Lot n° 1369
Sélection Bibliorare

LAMARTINE Alphonse de (1790-1869) poète et homme politique MANUSCRIT autographe signé «Lamartine représentant du Loiret», Orléans 20 septembre [1850, au Rédacteur du Journal du Loiret] ; 32 pages in-4 écrites au recto de 32 ff, reliés en un...

Estimation : 5 000 - 7 000 €
Adjudication : 6 500 €
Description

volume in-4 maroquin rouge janséniste, doublé de maroquin rouge, cadre de filet doré, gardes de moire rouge, non rogné, chemise demi-maroquin rouge à rabats (Marius Michel).

Importante lettre ouverte sur la République.

Elle a été publiée dans le Journal du Loiret du 26 septembre 1850 (Lamartine avait été élu dans le Loiret en juillet 1849), datée du 22 septembre. Le manuscrit présente quelques ratures et corrections.

«La république seule forme de gouvernement qui pût donner refuge honneur et sécurité à la France le 24 février au soir au milieu des décombres de ses monarchies et des flammes de la révolution durera et se caractérisera de jour en jour davantage en institution moderne sans modèle et sans analogie dans le passé. Elle ne ressemblera à rien qu'à elle-même : pourquoi cela ? Parce que le tems où nous vivons ne ressemble à aucun autre, et qu'un gouvernement doit être l'image du pays du peuple et du temps qui le fondent sous peine d'être un contresens à la nature des choses»... Il évoque quelques républiques passées - Lacédémone, Athènes, Rome, Venise, celle de Cromwell et celle de 1793 - qui n'ont en commun avec la nôtre que le nom de république, puis définit ce nom, aujourd'hui :
«Nous sommes partie intégrante, principale, imposante, mais non dominante d'une Europe constituée en cinq ou six grandes nationalités. Les droits et les forces de ces nationalités en se balançant et en se combinant forment l'équilibre politique du monde ; c'est l'état de paix du continent et des mers au bénéfice commun de la civilisation et de l'humanité»... Sans esprit de conquête, le peuple français se distingue par ses qualités morales, artistiques et humaines ; il est religieux à condition de l'être «à son idée», égal devant la loi et l'impôt, peu tenté par la subversion sociale et de plus en plus instruit... Désormais uni par le suffrage universel, il attend une politique de fraternité. Sans condamner la monarchie, le peuple «est condamné à s'en passer et à prendre appui sur lui-même. C'est la république. Que la royauté le lui pardonne ! Elle a manqué à son besoin de stabilité comme elle manque à sa foi. Elle a trop croulé. Mais ce peuple sans prévention non plus pour les institutions populaires demandera logiquement à la république tout ce que la monarchie avait de bon moins ce qu'elle avait de faible et de vicieux» : la protection de la propriété ; la liberté du culte ; un ordre social par fonctions ; une armée qui soutient la loi et défend la patrie...
Lamartine s'étend sur la nature défensive de l'armée et sur sa composition, puis s'attaque vivement aux erreurs et errances de la monarchie de droit divin. «Louis XIV promenait ses favorites affichées dans le char royal jusques devant le front de ses armées. Le Régent a laissé le nom de Régence pour synonyme à une orgien de gouvernement. Louis XV n'a laissé pour dates à son long règne que les changements de ses maîtresses. Les grandes vertus éclataient dans les cours, mais les grands scandales y pervertissaient de plus haut les moeurs de la nation. La république a trouvé un meilleur moyen de suprimer ces compétitions du pouvoir suprême, c'est de suprimer ce pouvoir suprême, et de crééer des magistrats de l'autorité à la place de ces possesseurs de l'autorité»... Il voudrait un gouvernement démocratique élastique, et il voit dans le suffrage universel et dans le droit reconnu de tous, une source non seulement de force mais de douceur : «les hommes sérieux sourient quand ils voient les esprits faibles s'allarmer de tel conciliabule impérialiste à Paris, de tel congrès d'Orléanistes à Claremont, de tel cénacle pieux de légitimistes fidèles à la tradition, à l'exil et à la religion de leur père à Wisbaden ! de telle réunion de secte socialiste autour de tel ou tel oracle ici ou là, de telle concentration de républicanisme dictatorial, à contresens de la France et du tems [...]. Laquelle a une arme ? C'est-à-dire un principe à opposer au sufrage universel ?»...
La république moderne ne craindra pas les dynasties déchues. «Tout gouvernement où il y a un proscrit est un gouvernement menaé. Il n'y a de fort que ce qui regarde face à face le principe contraire. Le sufrage universel peut-il regarder en face la colombe miraculeuse de St Rémi au 19ème siècle ? Voilà la question. Ainsi toutes les libertés qui peuvent s'exercer en ordre, voilà la formule de la république moderne»...

PROVENANCE :
• Anciennes collections Louis BARTHOU (I, 404, ex-libris),
puis
• DU BOURG DE BOZAS CHAIX D'EST-ANGE (196, ex-libris).

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