la conspiration d’HÉBERT, la dénonciation de CHABOT, l’inaction du Comité qui avait les preuves en mains et n’a rien fait, etc.
Quant au rapport de Saint-Just, « il n’y a pas d’exemple d’une aussi atroce calomnie que cette pièce. Et d’abord il n’y a personne dans la Convention qui ne sache que Mr le cydevant Chevalier de St Just m’a juré une haine implacable, pour une légère plaisanterie que je me suis permise il y a 5 mois dans un de mes numéros. […] J’ai mis St Just dans un numéro rieur, et il me met dans un rapport guillotineur, où il n’y a pas un mot de vrai à mon égard ». On l’accuse « d’être complice de Dorléans et de Dumourier », alors que c’est lui qui les a dénoncés « le premier, et avant Marat et plus vigoureusement que personne », comme on peut le lire dans ses écrits… Il dénonce l’actuelle faction « des Feuillans, des Brissotins, des Hébertistes, tous rangés sous la même bannière de Pitt, pour recommencer en bonnets rouges l’ancienne guerre de Pitt, des Feuillans, des Brissotins contre les républicains, les vieux Cordeliers, et la Montagne. Ils se croient déjà sûrs de leurs victimes. […] Mais enfin, avant que de périr, il faut que je serve encor une fois la république, et tout ce que je vais dire seront des faits incontestables et j’ai de bons témoins ».
Il dénonce alors les uns après les autres « ceux qui nous persécutent aujourd’hui » : VADIER, qui avait été dénoncé par MARAT dès 1791 « comme le traître et le renégat le plus infâme » ; VOULLAND, « qui était secrétaire des Feuillans sous la présidence de Barrère » ; AMAR, « Brissotin enragé » ; Louis DAVID, « Brissotin enragé, ennemi de ROBESPIERRE il y a 2 ans, et qui aujourd’hui s’en va disant je vois bien que nous ne resterons pas 20 montagnards à la Convention »... Il demande la citation de plusieurs témoins sur les « iniquités » du Comité de sûreté générale, l’ignoble conduite de COLLOT D’HERBOIS, qui, « en mission avec son cher Ronsin à Lyon, avoit fait tout au monde pour rendre la république hideuse et faire la contrerévolution à Lyon »… « Il est des témoins que le grand républicain St Just a dit au commencement de la Convention avec humeur : oh ils veulent la république eh bien elle leur coûtera cher. Il y a des témoins que l’ambitieux St Just a dit je scais où je vais ». Il dénonce enfin « le tartuffe, le scélérat BARRÈRE » qui était « président des Feuillans », et qui « venoit chez moi me carresser, me flagorner, et disoit en sortant à Rousselin, il faut que nous ayons sous 8 jours les têtes de Danton, Camille Desmoulins, Philippeaux &c ».

─ Provenance
• Bibliothèque Dominique de VILLEPIN, Feux & Flammes, I Les Voleurs de feu (28 novembre 2013, n° 311).
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