Lot n° 40
Sélection Bibliorare

PROUST (Marcel) — LETTRE AUTOGRAPHE signée «Marcel». — S.l., [21 février 1907]. — 1 p. in-8 ; date de réception au composteur avec millésime incomplet, apostilles autographes du destinataire, complément du millésime et «ai...

Estimation : - 500 - 600 €
Adjudication : 1 100 €
Description
téléphoné» ; petites traces de rouille.
«Dès 7 heures du matin les ouvriers font rage sans discontinuer...»

«Mon cher Louis, une ligne seulement car je suis épuisé, pour te dire (supposant que tu n'as eu aucune réponse de m[adam]e Katz) de ne pas, dans ta trop grande bonté, revenir à la charge. Car j'ai découvert que Mr S traus connaît son fils qui est président du tribunal et je fais faire par lui une démarche qui n'aura sans doute aucun résultat, mais il vaut mieux ne pas trop faire à la fois. Je ne puis te dire ma tendresse, ma reconnaissance, et mon épuisement car dès 7 heures du matin les ouvriers font rage sans discontinuer. Tout à toi pour toujours...»

Tour d'ivoire et tapage diurne.
Marcel proust venait d'emménager en décembre 1906 dans un logement au 102, boulevard Haussmann, et, lui si sensible à la moindre perturbation, eut presque aussitôt à déplorer le vacarme qui provenait de l'appartement contigu d'une certaine madame Katz où se déroulaient de bruyants travaux d'aménagement. Il fit des pieds et des mains pour faire réduire ces nuisances, et fit intervenir plusieurs personnes dont Louis d'Albufera, Georges de Lauris, Joseph Reinach et Émile Straus.
Réminiscence dans la Recherche. Cet épisode inspira à Marcel Proust un passage dans Le Temps retrouvé (chapitre III, «Matinée chez la princesse de Guermantes»): «[...] Malheureusement, ces billets ne faisaient que permettre au gendre et à la fille de nouveaux embellissements de leur hôtel, contigu à celui de leur mère, d'où d'incessants coups de marteau qui interrompaient le sommeil dont la grande tragédienne aurait eu tant besoin. Selon les variations de la mode, et pour se conformer au goût de M. de X. ou de Y., qu'ils espéraient recevoir, ils modifiaient chaque pièce. Et la Berma, sentant que le sommeil, qui seul aurait calmé sa souffrance, s'était enfui, se résignait à ne pas se rendormir, non sans un secret mépris pour ces élégances qui avançaient sa mort, rendaient atroces ses derniers jours. C'est sans doute un peu à cause de cela qu'elle les méprisait, vengeance naturelle contre ce qui nous fait mal et que nous sommes impuissants à empêcher. Mais c'est aussi parce qu'ayant conscience du génie qui était en elle, ayant appris dès son plus jeune âge l'insignifiance de tous ces décrets de la mode, elle était quant à elle restée fidèle à la tradition qu'elle avait toujours respectée, dont elle était l'incarnation, qui lui faisait juger les choses et les gens comme trente ans auparavant [...]»
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